temporalité du rp : août, 1955
personnages concernés : @Ronald Abbott & @Agatha Trelawney
trigger warnings : aucun pour le moment
intervention autorisée du mj : [ ] oui [X] non
autre(s) : /

IN FOR THE KILL - 2021-2022

Lèvres à quelques millimètres du microphone. Ton attention est portée sur l’auditeur qui ne semble pas voir raccrocher. « Mais je l’aime vous savez, j’ai beau être infidèle, je l’aime de tout mon être. » La détresse dans sa voix, un cri du cœur. Le tien se resserre un peu. Tu aimerais lui dire que sa femme va lui pardonner, que tout sera oublié. Tu sais pertinemment qu’elle va le quitter. Ça ne fait qu’une dizaine de minutes qu’il est à l’antenne et pourtant, tu sais. L’intuition féminine comme guide. Métronome de ta vie de sorcière. Voir le passé, c’est cela ton vrai cadeau du divin. Entrevoir des brides de situations, percer le mystère de personnalités qui n’ont rien demandées. Le futur est un secret pour toi. Secret que tu tentes de perforer grâce à tes compétences en arts divinatoires. Ici tu n’as pas besoin de tout cela. Sa voix, sa tristesse, ses paroles ont largement suffi à te faire comprendre qu’il n’y avait plus aucun espoir de son côté comme de celui de son épouse. « Monsieur, il faut le lui prouver, c’est votre dernière chance. »  Continuer d’avancer. Mettre ton son être dans ce que l’on souhaite pour ne rien regretter. « Chères auditrices, je vous propose de prendre la parole pour aider monsieur « chapeau ». Donnez-nous quelques idées qui pourraient faire fondre votre cœur de sorcière, afin qu’il puisse s’en inspirer.  En attendant vos appels de cheminette, on écoute la nouvelle chanson de Celestina Moldubec ! » Monsieur « chapeau », surnom choisi pour garder son anonymat, ne devrait pas tarder à avoir quelques conseils à appliquer. Tu t’éloignes du microphone, craque tes phalanges et soupire longuement. Ton collègue te fait un signe de la main qui signifie que les auditeurs ont été réceptifs. Tu n'en doutais pas. Le jour où ton émission « Jus de citrouille » s’arrêtera, tu seras bien malheureuse. Elle fait partie intégrante de toi depuis trop d’années maintenant pour imaginer qu’il pourrait en être autrement.  


Tu sors de RITM en fin de matinée, la tête encore remplie des questions de tes auditeurs. Le cerveau en ébullition. Tu apprécies toujours ce moment où le calme reprend les reines. Seul le brouhaha de la ville chuchote à tes oreilles et c’est presque reposant. Ton estomac gargouille. Ce n’est pas raisonnable pourtant tu as cruellement envie d’une pâtisserie. Pas n’importe laquelle, car seuls les macarons de ta sœur te font saliver à ce point-là. Tes yeux pétillent lorsque tu réalises qu’en plus ça sera l’occasion de rencontrer son nouveau collègue. Curieuse, tu ne résistes pas à la pulsion d’assouvir ton appétit, au sens propre comme au figuré.

Arrivée sur le trottoir de madame Guillotine en deux temps trois mouvements, tu ne te fais pas prier pour rejoindre le bâtiment. Établissement que tu connais par cœur, car tu ne résistes jamais à l’envie de venir voir ta petite sœur. Discuter avec elle est presque aussi jouissif que l’opportunité de te mêler de sa vie. Oui, tu es chiante, mais tu assumes. S’il y a bien une chose pour laquelle tu penses avoir tous les droits, c’est veiller sur le bien-être de tes sœurs, même si elles préfèreraient sûrement que tu t’abstiennes. Ton regard est attiré par un moineau. Joyeux équilibriste posé sur l’une des jardinières qui orne la rue. Tu souris, puis le choc est brutal. « Oh pardon… » Tu viens de rentrer dans un homme, dont la carrure te fait rapidement comprendre d’où vient la douleur que tu ressens dans ton épaule frêle. « Je suis vraiment désolée, j’étais distraite par l’oiseau… » Que tu pointes du doigt et qui a disparu. Évidemment. Un sourire se dessine sur ton visage désolé alors que ton regard le détaille un peu plus. Vaguement perturbée par ses yeux d’un bleu hypnotisant, tu te redresses et remets ton sac à main à sa place, sur ton épaule meurtrie. Tu jettes un regard vers la pâtisserie. « Je venais voir ma sœur. » Il s’en fiche probablement, mais par peur de ne pas en dire assez, tu en dis toujours trop. Pendant que les mots sortent de ta bouche tu réalises ton énorme erreur. Agnes n'est pas là, elle devait partir plus tôt aujourd'hui. Au moins tu auras tes macarons.

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Le temps du ministère semble aussi loin que proche. C’est comme si Ronald y était encore hier car le bougre se souvient de tout. Il se souvient de l’Atrium, des dalles de marbre au sol, de cette couleur sombre qui l’a longtemps horripilé après le décès de son épouse. Le noir lui rappelant le deuil constant et puis, le bruit des ascenseurs. Cette mécanique régulière qui fonctionne, tel un métronome, tous les jours, le même ballet incessant, les employés qui vont et viennent, arrivent par les nombreuses cheminées puis disparaissent par le même chemin. Ronald se souvient vraiment de tout et en lui, il y a ce petit pincement qui serre le cœur, car il pensait vraiment commencer sa carrière ici et l’achever en même temps. D’une façon ou d’une autre, l’aîné Abbott y était lié jusqu’à la fin. Mais la vie semble en avoir décidé autrement. Elle joue, la vie et le ministère est loin, car désormais, l’ancien auror et garde du corps n’est plus employé là-bas. Aujourd’hui, il travaille dans une charmante petite boutique de Godric’s Hollow, officie comme vendeur de pâtisserie. Qui l’aurait cru ? Certainement pas lui et pourtant, il a fait son choix, Ron. Il l’a fait à partir du moment où il savait qu’il allait rentrer, qu’il avait achevé cette longue et interminable mission. Sitôt un pied posé sur le ferry de tous les malheurs, l’homme faisait déjà ses adieux à son ancienne vie, incluant le ministère et tout ce que cela englobe avec.
Regrette-t-il son choix ? Pas encore, mais les souvenirs restent malgré tout douloureux, qu’on le veuille ou non. Les entailles sont fines, encore vives, pas encore guéries. Le temps fera le reste, assurément.

Alors, Ronald essaie depuis très tôt ce matin, de chasser toutes ces pensées de son esprit. Le nouvel employé, embauché depuis à peine quelques jours veut s’atteler à réussir ce pourquoi on l’a embauché. Envie de ne pas décevoir autant que de commencer convenablement ce nouveau chapitre de sa vie, il se veut sérieux. Sans doute trop, si bien que derrière cette barbe épaisse qu’il n’a pas encore décidé de raser, il peut apparaître comme bourru. Les sourcils brièvement froncés, ride du lion naissante, expression de son mécontentement, il râle plus pour lui même qu’autrui quand il constate qu’il a confondu deux paquets.
En effet, le paquet de Madame Carson est identique en terme d’apparence à celui de Madame Spring. Les deux clientes ont pris le même gâteau. Un magnifique Victoria Sponge Cake que la collègue de Ronald a réalisé, elle est d’ailleurs très douée, cette jeune femme prénommée Agnes a pensé l’homme, fasciné par ses réalisations. Cependant, les deux gâteaux se ressemblent peut-être, mais ne sont pas les mêmes. Tels des jumeaux, ils ont malgré tout des différences. Le gâteau de Madame Carson contient des fraises, celui de Madame Spring est agrémenté d’abricots ! Toute la différence est là et Ronald se retrouve horrifié par son erreur.
— Attendez, Madame Spri… Mais trop tard, la cloche sonne et la cliente a déjà filé. Elle lui a dit qu’elle était pressée. Ronald grogne et ôte rapidement les gants. Il a encore le temps de la rattraper, de présenter ses excuses. Il prend le bon paquet et sort sans attendre.

Dans la tête de Ron, il est impensable qu’il se trompe. En effet, le vieux bougre tient à cet emploi pour tout un tas de raisons. Parce qu’il en a besoin, pour son propre équilibre, pour retrouver une motivation le matin, le temps de rebondir, de revenir convenablement dans ce monde après des semaines devenues des mois d’exil, mais aussi parce qu’il aime la douceur que cela lui procure. Le ministère avait fini par le rendre tendu, un brin anxieux, source d’un stress qui ne faisait que croître, Ronald a l’impression de renaître chez Madame Guillotine. Et il ne s’est pas encore avoué que travailler ici lui arrache même un sourire, alors non, il ne veut pas échouer.
Et puis, la satisfaction des clients est une nécessité.
— Madame Spring ! Qu’il lance Une fois dehors.

Boum.
Parce que Ronald ne la voit pas, cette petite sorcière, bout de femme qu’il percute. Il manque de lâcher le bon gâteau. Ça serait le comble non ? Mais l’homme le rattrape de justesse et fixe la jeune femme aux cheveux blonds un instant. Ce visage lui dit quelque chose. Ron plisse les yeux. Il y a comme un air de famille … ? Et puis, un oiseau ? Quoi ? Il cligne des yeux et n’entend pas la suite car il se souvient soudainement de la raison de pourquoi il est dans la rue, avec le tablier rose poudré estampillé du nom de l’enseigne. — Le gâteau ! Au loin, Madame Spring semble attendre quelqu’un au coin de la rue, c’est sa chance. — Pardon qu’il dit à la blonde et à son moineau disparaît. Aucun doute, elle semble aussi perchée qu’un volatile celle-là qu’il songe sans vraiment entendre l’évocation d’une tante, non d’une cousine ? Bref. Ronald se précipite vers Madame Spring.
Elle ne lui en veut pas, elle lâche un petit rire et tandis que Ronald regagne le magasin, il soupire, soulagé avant de constater que la fille aux oiseaux qui n’existent pas est toujours là, devant le magasin. Et à cet instant, l’homme constate qu’il ne s’est pas encore comporté comme un vendeur digne de ce nom. Il faut dire que les relations avec les clients, ce n’est pas son point fort. On ne lui demandait pas ça avant, alors le sorcier n’a pas l’habitude. — Je peux vous aider ? Qu’il demande enfin avant de pousser avec le dos, la porte de la boutique et de retourner dedans pour remettre le bon gâteau à sa place, en attendant que Madame Carson arrive. — Vous cherchez quelqu’un ? Vous avez parlé de votre… Cousine ? Il n’est pas certain de lui. Il n’écoutait pas vraiment en fait. — Oh, ça y est je sais qu’il dit tout haut, avant d’ajouter — Agnes est de votre famille, non ? Vous lui ressemblez. Un sourire s’étire sur ses lèvres. Ron savait qu’il avait déjà vu ces traits quelque part, ce sont ceux de la pâtissière aux mille talents. — Malheureusement, elle n’est pas ici, elle ne travaillera pas avant quatorze heures trente, mais je peux peut-être vous aider quand même ? Et Ron fait le tour du comptoir pour retourner à son poste après avoir rangé le cake en question. — Je m’appelle Ronald Abbott qu’il dit enfin. Les présentations sont un bon point de départ après cette rencontre mouvementée et soudaine.

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Entre les mains, fermement maintenu, un carton contenant sûrement un délicieux gâteau. L’homme que tu viens de percuter semble en prendre soin comme s’il s’agissait d’un vase en porcelaine. Tu remarques son tablier et une étincelle s’allume dans ton regard, voici le fameux nouveau collègue. Tu lui expliques, dans la confusion de tes excuses, pourquoi tu ne regardais pas où tu allais, mais ton interlocuteur n’est pas attentif. Tu parles dans le vide. Balbutie probablement des choses incompréhensibles pour celui qui ne t’écoute que d’une oreille distraite. Il s’excuse et se précipite vers la dame qui vient de quitter la boutique. Tu restes plantée là, observant la scène avec amusement. Madame Spring très certainement. Une habituée de la pâtisserie, elle vante les mérites des friandises d’Agnes à qui veut l’entendre. Elle n’est pas la seule cliente fidèle que tu croises sur ton chemin plusieurs fois par semaine. Il t’arrive d’ailleurs souvent de discuter avec les inconditionnels de ta petite sœur. Elle a un talent certain pour la cuisine. Tes yeux restent fixés sur eux, la curiosité en étendard. Un échange de gâteau plus tard et le voici à nouveau planté devant toi. Il ne tarde pas à se diriger dans la boutique. Décidément, ce bonhomme ne tient pas en place. Il parle, beaucoup plus que tu ne l’aurais pensé. Il se montre très prévenant, un bon point pour lui. « Agnes est ma petite sœur. » Lances-tu pour expliquer votre ressemblance avec un brin de fierté. Il est vrai que les sœurs Trelawney ont quelques points communs au niveau du physique, dont la chevelure et le regard perçant. Il te tarde de vous savoir toutes les trois réunies. Le temps se fait de plus en plus long, tu as l’impression que le fossé entre tes deux sœurs s’agrandit de jour en jour. Ton énergie est vouée à les voir se réconcilier, mais tu doutes de plus en plus. Même les flammes ne semblent pas vouloir t’accorder d’indication à ce sujet. Tu as arrêté de poser des questions. Le temps est parfois la meilleure des guérisons. En attendant, tu te délectes des moments que tu peux passer avec l’une d’entre elle, tout en espérant revivre les repas du dimanche midi. Ta mère ne peut qu’approuver tes désirs. Elle qui est si malheureuse de voir sa famille se déchirer.

Agnes ne sera pas à la boutique avant un long moment. Il te faudra repasser plus tard si tu veux la voir « Oh, dommage ! » Si seulement tu avais une meilleure mémoire ! « Il me semblait bien qu’elle m’avait dit que ses horaires étaient particuliers aujourd’hui, mais je m’en suis souvenu un peu trop tard. » Un sourire désolé naît sur tes lèvres roses. Tu regardes avec avidité la vitrine remplie de pâtisseries toutes plus succulentes les unes que les autres. « Oh oui, je ne vais pas me laisser abattre ! » Réponds-tu en riant, parce que tu ne peux pas venir chez Mme Guillotine sans repartir avec l’un de ses délices. « Je vais vous prendre une boîte de 8 macarons. » Les couleurs et les goûts aussi variés qu’appétissant sont sous tes yeux. Ton indécision légendaire te joue, une nouvelle fois, des tours. « Je vais vous laisser me composer un assortiment, si ça ne vous dérange pas. Je n'arrive jamais à me décider ! » Un petit test pour le nouveau, mais surtout un moyen pour toi de ne pas devoir choisir, car tu as horreur de ça. « Enchantée Ronald, je suis Agatha Trelawney. » Tu lui tends la main, un énorme sourire vient fendre ton visage. « On va être amené à se voir souvent ! » Tu ne passes pas quotidiennement à la pâtisserie, mais tu ne te refuses jamais une de leurs gourmandises et surtout, l’excuse parfaite pour venir voir ta sœur.

Tu jettes un regard derrière toi, personne ne semble daigner venir te rejoindre et c’est tant mieux. Ta curiosité attisée. Tu aimes la nouveauté, surtout lorsque cela touche de près ou de loin le quotidien de l’un de tes proches. « Alors Ronald, vous avez déjà travaillé dans une pâtisserie ou c’est la première fois ? »

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Quand il a postulé, Ronald n’a jamais pensé qu’il allait apprécier son travail. Ce qu’il cherchait avant tout, c’était s’occuper l’esprit, ne pas tourner en rond chez lui et surtout, quelque chose qui n’avait strictement rien à voir avec le ministère de la magie. Le ministère, tout un emblème chez Ronald. Son étendard, son écusson, la force d’une insigne qu’il a désormais rangé au fond d’un tiroir, soigneusement, cependant. Car l’objet est précieux, symbole d’un passé que le sorcier a cependant décidé de laisser à sa place justement. L’avenir, Ronald le veut loin du ministère, loin de cette institution qui l’a déçu. En bouche, l’ancien auror en garde un goût profondément amer. Rancune tenace, il n’arrive pas à pardonner ce qu’on lui a fait, n’arrive pas à comprendre comment quelqu’un, son chef en l’occurrence, a pu le punir comme un enfant, l’envoyer loin de chez lui, tout ça parce qu’il a choisi son enfant plutôt que son devoir. Famille, devoir et honneur. Une devise, son crédo, mais comment choisir parmi les trois quand un seul choix est possible ? La famille, le devoir ou l’honneur ? Il semble que Ronald a décidé, instinct a tranché, la famille. Tant pis pour le déshonneur, tant pis pour le devoir bafoué. Et pour cela, on l’a expédié en Europe, loin, très loin. Définitivement, Ronald n’arrive pas à passer outre. Le père a néanmoins eu le temps de réfléchir à son retour, de le planifier, lui, si loin de son foyer. Il se voyait mal revenir la queue entre les jambes, le regard baissé, l’échine courbée à implorer des excuses auprès de ses supérieurs pour reprendre son poste. Voir le regard des autres ne l’a jamais dérangé, des collègues qui font des messes basses, Ronald déteste ça, mais le silence lui a toujours semblé être le meilleur des mépris et à ces colporteurs de ragots, il ne leur doit rien. Cependant, revenir en ces lieux, le déshonneur inscrit dans le dos, le devoir meurtri flottant au dessus de sa tête, épée de Damoclès rebaptisé, ça, c’était impossible.
Alors il a choisi de partir, à sa manière. Un simple courrier et il ne compte pas se retourner. Depuis qu’il est ici, vendeur chez Madame Guillotine, Ronald pense tous les jours au ministère. Difficile de mettre autant d’années de côté, mais à aucun moment, l’homme s’est retourné et à regretter. Oui, ici, le travail est différent. Plus serein, plus convivial. La pression est moindre et l’odeur est alléchante. Ronald aime picorer les macarons qui ne sont pas vendables. Il a d’ailleurs eu l’honneur de goûter celui à la rose et au litchi, un délice qu’il a affirmé à sa collègue Agnes. Travailler avec cette jeune sorcière est un plaisir, d’autant que son nom est réputé. Peut-elle voir l’avenir ? L’ancien auror n’a pas posé la question, car cela ne se fait pas, mais il aimerait savoir si dans son futur, le ministère a définitivement disparu ou s’il reste… Des traces. Non, mon vieux, tu dois regarder vers avant. Et pour l’heure, son futur se dessine ici, avec un tablier rose poudré en guise d’uniforme. Ronald lui-même ignore combien de temps cet emploi fera l’affaire. Si c’est temporaire, à court, moyen ou long terme ou même définitif, qui sait. Mais pour l’heure, cela lui suffit pour reprendre le court de sa vie, pour avancer pas à pas. Peut-être est-ce cela qui lui manque dans sa vie, au vieux bougre. Un peu de douceur, moins de rudesse. Quel plaisir après tout, de pouvoir rentrer chaque soir avec certitude, de retrouver sa fille, de bavarder avec elle sans crainte qu’une mission tourne mal ou justement, de ne pas pouvoir rentrer, tout simplement. Est-ce que Dolores est rassurée aussi ? De cela, elle n’a rien dit à son père, mais l’instinct de ce-dernier lui assure que oui, Ronald a fait le bon choix.

Pourtant, du métier, il a encore beaucoup à apprendre, le sorcier. Qui aurait cru que vendre des pâtisseries et tenir une boutique serait aussi difficile ? Pas Ronald, lui, l’auror blessé, mais entraîné, l’ancien champion du ministère, aguerri à l’art du duel, se sent un peu dépassé, un peu perdu, mais refuse d’abandonner. Aussi tenace qu’un hippogriffe, il ne peut que s’améliorer, vu qu’il part de l’échelon le plus bas, n’est-ce pas ?
Alors, après avoir manqué une grossière erreur entre deux commandes, l’homme peut souffler dans la boutique avec une nouvelle cliente. Cette inconnue lui semble familière, un peu perchée avec son histoire d’oiseau, mais Ronald entend la voix de sa mère dans son esprit qui lui dit qu’il ne faut jamais juger un livre à sa couverture. Elle a raison, comme toujours, les mères ont souvent raison d’ailleurs. Les deux sorciers échangent quelques mots et il se trouve que l’instinct du vendeur ne lui fait pas défaut. Cette inconnue est en réalité la sœur d’Agnes. Ronald relève la tête vers elle, l’observe tout en retroussant les manches de sa chemise grise jusqu’au niveau des coudes. Agatha donc, c’est ainsi qu’elle se prénomme. Au compteur, Ronald Abbott connaît donc deux des quatre sœurs de l’illustre famille Trelawney. Est-ce que Agatha peut aussi voir l’avenir, se demande Ronald ? De l’art de la divination qui possède de multiples branches, le sorcier a toujours été assez douteux, il est forcé de le reconnaître. Les boules de cristal, les feuilles de thé, la cartomancie… Tout cela lui semble être une science inexacte et parfois même, un repaire pour les charlatans qui veulent profiter de la détresse de certaines personnes un peu trop naïves. Cependant, il sait que certains sorciers possèdent le don de double-vue, qu’ils peuvent voir l’avenir par le biais d’un héritage transmis dans le sang. Cassandra Trelawney est un nom connu, même chez les Abbott. Sa lignée semble cependant s’être effiloché avec le temps. Cependant, de ses réflexions, Ronald ne dira rien. Tout ceci ne le regarde pas. — Le plaisir est partagé et si vous voulez, je peux prendre un message pour votre sœur. Nous nous croisons entre deux services dit-il avant d’écouter la sorcière. Elle vient donc ici souvent, c’est une cliente régulière. Et elle semble aimer les volatiles, assurément.
Le voici qui acquiesce quand la jeune femme lui demande un assortiment. Oh, il doit choisir ? Il l’a déjà fait et sans fausse note, sauf une fois ! Une cliente régulière, un peu tatillonne, pour ne pas être vulgaire, ne lui a pas précisé qu’elle était allergique à la pistache. Qui est allergique à la pistache, sérieusement ? Et Ronald a forcément mis de la pistache, un basique, dans les macarons. Madame O’Brien a râlé, mais elle est revenue. Cependant, la vieille harpie ne souhaite plus être servie par « L’homme barbu » une plaie. Cette fois, Ron ne compte pas se tromper. Tandis qu’il prend la boîte pouvant contenir les macarons, il lève la tête vers Agatha. — Je vais faire de mon mieux alors. Un petit sourire avant d’enfiler des gants et de se tourner vers la vitrine où les nombreux macarons sont exposés. On trouve de tout, des goûts classiques à certains plus excentriques, plus magiques aussi ! — Agatha, avez-vous des préférences ou des goûts que vous n’aimez pas ? Des allergies ? Le souvenir de Madame O’Brien persiste, une erreur de débutant et Ron n’aime pas passer pour un débutant. Il est quand même un auror réputé ! Enfin, il était.
— Si vous aimez la rose et le litchi, c’est notre nouvelle création. Nous avons aussi le macaron matcha ! C’est à base de poudre de thé vert. C’est particulièrement amer, je préfère vous prévenir. Il désigne ensuite un macaron doré. — Ceci est notre macaron vif d’or ! Rassurez-vous, aucun vivet doré n’a été utilisé pour sa conception. En fait, il est fait à base de citron et de gingembre avec une feuille d’or au dessus et il a été ensorcelé, voyez-vous… Ronald tend la main sur le premier macaron doré de la vitrine, celui-ci se met à bouger et soudainement, à flotter de quelques centimètres pour éviter d’être attrapé. — Il ne se laisse pas capturer aussi facilement ! Viens par ici ! Finite ! Et le sort suffit à remettre le macaron à sa place soigneusement. — Nous avons aussi le macaron phœnix ici. Une fois en bouche, il chauffe légèrement et fond délicatement. Le parfum est un mélange de fruits rouges avec un zeste d’orange. C’est mon préféré.
Il se débrouille pas trop mal, non ? Enfin, il espère. — Je vais commencer par quelques basiques, chocolat noir, pistache, vous aimez la pistache ? On ne sait jamais… — Et fraises. Vous voulez tenter nos macarons magiques aussi ? Ah et j’allais oublier, mais pour huit macarons achetés, le neuvième est offert ! C’est l’offre de la semaine pour promouvoir nos nouveautés, notamment le macaron à la rose et au litchi.

Un petit sourire entre sa barbe, vous voyez, il n’est pas aussi bourru qu’on veut l’admettre ! Il est comme un macaron, Ron, une carapace qui un fois fendue, vient fondre en bouche. — En vérité… Il marque une pause, il pourrait ne pas tout dire, dire qu’il a déjà vendu ailleurs, mais Ronald n’aime pas le mensonge, encore moins caché des choses. Dans le passé, cela ne lui a pas réussi. — C’est la première fois que je travaille dans une pâtisserie. Ça se voit tant que ça ? Un sourire un peu gêné, mais difficile à remarquer sous sa barbe. — Le concept de vendre un produit, d’être auprès de clients… Certains mal lunés parfois pour être courtois, pas vous Agatha, bien sûr se reprend l’homme soudainement — Tout ceci est nouveau pour moi. Avant, j’étais auror et après une longue convalescence, je suis devenu garde du corps pour les hauts fonctionnaires du ministère de la magie. Il ne précise pas qui, il ne compte pas évoquer le souvenir de la ministre en personne. Moins il en parle, mieux cela est pour l’instant. Tout ceci peut raviver en lui une flamme douloureuse et provoquer une brûlure inutile. — J’avais besoin de travailler, de m’occuper l’esprit, mais je ne voulais pas continuer à être employé au ministère, je voulais même changer radicalement de voie, quelque chose qui n’a rien à voir, alors j’ai postulé ici. Il en dit trop ou sans doute pas assez, mais le dire à voix haute, Ronald ne peut pas nier que cela fait du bien, qu’il en a besoin. Il s’arrête cependant là. Sans doute, Agatha Trelawney n’en a rien à faire de son histoire, sans doute lui a-t-elle demandé cela uniquement par politesse. — Et vous, que faites-vous à part admirer les oiseaux et déguster les meilleurs macarons de Godric’s Hollow ?

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