I - Comment ta vie a-t-elle été impactée par la chasse aux monstres ?
Nul n’y croyait, et pourtant, la magie s’est révélée aux pauvres mortels qu’ils sont, confidence qui n’a pas su être maitrisée. Une bonne partie de la population londonienne y a vu une farce, l’autre… L’autre elle en fait partie, pour y avoir assisté sans le vouloir, le palpitant tambourinant de surprise et de plaisir. La magie, elle a toujours voulu y croire, et ses espérances ont été récompensées, mais pas de la manière dont elle aurait souhaité. Si elle n’a pas laissé la haine noircir son myocarde, elle s’est toutefois attelée à répondre à l’appel de Mrs Craine, au même titre que sa famille, et à agir à la fois dans l’ombre et au-devant de la scène. Ils sont nombreux les mésestimés qui viennent lui porter les informations dont elle a besoin pour envoyer ses braconniers, cour des miracles subtile où le mendiant peut vite devenir riche. C’est ainsi qu’elle a su grimper les échelons dans l’ombre. Double-vie, double-jeu, douce Vivian et ses doigts de ‘fée’ au jour levé, barbare sans pitié à la nuit tombée.

II - Quand es-tu arrivé·e à Godric’s Hollow et t'y sens-tu en sécurité ?
Elle y est née, tout comme ses ancêtres, sans jamais connaître la réelle histoire de la fondation du village. S’est assise sur les bancs de l’école et y a certainement connu son premier amour. Elle n’y a pourtant pas vécu toute sa vie, son chemin la menant à vivre à Londres, avant que les rumeurs n’enflent et ne la poussent vers une fureur légitime, désir de protéger le hameau de sa jeunesse des païens envahissant ce dernier. Si elle ne se sent pas en danger, elle n’a toutefois pas l’esprit tranquille de savoir que ces êtres et leurs créatures dangereuses rôdent dans les rues de Godric’s Hollow.

JUN. 1922 ● BIRTH - Cri primordial poussé à peine le corps malmené, assure la continuité d’une lignée pourtant déjà préservée, mots susurrés en français pour la chérir au premier regard. L’enfant tète voracement pour se venger d’une mise au monde bien trop violente, s’assure de demeurer dans le monde des vivants.
1923 - 1933 ● CHILDHOOD - A-t-on déjà entendu une maison résonnant de tant de rires d’enfants joyeux ? La fillette évolue au sein d’une fratrie heureuse, aux jeux inventés à mesure des journées, tantôt pirates, tantôt brigands, à la recherche de trésors ou de contrées sauvages à explorer. Les magots sont bien souvent enterrés puis perdus, les vêtements déchirés et la peau abîmé de nombreuses griffures et autres hématomes liés au côté garçon manqué qu’elle se traîne, pour le grand damne de la mère qui préfèrerait sans doute avoir une fille un peu plus calme. Une enfance pourtant ponctuée de leçons l’obligeant momentanément à renouer avec son sexe, apprentissage du dessin plutôt que la musique, apprentissage de la langue maternelle en prime.
SEPT. 1933 – JUIL. 1935 ● 11 - 14 ANS - Décision parentale peu compréhensible, l’enfance s’achève alors qu’on l’envoie en France, plus précisément, au sein de la famille maternelle, apprendre les rudiments de l’éducation dans l’une des meilleures écoles de Paris. Elle y apprend à parfaire son coup de crayon, la broderie, mais plus encore à bien se tenir, à se comporter comme une jeune fille de bonne famille et de la ville se doit de le faire. Son seul réel passe-temps étant la gymnastique. Ne rentre que durant les vacances de Noël et d’été, rejoindre les siens. Les changements s’opèrent peu à peu, l’enfant troque ses guenilles contre des robes plus adaptées, ses manières ressemblent de plus en plus à celles de sa génitrice. Le vilain petit canard aurait tendance à tendre vers le cygne. Pourtant, la vive étincelle de son regard ne semble vouloir s’éteindre et la langue acérée possède toujours la tendance à rétorquer.
SEPT. 1935 – JUIL.1939 ● 14 - 17 ANS - La jeune fille continue d’étudier à Paris, au bon gré de ses parents qui voient en elle l’espoir féminin de la famille et non pas une simple roturière de la campagne. Ce que la mère ignore en revanche, mais pas le père, c’est que la douce enfant se refuse à se laisser museler, ne s’instruit pas seulement sur la couture et le dessin, mais s’est trouvé un professeur particulier de boxe française qui a tendance à dériver sur le combat au couteau. On évite de noter dans les lettres les bosses et les bleus, mais cela apaise le regard avide à chaque fois qu’elle rentre. Enfin, elle obtient ses examens avec un bon classement, mais n’aspire pas à demeurer en France quoi qu’il en demeure. Il lui tarde de retrouver les Cornouailles, et ce, définitivement.
SEPT. 1939 ● 17 ANS - Elle qui n’a pas connu la première grande guerre s’apprête à connaitre la seconde, capte dans le regard des anciens la douleur, les souvenirs qui les hantent encore. Elle voit ses cousins, ses amis d’enfance s’en aller, mobilisés pour une juste cause. Elle, doit demeurer avec les femmes, suivre l’actualité et prier pour qu’il n’arrive rien aux siens. Pas un soir qu’elle ne passe à genoux, fenêtre ouverte sur les étoiles, murmures adressés à l’unique. Elle a toujours été pieuse, mais en cette période de grand trouble, plus encore.
1940 - 1945 ● SECOND WAR WORLD- Sitôt la majorité acquise, la jeune femme décide de ne pas demeurer dans son coin, de participer à l’effort de guerre, ne parle de ses projets qu’à son père plutôt qu’à sa mère, déjà bien assez inquiète pour les siens, restés de l’autre côté de la Manche. Elle voit la peur dans son regard, redoute d’en ajouter, prétexte de vouloir être infirmière dans les hôpitaux de Londres, bouche de moins à nourrir alors que l’on évacue justement les enfants de la ville vers les campagnes. Qu’ils gardent sa chambre pour un de ceux-là. Elle part bien pour Londres la téméraire, et si elle s’engage dans un premier temps comme infirmière, formation sur le tas, la polyglotte se voit propulsée ailleurs, proposition qu’elle ne refuse pas, intègre les WRENS (Women's Royal Naval Service) où elle trouve sa place, partage son quotidien avec les autres femmes engagées. C’est en cette période qu’elle apprend à utiliser une arme à feu, arme qu’elle hait plus que toute autre, préfère largement les lames qu’elle continue de manier comme faire se peut. Et quand enfin la guerre s’achève, les décorations pleuvent, qu’elle relègue dans un coffre qu’elle ne souhaite plus jamais ouvrir.
1946 ● 23 ANS - Les hommes rentrent de la guerre, et c’est dans les grandes accolades que la menteuse retrouve les siens. Nul ne sait quelle folie elle a mené de son propre côté, seul le père est au courant, fierté qu’il se doit pourtant de couver dans le plus grand silence. Peut-être un jour leurs amis tomberont sur des photos qui compromettront le secret, mais pour l’heure, ils se contentent de la prendre dans leurs bras. Elle retrouve de même le voisin, l’ami d’enfance, le fils McIntyre qu’elle enlace au même titre que les autres, embrasse son front après avoir lu les horreurs qu’il transporte avec lui et qu’elle refuse de partager.
1948 ● 25 ANS - La demoiselle a quitté Godric’s Hollow pour mener sa vie à Londres, ouvre sa première boutique, sous le regard légèrement gêné des Dursley, pudibonds. Et pourtant, les affaires se font florissantes, contre toute attente, et c’est finalement la fierté dans les conversations sans qu’ils n’évoquent les détails des créations de leur fille. Cela étant, peut-être préfèrent-ils la voir fiancée et mariée dans l’année. Il n’est pas vraiment convenable après tout qu’une fille de son âge ne soit pas encore mariée, qui plus est avec le pays à reconstruire.
JAN. 1952 ● 29 ANS - Une personne serpent est découverte à Londres par le Dr. Craine, mais pas que. Étrangement, elle était là aussi, et c’est un mouvement de recul et l’incrédulité dans son regard alors qu’elle suit du regard le serpent s’en aller. Magie, sorcellerie, elle est incapable de se décider, alors qu’elle s’enfonce dans les ombres, fuit la scène pour s’enfermer dans sa boutique, redessiner sur le papier ce qu’elle est persuadée d’avoir vu. Est-elle folle ? Ses parents le lui ont souvent répété lorsqu’elle aspirait à être une fée, « la magie, ça n’existe pas mon enfant. »
MAR. 1952 • 29 ANS - L’information a fait couler de l’encre et plus encore formulé un appel à la protection. Certaines familles de Godric’s Hollow s’allient, plus qu’ils ne l’étaient déjà pour former un collectif de chasseurs. Elle a écouté les discours des uns et des autres, leur véhémence face à ce qu’ils ne comprennent pas. Comme elle en a l’habitude depuis ses 12 ans, elle s’est tenue silencieuse mais à l’écoute, plissant parfois le front sous la réflexion. Elle souhaite aussi comprendre la magie, mais pas l’annihiler. Lorsqu’elle évoque l’idée de rejoindre les chasseurs, la génitrice, une fois n’est pas coutume dans son mécanisme de pensée, s’y oppose. Sa fille est la réussite dont elle peut se targuer : infirmière pendant la guerre, styliste de renom aujourd’hui, pas question qu’elle aille à la chasse aux monstres. Le père, une fois de plus, comprends la motivation de sa fille. Une guerre s’est achevée, une autre commence. Il lui donne son assentiment, pour peu qu’elle se montre prudente et que sa mère n’en sache rien. Double-Je, la douce et aimante Vivian le jour, celle que l’on nommera plus tard « the barbarian » la nuit. Visage toujours caché, créature de l’ombre, récolte les informations que les oubliés lui soufflent à l’oreille pour quelques pence et qu’elle murmure à la Tête des Braconniers.
1953 ● 30 ANS - Retour au bercail, elle confie les rênes de la boutique à sa meilleure vendeuse, lui promet de lui faire parvenir de nouveaux croquis, de nouvelles instructions, de nouvelles pièces, invoque la famille pour expliquer son départ de Londres, mais ne délaisse pas sa clientèle pour autant. Ouverture d’une boutique, bien plus modeste, dans la rue commerciale principale de Godric’s Hollow, pour le plus grand bonheur de celles qui se sentaient oubliées. En vérité, la styliste a suivi une information, une intuition la poussant à revenir, alors que la rumeur enfle : les monstres ont envahi le village de son enfance. Pourquoi ? Cela aussi elle a besoin de le savoir. La barbare traque, débusque, ramène. Elle s’attarde dans le repaire des biologistes, sans jamais les déranger dans leur travail, besoin viscéral de comprendre, aide parfois.
DEC. 1953 ● 31 ANS - L’information lui est parvenue de Londres, pluvieuse Londres qui l’oblige à ouvrir son sombre parapluie alors que la voiture s’est arrêtée devant l’Orphelinat et que ses talons claquent sur les pavés, que sa main somme à son chauffeur d’attendre. Elle aurait espéré que la confidence soit fausse tandis qu’elle porte son regard azur sur le jeune garçon d’environ 7 ans. Angus, ce prénom qui la hantera toute sa vie alors qu’elle lui offre une porte de sortie, hors de l’établissement, le rassure sur sa différence, noue un lien spécial avec lui sur tout le trajet les ramenant à Godric’s Hollow, le confie à la branche biologique tout en lui assurant que l’on trouvera ce qui ne va pas chez lui et qu’on le guérira. Elle l’espère sans doute du fond du cœur, tandis qu’elle se détourne de lui enfin, mérite définitivement son sobriquet, s’est maudite toute seule alors que la nouvelle parvient aux oreilles de Bahvna Craine. Son manque d’empathie lui offre le trône qu’elle n’espérait pas, nommée à la tête des Braconniers sans que l’on ne dévoile son identité sinon autrement que par The Barbarian. Savent-ils seulement qu’elle est une femme ?
JAN. 1954 ● 31 ANS - Une autre sentence qui tombe alors que sa main est posée sur la paume de celui qui ne voulait sans doute même pas se trouver là, fiançailles arrangées entre les McIntre et les Dursley, comme cela a déjà été par le passé. Elle se souvient de leurs bagarres lorsqu’ils étaient encore enfants, des premiers émois de l’adolescence qui n’étaient pas partagés, n’ose imaginer la vie qu’ils vont désormais partager. Liés dans deux domaines, deux vies différentes. Elle est celle qui lui ordonne où aller sans qu’il ne le sache, celle qui devra lui complaire dans l’intimité de leur lit. Elle lui offre un sourire affable, de ceux dont il a l’habitude depuis presque vingt ans, quand ils se croisent aux repas familiaux. L’amitié qui les liait est supposée morte depuis longtemps, braise cachée sous les cendres.
MAR. 1954 ● 31 ANS - Zone grise franchie, l’autre côté du miroir, un moment d’inattention, d’admiration sur ce monde qu’elle a cherché et qu’elle découvre enfin, puis l’ordre donné. Il est temps de montrer aux élus qu’ils ne seront plus jamais en sécurité.