temporalité du rp : février 1955
personnages concernés : @VIVIAN MCINTYRE & @KEIR MCINTYRE
trigger warnings : mentions de la seconde guerre mondiale, des nazis.
intervention autorisée du mj : [ ] oui [••] non
autre(s) : —

IN FOR THE KILL - 2021-2022

Les petites mains de l’ancienne Dursley n’ont pas manqué de lui rapporter la nouvelle. Keir McIntyre a été aperçu à Londres. Les informateurs de la famille Dursley sont nombreux, issues de plusieurs branches différentes, leur loyauté est indéfectible, leurs informations sont précieuses et bien souvent justes. Quelles raisons auraient-ils de mentir après tout ? La tête de branche ne manque pas de reposer le combiné du téléphone, le visage neutre. À l’intérieur de la caboche et sous la cage thoracique, c’est tout autre chose. Le cœur est en émoi, il bat un peu plus fort qu’à l’accoutumée. Depuis combien de temps ne se sont-ils pas vus ? Cinq mois, peut-être un peu plus. Pas de contact, ou très peu, et uniquement dans un sens, le sien. Lui a-t-il manqué ? Certainement. Le lit était bien trop froid sans lui a ses côtés. Ils n’ont pas eu le temps de partir en voyage de noces, la mission avant l’Homme… Elle, elle ne pouvait pas partir, c’aurait été bien trop flagrant, lui, il correspondait bien mieux à la demande du ministère. Mais une chose est certaine désormais, elle a hâte de retrouver son époux, de glisser de nouveau dans ses bras, de poser ses lèvres sur les siennes et d’effacer les derniers mois qui ont mis à mal son palpitant. La caboche elle, souffre de milles questions qui devront attendre qu’ils se voient pour avoir les réponses, et d’autres qui se doivent de demeurer enterrées. Elle joue un instant avec une bague sur son autre annulaire, un trophée, un souvenir, un regret. Ça ne dure pas pourtant, alors qu’elle s’en retourne à l’intérieur de la boutique, sourire sur les lèvres, s’évertue à servir au mieux sa clientèle quand pourtant, toutes ses pensées sont ailleurs. D’ici quelques heures, Keir McIntyre va passer l’entrée du village, d’ici quelques heures, il sera de nouveau chez lui, et elle va devoir feindre la surprise, parce que ce n’est pas elle qu’il viendra voir en premier. La mission avant l’épouse.

---

Elle le toise du regard, cet homme qui lui revient enfin. Son bras droit, avant d’être son époux. Il ignore qui elle est en réalité, et elle se garde bien de le lui révéler. Son visage, comme de coutume quand elle endosse le masque de la barbare, est recouvert de suie grasse. Elle est toujours plongée dans cette pénombre qui maintient son anonymat. Elle l’observe, lui qui ne semble pas avoir changé. « Le retour du fils prodigue… » qu’elle souffle entre ses lèvres, grignote sa voix douce pour une plus sévère, à l’image de l’avatar qu’elle incarne. « As-tu mené ta mission à bien ? » qu’elle demande, avant de s’installer sur sa chaise, son trône. Ils ont bien des choses à se dire.

MADE BY @ICEANDFIRE / IN FOR THE KILL › 2021-2022

À peine le pied a-t-il battu le premier pavé que la carcasse se fige à l’orée du hameau, souffle fébrile sur les lippes tandis que les orbes d’acier glissent sur les vieilles bâtisses familières. Le pâle reflet conservé au fond de la caboche de ces façades colorées entassées les unes sur les autres s’est indéniablement terni, tout n’est plus que grisaille craquelée et teintes délavées. Les rues jadis bourdonnant d’animation se sont tues, vidées de ses âmes - la sorgue approche, les rideaux se tirent, les loquets claquent. La peur suinte, fragrance crasseuse, relents poisseux de mort. L’émail s’entrechoque quand la mâchoire se contracte, fêlure au coeur alors que le vague souvenir de jours heureux traverse la pensée, aussi vite parti en fumée. Il secoue la tête Keirhan, arrache les prunelles à leur vision horrifique, avale les enjambées pour ne plus penser que plus rien ne serait comme avant. - que retrouver son foyer n’aurait plus cette saveur mélancolique d’antan.

Depuis quand était-il parti ? Les jours s’étaient égrainés, se muant en semaines, en éternité - cinq mois avaient passé depuis qu’il s’était sauvé à la faveur de la nuit, baluchon sur l’épaule comme rudimentaire bagage, baiser volé à la toute jeune épousée. Craine n’avait guère laissé de répit aux mariés - à peine les festivités s’étaient-elles essoufflées que déjà la fondatrice des chasseurs désignait-elle le bras armé de la Barbare pour exécuter une mission dont les tenants et aboutissants avaient longtemps été auréolés d’ombres et de secrets. Il ne s’est pas attardé en explications, pas plus en partant précipitamment que durant les mois ayant suivi ; point d’honneur à ne pas dévoiler à Vivian plus que ce qu’elle devrait savoir - pour ainsi dire, rien. Pas une adresse où lui adresser ses billets, pas un numéro de combiné sur lequel échanger quelques mots. Silence et patience qu’il avait imposé à l’épouse McIntyre, les draps laissés froids à peine l’union consommée. Le coeur se serre à nouveau alors que l’image trouble de Vivian s’impose sur la rétine, ses lèvres carmins et la douceur de ses doigts contre sa joue. Sans doute est-elle l’unique raison donnant sens à son retour - retrouver la tiédeur de ses bras, l’étincelle malicieuse que le temps ne saurait éteindre au fond des perles céruléennes, la douceur de leurs baisers confus, dans quelques heures, il lui reviendrait, dans quelques heures, ils se retrouveraient.



S’il avait pu donner le ciel pour recouvrer son foyer, sans doute l’aurait-il fait - l’attente, pourtant, devait se prolonger encore un moment. La mission passait avant toute chose, sans exception aucune ; alors il se traîne jusqu’au repaire de l’infâme, glisse entre les tablées vides, n’accorde pas un salut au gérant alors qu’il le laisse pénétrer l’arrière-boutique sans un mot. Pénombre qui l’accueille comme à l’accoutumée, et la silhouette de la gorgone sur son trône se détachant à peine dans l’obscurité. Il a la gueule ébranlée McIntyre alors qu’il se présente à elle et que la voix sévère retenti sur les murs - la tignasse tombe sur le front, les joues grignotées par une barbe hirsute, les orbites fardées d’ombres bleutées. Pourtant la lueur furieuse qui l’embrasse, elle, est restée intacte. « J’constate que tu m’attendais - sans doute tes oiseaux chanteurs t’ont-ils sifflé mon retour, à juste raison. » qu’il répond, le cabot, rictus étirant la gueule. Les opales dévorent ce visage barbouillé de suie et dont les traits pourtant, lui semblent éternellement changeants - cette cheffe à qui il voue dévotion sans pareille et dont il ne connait pourtant pas l’identité. « Disons qu’elle a été… enrichissante. » Il commence, laissant l’espace s’étirer, la curiosité la consumer. « À mon grand regret, j’apporte d’avantage de fâcheuses nouvelles que de bonnes. Elles auront au moins le mérite de nous offrir, j’l’espère, un coup d’avance. »

MADE BY @ICEANDFIRE / IN FOR THE KILL › 2021-2022

Elle est fébrile, la Barbare, Vivian plus encore. Le McIntyre lui a manqué, tant à l’une de ses facettes qu’à l’autre. Le bras droit autant que l’époux. On ne leur a guère laissé le temps de s’apprivoiser aux époux, de se chercher, de se trouver. À peine le temps de quelques nuits. Un fait volontaire de Craine ? Une manière de préserver l’aura belliqueuse de ses soldats ? Mais pour qui se battront-ils s’ils n’apprennent pas à s’aimer ? Quant à la barbare, elle s’est sentie bien seule sans son bras droit avec qui évoquer des plans. Les braconniers qui sont à ses ordres n’ont pas tant l’âme de stratèges pour la plupart, et l’un des rares qu’elle aurait aimé avoir à ses côtés ne réponds plus présent, sinon pour cracher le fiel à l’encontre de sa propre personne. Lourde est la tête qui porte la couronne, et plus encore la solitude qui l’accompagne. Mais ce soir, tout cela sera derrière elle, alors qu’enfin lui revient son bras-droit, son époux, l’homme dont elle a été trop longtemps séparée. Elle pourrait presque être jalouse d’elle-même, de cet alter-ego qu’il vient voir en premier, mais elle est bien trop consciente des enjeux. Ils le savent tous deux. Pas de place pour les sentiments dans une guerre. Elle-même est parfaitement aux faits que fonder une famille dans ces conditions sera difficile. Ce qui n’empêche pas de le vouloir. Elle ne lui fera pas la surprise d’un bidon rebondie, pas encore, mais elle a bon espoir qu’un jour, ses paumes se poseront sur la rondeur de ses flancs. Et peut-être qu’à ce moment-là, les sorciers auront quitté leur village, leur monde, et qu’ils vivront en paix. Le rêve est bien doux, et pourtant si lointain.

Elle entend son pas bien avant de le voir, et lorsqu’il passe enfin la porte, elle sent le battement de son propre cœur s’accélérer. Ce n’est plus une rumeur désormais, Keirhan se tient bien devant elle, bien moins fringuant que lorsqu’il est parti, mais toujours cette lueur destructrice dans les prunelles. À ses yeux pourtant, il est à couper le souffle. Et pourtant, tout ce sentimentalisme se doit d’être contenu derrière des murs aussi grands qu’elle peut se le permettre, tapote du doigt sur l’un des accoudoirs de son trône. Les lippes s’étirent sous ses paroles, alors qu’elle acquiesce d’un petit signe de tête. « Je ne t’apprends pas que l’information est capitale dans une guerre. » Personne n’entre ou ne sort sans qu’elle n’en ait vent, c’est un fait. D’un geste de main, elle l’invite à prendre place, alors qu’elle-même reste dans sa pénombre. C’est toujours un jeu de cache-cache, un jeu d’ombres et de lumières pour que nul ne puisse la reconnaitre. Ils ont peur d’elle, de Vivian, un peu moins. Vivian et ses beaux atours, son sourire, la candeur de son rire, sa gracieuse silhouette. Vivian virevolte, la barbare se tient droite. Elle croise les jambes, dans l’attente de réponses qui ne tardent pas. « Je t’écoute. » qu’elle poursuit, la curiosité la poussant à se pencher un peu plus en avant. Est-ce vraiment pour écouter, ou pour le dévorer du regard ? Les deux certainement, alors qu’elle pose son menton sur son poing, tel le penseur de Rodin. Elle a besoin de savoir que son absence n’a pas été vaine, que le temps écoulé n’a pas été une perte de temps.

MADE BY @ICEANDFIRE / IN FOR THE KILL › 2021-2022

La Barbare semble statut effrayante, de ces divines figées dans la roche pour l’éternité - minois buriné par les jeux d’ombres et de lumière, à demi dévoré par l’obscurité dans laquelle elle aime à se dissimuler et ne laissant jaillir que l’étincelle de deux joyaux cristallins. Au fond des orbes dardées sur la carcasse voutée, il y a l’infatigable lutte entre la tempête furieuse de l’océan et l’accalmie d’un lac sans fond touché par l’éclat du soleil - il ne saurait y plonger pleinement Keirhan, de peur de s’y noyer, dans cette mirette céruléenne à l’intensité changeante. À défaut de ne savoir lire sur les traits grignotés de crasse de la matrone des braconniers, il apprend à déchiffrer les flux de pensées silencieuses passant au fond de sa rétine, tantôt éclairée d’avidité, tantôt assombrie de fureur. Il a su s’en accoutumer à ce mirage, à cette silhouette fantomatique, apprivoiser cet anonymat dans lequel elle se drape, sans jamais chercher à percer le secret bien gardé de cette identité masquée - complaisance certaine à ne s’abreuver que de ce qu’elle laissait paraître, rongeant goulument les os qu’elle lui jetait bien volontiers. Et à présent, il se délectait de la lueur curieuse furtivement passée dans le miroir de son âme, dessinant sourire carnassier sur sa propre trogne ; avec le temps, il savait éveiller l’appétence de la Barbare, créature vorace dont il tenait fièrement la droite. Étrange duo que ces deux là, lui qui n’avait toujours été qu’un chien fou qu’aucune chaîne n’avait su tenir en place - la Barbare avait su canaliser cette folie destructrice à des fins plus grandes, et s’il n’osait l’avouer, il se plaisait presque à être devenu le bras armé de la femme la plus crainte et respectée chez les chasseurs.



L’impatience plane, palpable, alors qu’elle agite ses doigts contre l’accoudoir de son trône. La dragonne est affamée, exige qu’il satisfasse son appétit d’ogresse des quelques informations glanées au cours de sa mission. Plaisir à peine voilée de laisser s’étirer l’odieuse attente, déverrouille les membres endoloris avec lenteur pour prendre place sur l’assise qu’elle propose d’un geste de la main. De si près, il pourrait renifler la tension qui parcourt son corps, tend chacun de ses muscles sous la carne qu’elle affiche indifférente - c’est la puanteur de l’excitation électrifiante, il s’en pourlèche les babines le cabot, la jaugeant alors qu’elle se penche un peu plus vers lui, n’y tenant plus, prête à accueillir le récit de son périple. Les nouvelles ne sont guère réjouissantes, hélas, il mesure d’avance la colère que cela provoquera en elle, l’éclaboussant du même temps de ces folles envies destructrices qu’ils partageaient tous deux. Ils pourraient mettre, ensemble, le monde à feu et à sang d’un claquement de doigts, s’ils osaient céder à l’impulsion de rage qui les liait. « Mon périple m’a mené bien au-delà des frontières de Grande-Bretagne. L’escouade a parcouru de nombreuses bourgades d’Europe, semblables à la notre, sur les traces de ces monstres de folie meurtrière. » Il commence, siffle entre ses dents sur les derniers mots, les poings serrés. « Le mouvement s’étend, c’est indéniable. La magie est partout, et peu savent se défendre contre ces fanatiques » L’épiderme hérissé, il dégueule son mépris dans un calme qu’il ne se connait guère, les doigts pourtant tremblants, accrochés nerveusement à l’étoffe usée et rognée qui le couvre. « Ça m’horripile de l’admettre, mais Black avait raison. Ils cherchent quelque chose. » Murmure abjecte alors qu’il se mord la langue jusqu’à emplir la gargue du goût âpre si familier du fer. Que ce clébard de Black ait pu avoir raison lui file la bile à la gorge. « J’ignore encore ce qu’ils recherchent, ni même s’ils sont parvenus à mettre la main dessus, nous avons perdu leurs traces à l’Est. Mais leur motivation est sans pareille, et j’crains que cela n’annonce rien de bon. » Il réalise alors que les informations qu’il rapporte sont maigres de substance et porteuses de mauvaise augure - ils ne sont pas plus avancés, hormis peut-être sur le fait que le mal semble s’immiscer de toute part, par delà les mers. Tandis que le silence s’abat de nouveau, il darde l’acier de ses orbes dans les siennes, cherche à y déceler la moindre émotion, le scintillement d’une pensée furtive. Rien qu’il ne puisse interpréter. Il espère alors que les prochaines nouvelles, bien que maigrelettes, seront plus réjouissantes.

MADE BY @ICEANDFIRE / IN FOR THE KILL › 2021-2022

Il se tient devant elle, l’époux, le bras droit, le phare de toutes les tempêtes qui s’ignore encore. Elle lui est restée loyale dans les deux facettes de sa vie, tant dans cette fonction imposée, ne léguant son rôle à un autre, que dans ce mariage mis à l’épreuve par le retour de l’amant autrefois affectionné. Sans doute aurait-elle fini par sombrer dans une violente furie intérieure s’il n’était revenu. Elle aurait fait brûler le monde pour le retrouver, pour qu’il lui revienne. Ne pas savoir, ne pas avoir de nouvelles aurait fini par la rendre folle, épreuve qu’elle ne souhaite pas revivre prochainement. Deux fois est bien suffisant, voire de trop. Entre Elias et Keir, les saints semblent plus que désireux de la mettre à l’épreuve. Est-ce pour lui garantir une place au paradis ? Ou la jauger comme appartenant bien plus aux Enfers ? Elle ne saurait y songer, toutes ses pensées tournées vers la silhouette à l’aspect sauvage, sombre. Son bras droit, son bras armé. Il ne revient pas bredouille, il ne serait pas rentré auquel cas, et l’espace d’un instant, elle croit percevoir un léger rictus sur ses lèvres alors qu’il veille à éveiller sa curiosité, pari gagné. Ils sont si bien assortis tous deux, qu’elle songerait presque à lui révéler sa véritable identité. Et pourtant, il y a quelque chose qui la retient, sa propre laisse. Qu’adviendra-t-il lorsqu’il saura que celle qu’il perçoit comme un roc, comme un leader digne d’être suivi, n’est autre que sa douce épouse, trop impeccable pour se casser un ongle ? La curiosité ne l’emporte pas, pas cette fois. Elle a peur des conséquences Vivian. Elle a peur de tout perdre, elle qui a si durement acquis. Alors elle se tait, une fois de plus, et son double se rassure, retourne dans le fin-fond de la caboche, quand elle n’a pas vraiment sa place dans cette scène.

Elle a hâte d’entendre l’histoire de son fidèle, d’entendre les raisons qui l’ont tenues si loin d’elle durant tout ce temps. Elle n’attend pas le récit glorieux d’un retour d’épopée, mais pas un rapide compte-rendu non plus… Un récit entre les deux, qui saura ravie ses oreilles de chasseuses et contenter les interrogations d’un abandon bien trop long à son goût. L’impatience sur le bout de la langue, qui s’arroge le droit de traverser toutes les autres parties de son corps alors qu’elle prend position, que ses ongles frappent le bois de son trône improvisé. Et lorsqu’enfin il reprend parole, elle savoure l’écho de sa voix, qui lui a bien manqué, les intonations qui savent la faire vibrer, et les informations dévoilées qui ne manquent pas de durcir son faciès, font les doigts s’arrêter. Elle n’interrompt pas l’histoire, cherche plutôt à déceler tout ce qu’il ne peut murmurer. Elle ne peut que deviner le carnage sur sa route, alors que son dos retrouve le siège de son trône, qu’elle prend mesure des renseignements qu’il lui donne. Elle devine sans mal la hargne qui anime son bras-droit, cette impatience de mettre à mal l’ennemi. C’est un soldat, dont la rage est née dans la fange de la guerre, une guerre dont il peine à sortir, lancé à corps perdu dans une autre. Il a besoin d’un ennemi, d’un monstre à annihiler, les chasseurs le lui fournissent. Elle écoute, et tout naturellement, geste emprunté à son alter-ego, elle laisse son index tapoter sur ses lèvres, dans la réflexion. Que cherchent-ils, là est toute la question. Et elle doute sincèrement que le Black, ce cracmol en lequel elle n’a pas la moindre confiance, lui révèle quoi que ce soit. Il a déjà eu la suffisance de lui révéler qui sont les mangemorts, c’est déjà quelque chose, mais elle sait qu’elle ne peut y envoyer aucun de ses espions, pas même Lovecraft. « Je vois. » Qu’elle souffle, avant de se redresser, la furie dans le moindre de ses gestes. Elle tourne, tel un fauve en cage. « Ce n’est pas totalement un échec je présume. » Qu’elle rassure, sa main se posant sur l’épaule de son bien-aimé, distraitement, alors qu’elle reprend. « De notre côté, nous en avons appris un peu plus sur ces mangemorts. Il s’agit du groupuscule le plus belliqueux de leur monde. À ce stade, ils sont la priorité numéro un tant chez nos ennemis qu’ici. Pour la faire courte, ce sont les nazis de leur monde. » Qu’elle coupe court. « Si je me souviens bien, notre première informatrice avec un tatouage sur l’avant-bras. Si nous retrouvons cette marque sur d’autres sorciers, je suppose que nous pourrons nous targuer d’avoir un moyen de les reconnaitre. » Elle hausse les épaules. « Black doit se renseigner, il semblerait qu’il ait ses entrées où nous ne les avons pas. Nous verrons bien si sa loyauté nous est acquise ou non. » Elle n’oublie pas la promesse qu’elle lui a faite. « Nos espions de l’autre côté vont bientôt ouvrir une prochaine brèche dans leur bouclier. Tiens-toi prêt. » Qu’elle assène ensuite, avant de se diriger vers la porte du fond, sa porte de sortie. « Rentre chez toi McIntyre. Je suppute que ta femme a hâte de te retrouver. » Elle ne se permet pas de spéculer en ce qui le concerne. Peut-être n’a-t-il pas hâte de la revoir de son côté.

MADE BY @ICEANDFIRE / IN FOR THE KILL › 2021-2022

La gorgone tourne dans sa cage d’obscurité, passe furtivement dans l’éclat timide de la lune suspendu à une minuscule ouverture, ajoute quelques ombres là où la suie a laissé la peau d’ivoire, avant de se couler de nouveau dans la noirceur crasse de leur antre. À mesure que la langue se délie et qu’il l’abreuve de son récit, lagunes papillonnent sur les traits floués de la Barbare, guettent le simulacre d’une émotion difficilement contenue. Il n’en est rien, la trogne reste impénétrable, et seuls les joyaux cristallins se parent parfois d’une étincelle qu’il ne saurait interpréter. Est-ce là l’éclat de sa fureur, ou alors la curiosité dévorante qu’il ne parviendra guère à repaitre ? Pire encore, serait-ce la déception qui allume ses prunelles de cette lueur indescriptible ? Une si longue absence que nul succès ne vient couronner, de bien maigres informations à jeter en pâture à la goulue ; peut-être cette fois-ci n’avait-il pas été à la hauteur des attentes que la Barbare et Craine avaient posées sur ses épaules. Le doute s’immisce, étrangle la fin de son récit au fond de la gorge tandis que l’ombre rode, silencieuse. Il serre les poings McIntyre, écrase ses mâchoires l’une contre l’autre dans un claquement d’émail, la carcasse raide sur l’assise. Elle ne manquerait pas de lui faire savoir si cette mission n’avait été que perte de temps, de l’écraser de reproches à peine voilés - il avait beau être son bras armé, nul n’échappait au courroux de la matrone. 



Elle pose pourtant une paume réconfortante sur l’épaule de son chasseur, une seconde, caresse déjà disparue, et aussitôt la silhouette se délie, s’affaisse. « Pas non plus un probant succès. » Il maugrée alors qu’il l’observe du coin de l’oeil. « J’aurais aimé ramener d’avantage de bonnes nouvelles. Hélas, les sorciers, et plus encore ces mangemorts, se font plus discrets outre-Manche qu’ici. » Il se redresse, ragaillardi par les dernières paroles de la Barbare, rallumant cette flamme furieuse dans sa poitrine. « La population a peur. Ceux qui, comme nous, sont lucides quant à la dangerosité de ces créatures dotées de magie, sont en colère. Ils pourraient servir notre cause - puisque la sorcellerie ne s’échoue sur aucune frontière, peut-être trouverons-nous du soutien chez nos voisins. La France possède un empire minier sans pareil, sans doute pourrons-nous y déterrer plus de domantium ? » Il lâche, détails ajoutés à son périple, de silhouettes écroulées et d’âmes enragées. Ils se doivent de trouver des alliés et des armes, là où le plomb et l’acier ne montrent aucune efficacité, le domantium possède au moins le mérite de réduire à néant leurs capacités faites d’illusions et de mensonges.



Alors qu’elle s’épanche sur les dernières nouvelles ayant ébranlé leur bourgade durant son absence, il fulmine Keirhan, laisse ses pensées s’entremêler en un chaos confus. Les nazis de leur monde - un vertige qui l’habite soudainement, les doigts enfoncés dans les accoudoirs, à s’en faire blanchir les jointures. Il a la nausée qui lui emplit la gargue, et cet infime tremblement qui lui parcourt la carne ; les bottes bien ancrées au sol, il tient bon pour ne pas perdre pied, pour ne pas se laisser submerger par la déferlante de souvenirs qui afflue sous la caboche. L’écho des bombardements scarifié sur les tympans qui vrombissent à nouveau, le goût du sang sous la langue, rien de tout cela n’a jamais réellement disparu, malgré les années, bien enfoui au fond de l’être - les stigmates laissées par la guerre démangent sans cesse. Avec cette nouvelle guerre aux portes de leur foyer, la peur jusque là contrainte au silence reparait, hurle dans le crâne. « Alors voilà, la guerre est donc bien là… Ils avaient leurs croix gammées, eux auront leur marque à même la peau… La suprématie par la terreur et l’infamie » Il souffle, pensée lâchée à voix haute. « J’irais trouver Black. Je reste persuadé qu’il s’est bien gardé de certains détails. Il nous donnera ce qu’il sait, de gré ou de force. »

Un soupir. La fatigue s’abat sur ses épaules meurtries - les dernières semaines se font lourdes à porter, et s’il ne s’est jusque là pas octroyé le droit de faiblir, il s’accorde enfin un court instant de répit. Sans doute la Barbare lui offrira-t-elle quelques jours pour se remettre de son périple, mais déjà elle sonne le glas d’une intervention prochaine. « Bien entendu, je me tiens toujours prêt. » L’ombre se dirige vers la porte par laquelle il est entré plus tôt, le congédie d’un air ferme. La surprise se dépeint sur la trogne, il s’attendait à être retenu jusqu’aux heures tardives de la nuit. Vivian. Son esprit s’égare jusqu’à son rivage ; dort-elle paisiblement ou veille-t-elle son retour dont elle n’aura pas eu vent ? « Certes. Et cette hâte est partagée, nous n’avons pas eu le loisir de profiter de notre lune de miel après les noces. » il commence en se relevant péniblement « Ceci dit, Vivian a parfaitement conscience des sacrifices qui incombent à nos responsabilités - si tu as encore besoin de moi ce soir, elle comprendra. »

MADE BY @ICEANDFIRE / IN FOR THE KILL › 2021-2022

Elle veille le porteur de nouvelles, l’ancienne Dursley, se nourrit de l’image qu’il lui offre et dont il l’a privé des mois durant. Elle se doit de garder l’image de la neutralité pourtant, ne rien dévoiler de la tendre animosité qui pourrait traverser son visage, de l’étirement de ses lippes à l’étincelle de son regard. Aux yeux de la barbare, McIntyre n’est rien de moins qu’un soldat de plus, un peu plus gradé, mais rien de plus. Inaccessible, même pour les autres, pas de franche camaraderie, au risque de laisser un jour un détail de sa personnalité ou physique déborder et annihiler l’anonymat qu’elle veille à préserver. Elle se tient en retrait, Vivian, figure d’autorité dans les ombres. Elle écoute plus encore, les mots que lui soufflent son bras droit, parti trop longtemps, à s’en demander s’il était encore de ce monde. La foi seule pour tenir bien droite, barbare ou jeune épouse, la confiance envers l’homme choisi pour lui revenir, quoi qu’il arrive. Elle n’aurait pas supporté de revivre le même enfer qu’au cours de l’année précédente. Une fois, c’est déjà de trop. Elle aurait mis le monde à feu et à sang pour une telle infâmie, à commencer par Godric’s Hollow.

Mais il se tient bien devant elle, le fier époux, et elle ne peut s’empêcher de se diriger vers lui, de s’assurer de sa présence, la paume posée sur cette épaule, caresse fugace, quand tout son être souhaiterait s’y attarder, retrouver la chaleur qui en émane. Depuis quand n’a-t-elle pas ressenti le besoin de s’échouer dans les bras de quelqu’un ? Elias lui mène la vie dure par sa simple présence. Le savoir si proche la rend nerveuse, nostalgique… et pourtant, la rassure. Plus encore depuis que le némésis a fait son retour, missive reçue, froissée, déchiquetée, jetée au feu. Désormais, l’époux est là, lui aussi, et c’est uniquement dans ses bras qu’elle peut se glisser, chercher le réconfort et apaiser les craintes qui l’habitent et dont elle ne parle pas. Elle n’a pas même osé en parler à son diable d’épaule. Incertitude de trouver de l’aide auprès de l’un ou de l’autre. L’un, parce qu’elle lui a brisé le cœur de la plus abjectes de manières, l’autre… parce qu’il ne comprendrait peut-être pas comment elle a pu tomber un jour amoureuse d’un monstre tel que cette pourriture de Blaise. Le jardin secret de Vivian est un trop plein de secrets qu’elle ne partage avec personne. Tape fugace, alors que le soldat grince des dents, mais elle ne peut guère le rassurer en ce sens. L’affaire n’est ni échec, ni succès, et qui d’autre que lui serait allé aussi loin ? « Nous pouvons supposer que les sorciers d’outre-manche ne partage pas encore les idées des nôtres… pas encore. Mais cela viendra certainement s’ils constatent qu’ici, nous ne répliquons pas contre les attaques qui nous font offense. » La passivité peut engendrer une montée de violence. Elle prend un temps de la réflexion, avant de finalement acquiescer de la tête. « La France n’est pas à négliger en matière de ressources en effet. Je ferai remonter l’idée à Craine, qui elle-même fera certainement le nécessaire. L’idéal serait d’envoyer un des nôtres sur le terrain pour montrer ce que nous cherchons. » Mais chaque chose en son temps.

Elle veille le visage de son époux, Vivian, note la différence entre avant, et cet instant où elle a fait une comparaison qui a tué tout un chacun. Même elle n’a pas été épargnée par l’horreur et la violence de la guerre. De l’autre côté de la barrière ou presque. Keir ne saura sans doute jamais ce qu’elle a vu durant cette période, lui, comme tant d’autres, la croyant bien à l’abri à l’intérieur des terres, épargnée par cette violence, par l’horreur. Elle ne soufflera jamais qu’elle a accompagné les blessés, tenu la main des mourants, vu les horreurs déformant les visages. Elle ne soufflera pas qu’elle a fait elle aussi sa part, dans cette guerre, via l’information, veillé à protéger ou détruire des vies. Uniformes sagement confinés dans un coffre fermé à clé, rangé dans un de leur placard. Même Elias ne sait rien de cette période. Seuls les hommes de sa famille le savent. Elle n’aurait jamais pu rester aussi naïve. Elle n’était pas dans la première ligne fatidique, mais il n’y a pas eu un instant où elle n’était terrorisée à l’idée de trouver l’un de ses amours de la douce enfance lui arriver sur un brancard de fortune, à l’agonie. Elle laisse échapper un soupir, avant d’acquiescer. « Les sorciers sont une menace à part entière, nous le savons, mais à choisir, je préfère encore concentrer nos efforts sur ceux-là que sur le reste… pour le moment. Là où les autres hésiteront peut-être à nous attaquer, leurs mangemorts ne le feront pas. Ils ont attaqué une fillette, demain, ils s’en prendront aux nourrissons. » Et cela, elle ne peut le permettre. Mais qui es-tu Vivian pour juger ? N’as-tu pas toi-même livré un enfant à la science ? Tu ignores ce qu’il est devenu, et c’est ce qui hante tes cauchemars. Elle hoche la tête pour Black, pourrait presque le plaindre, lui qui n’a clairement pas sa confiance.

Elle ne lui accorde guère de temps de repos par la parole, la barbare, mais en son for intérieur, elle sait déjà qu’elle laissera du répit à cet homme qui a bien travaillé, n’a pas baissé les bras de son plein gré. Et elle n’a pas l’intention de le laisser repartir aussi aisément. Elle sait que les attaques prévues ne seront pas demain la veille, trop de perspectives à prendre en compte. Elle qui commence à se faufiler interrompt sa marche sous ses paroles, reporte son attention sur l’homme qui évoque son mariage, s’en montre intérieurement surprise. « Si tu as besoin de temps, je peux veiller à t’en accorder. » qu’elle souffle, sans vraiment croire un instant qu’il le prendra réellement. Non, pas avec ce qui se trame autour d’eux. Les lippes s’étirent sous sa dernière diatribe, alors qu’elle secoue la tête, le rire qui franchit ses lèvres. « Ne dédaigne pas ton épouse McIntyre. Aucune femme n’accepte de passer trop longtemps après le travail ou même une cause. Un jour, tu paieras cher cette pensée si tu t’y accroches. File, et rebienvenue chez toi. » Qu’elle rétorque, s’évanouie de nouveau dans les ombres, prête à courir à la faveur des ombres.

MADE BY @ICEANDFIRE / IN FOR THE KILL › 2021-2022