Voici la lettre,
preuve abîmée de l'amour d'un fils à sa mère, écrite par Aurelius. Elle n'a jamais trouvé le chemin de celle à qui elle était adressée. Du moins, pas entièrement.
Ma très chère mère,
Dites-moi, entendez-vous ces mutismes amers ?
Ces mille et une variations qui ne peuvent se taire.
Nous qui entendons l'étrange, le bruyant silence.
Nous remarquons dans sa dernière danse.
Qu'en plus de se faire, il devient violence.
Et ce mur, immense, qui s'étend entre nous.
Derrière lui, me voyez-vous malgré tout ?
Je l'espère, puisque moi, je vous ai perdu.
Je vous ai longtemps cherché, l'avez-vous jamais su ?
J'ai quémandé un peu de votre attention.
Quitte à, de temps en temps, agir selon la déraison.
Même si, à bien des égards, à bien des raisons,
La mienne me semble n'être qu'une contrefaçon.
Si vous saviez comment j'ai jalousé votre entourage.
Celui qui savait faire preuve d'assez de courage.
Pour vous déclarer ce que je n'ai jamais su en 17 ans d'âge.
Je l'admets, j'ai bien tenté de tourner la page.
Avant d'arriver à ce dénouement qui fera bien des ravages.
Il se pourrait que je l'entache, mon acte le plus sage.
Pour oublier nos plus beaux voyages.
Pourquoi n'ai-je jamais appris à les dire ?
Ces mots qui font peur quand ils ne font pas rire.
Je m'efforce de les écrire, m'attendant au pire.
Quelle ironie ! Puisque je sais ce qu'ils vont devenir.
C'est dans mon tiroir que je vais les laisser mourir.
Cette confession ne viendra jamais à en sortir.
Je me permets donc cette folie, douce hérésie.
D'admettre, le temps d'un instant, dans cet écrit.
Que même si mes lèvres m'ont toujours trahi.
Gardant précieusement ces mots qui ne sont jamais sortis.
Aujourd'hui, je vous le dis, en votre nom, je sème.
Ces mille et un "Je vous aime".
Que le printemps devienne notre saison.
Qu'éclose en fleur, l'amour sans condition.
Vous savez que sans vous, je me perds.
Je vous prie donc, de ne pas me laisser à mes hivers...