temporalité du rp : juillet 1955.
personnages concernés :  @Saoirse Finnigan & @Elvira Quinn  
trigger warnings : aucun, pour le moment.
intervention autorisée du mj : [x] oui [ ] non
autre(s) : mission.

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Depuis le bûcher de la Saint Godric sur lequel une sorcière a été sacrifiée, les tensions entre le monde moldu et sorcier sont plus fortes que jamais. Afin de faire face à la menace, votre organisation, bien décidée à éradiquer ces monstres les uns après les autres, attend une livraison spéciale de munitions. Sous le couvert de la voûte céleste étoilée, vous avez été envoyés pour récupérer ladite cargaison et la mener à bon port.
Par cette belle nuit d’été dégagée, le calme règne sur la bourgade endormie. Seules les mélodies des insectes nocturnes rompent le silence abattu aux alentours de la petite gare. Sur le quai vide d’âmes vous retrouvez votre binôme sous la lueur blafarde des quelques lampadaires quand le sifflement du train tant attendu vous signale son approche.

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1. Le flood de votre mission se trouve ici.
2. En cas de doutes/questions, n'hésitez pas à aller voir vos MJs.

IN FOR THE KILL - 2021-2022

Il fait un peu beaucoup trop calme, et j’ai tendance à pas trop beaucoup aimer ça. Quand c’est trop calme, c’est mon cerveau qui prend le relais, et le salaud est du genre créatif, surtout en ce qui concerne les scénarios possibles pour que ce plan foire. Alors me faire poireauter seule, dans une gare déserte de la cambrousse des Cornouailles… C’est pas franchement l’idée du siècle.

Mais bon, les ordres viennent d’en haut. Ça veut dire Londres - probablement. Je suis encore novice, un message qu’on m’a fait passer en même temps que le reste des instructions - pose pas de questions, la nouvelle. Fais ce qu’on te demande, ni moins ni plus - surtout pas plus. D’habitude, les commandements et moi, on est pas copains. Depuis ceux de Moïse, j’ai du mal avec tout ce qui vient d’en haut et ne doit pas être remis en question. Mais bon, ce soir, je ferai une exception : je dois bien ça à la Colonelle. N’importe qui d’autre me demanderait d’attendre le train de marchandises, sans rien faire d’autre que compter les étoiles, avec pour seule compagnie ces putains de criquets insomniaques, je l’enverrais voir au Pays de Galles si j’y suis. Mais pour la Colonelle… Nah. Je peux faire un effort.

Je connais pas son prénom, juste son grade et son nom - Colonelle Quinn. Colonelle Queen, plutôt : faut la voir en action, cette nana a une poigne de fer et un regard à vous transformer en statue façon mythes grecs lorsqu’on la contrarie. Ce que j’évite de faire, question de respect. Et du fait que je tiens un minimum à ma vie - qu’elle pourrait ruiner en me faisant déporter en Irlande, sous prétexte de suspicions d’association terroriste. Techniquement, ça serait pas tout à fait faux : il se pourrait que j’aie eu l’une ou l’autre connaissance qui ait posé l’un ou l’autre engin explosif dans les rues de la capitale, tout ça pour soutenir le mouvement indépendantiste.

Mes jours d’activiste politico-anarchiste sont toutefois bien loin - pas dans le temps, loin géographiquement. Londres me manque, mais Godric’s Hollow a des charmes incomparables, notamment une certaine Juliet, also known as Princesse, also known as ma copine. Une princesse dont j’essaie d’ailleurs de tailler le portrait dans un bout de bois, à l’aide de mon couteau à cran d’arrêt tout neuf - cadeau de la Colonelle, qui s’est dit que ça me serait sûrement bien utile en mission. « Burnes et damnation ! » je m’exclame, sur le ton du murmure, réprimant le cri qui signalerait ma présence - on a dit discrétion, j’ai bien retenu ma leçon. J’ai le pouce bien entaillé, mais la coupure est propre, ça cicatrisera rapidement - je crois. J’irai demander à Jules de me faire un bisou magique, ça devrait aider.

Avec tout cette agitation soudaine, j’ai failli ne pas remarquer la silhouette qui s’approche, alors même que le sifflement du train retentit au loin. « Colonelle » je souffle, en guise de salut. J’ai beau la respecter, je vais pas me mettre au garde-à-vous. Question de fierté.

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Elle se tenait tranquille, pour le moment. Pour ma part, je m'étais pointée dès les dernières lueurs du soir, balisant la zone d'un œil avisé : les rues avaient depuis longtemps été désertées et cela était en parti dû au fait que les ivrognes s'étaient vus délocalisés pour aujourd'hui. On peut pas être partout et la gérante du pub était justement occupée ailleurs. Juste là, avec moi. Je l'observais depuis de longues minutes et contre toute attente, elle se montrait relativement tranquille. La petite s'était vu confier sa première mission, reconnue officiellement comme recrue de notre groupe. Dotée d'un certain talent pour les pétarades, j'étais persuadée qu'elle pourrait se montrer utile chez les braconniers, si tant est qu'elle parvienne à réfréner ses pulsions subversives. Ce qui semblait manifestement être le cas ce soir.C'est bien.

Pour l'instant, les choses se déroulaient sous les meilleures auspices possibles : le ciel était dégagé et le quai, désert. Ne se détachait que la frêle silhouette de Finnigan en contrebas. Sans un bruit, je me glissais dans l'obscurité, ayant vu ce que je voulais voir. Elle prenait les choses au sérieux - nous pourrons donc bosser ensemble. J'avais pas besoin d'une girouette, ou d'une jeune écervelée. On attendait de nous un certain résultat et il n'était pas question d'échouer. La cargaison était trop précieuse, trop utile. Fallait bien qu'elle se mette ça dans le crâne. Ici, c'était pas Charing Cross Road, y'avait pas le droit à l'erreur. Il suffisait pas de craquer une allumette et de détaler comme un lapin. On avait besoin de cette cargaison, et si on revenait les mains vides, c'est toute une floppée de monstres qui resteraient en liberté et qu'on pourrait pas descendre. Je ne veux pas avoir ça sur la conscience. Ils méritent tous de crever la bouche ouverte et faudrait pas qu'ils se croient en sécurité trop longtemps. Le bûcher c'était quelque chose, ça les avait bien remué. Même si au départ j'avais pas forcément été pour, je devais bien reconnaître que l'odeur de la sorcière calcinée, ça manque à Godric's Hollow.  

Je me manifestais derrière elle.❝ Tu manques de pratique.❞ constatais-je à voix basse, le regard braqué sur la coupure de son doigt. Rien d'ancré dans le marbre :❝ Nous y reviendrons plus tard.❞ Ces choses-là s'apprennent, et c'était un rôle que je pouvais tenir. Mais pas ce soir. Le faisceau lumineux était déjà visible au loin, doublé du signal claironnant de la locomotive. D'un rapide coup d'œil, je tentais de calculer l'emplacement des wagons lorsque ceux-ci seront à l'arrêt sur le quai. Mouvement du menton vers la droite : ❝ Viens par là.❞ fis-je en entrainant la petite à ma suite derrière la passerelle, à l'abri des regards.

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Un sifflement retentit dans la quiétude de la nuit estivale dont les chants s’amenuisèrent à mesure que le train entre en gare. D’imposants volutes de fumée précédant son incursion viennent peupler les quais désertés pour envelopper l’engin d’un voile de mystère. C’est après un strident crissement que la locomotive s’immobilise complètement, les wagons tirés oscillant encore dans une délicate danse. Seuls les quelques soupirs de la machine brisent le silence ambiant accompagnés de vastes nuages opaques relâchés à intervalles régulières dont une silhouette finit par émerger. Carrure imposante de celui dont les étoffes recouvertes de suie n’offrent guère de place au doute, ses prunelles guettent avec méfiance les abords du train. Ses mains enfouies dans les poches de son futal, il progresse avec prudence sur le quai en quête d’âme qui vive.

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Je dirais bien que le train arrive sans crier gare, mais rien ne serait plus éloigné de la vérité. Le sifflement se rapproche, remplaçant le grésillement nocturne des criquets.

« J’vais m’exercer, promis » je réponds à la Colonelle. Cette femme m’impressionne beaucoup trop, et j’ai même pas encore abordé le fait qu’elle m’a probablement sauvé la vie. N’importe qui d’autre me ferait la même remarque, je l’encastrerais façon électroménager dans le mur le plus proche. Mais pas elle.

Je suis la seule personne que je laisserais se prendre pour ma supérieure hiérarchique, lorsqu’elle me fait signe qu’on doit se planquer. C’est pas trop ma tactique - j’ai toujours été de celles qui foncent dans le tas d’abord, et posent les questions après. Pas forcément celles qu’on qualifie de malignes, mais je vous ferais remarquer que je suis toujours en vie… Contrairement à d’autres. Aucune voix ne répond à cette provocation - ça va faire quelques jours que tu ne réponds plus, et je ne comprends pas pourquoi. Mais tant pis, j’avance - ou plutôt, dans le cas présent, je recule.

On rejoint les ombres, attendant que la locomotive se soit arrêtée dans un crissement de freins dont je m’étonne qu’il ne réveille pas tout le village. Sans doute ai-je l’oreille trop sensible, après ce moment de calme impromptu. La fumée envahit le quai et dissimule d’éventuels arrivants, je plisse les yeux mais rien n’y fait, entre le crépuscule et la vapeur de charbon, il fait plus sombre que dans un four. Il me faut donc un instant avant de distinguer une silhouette : sans doute le fameux contact, celui qui doit nous remettre la cargaison de munitions censée arriver de la capitale.

Ni une, ni deux (ni trois, d’ailleurs), je me rapproche du gars et siffle les premières notes d’un God Save the Queen dont je ne pense pas un traître mot. « Bien le bonsoir » je salue, les mains fourrées moi aussi dans mes poches. J’en fais un rapide inventaire mental : si la situation devait nous échapper, j’ai toujours ce qu’il faut pour remettre les compteurs à zéro… Mais je fais confiance à la Colonelle pour impressionner le gaillard, si mon attitude devait faillir. « Pas d’encombrements sur la rou… sur les rails ? » Je m’impatiente déjà : sans déconner, je vais tout de même pas lui faire la conversation, si ? File-nous le cargo, chacun rentrera chez soi et les moutons seront bien gardés, voilà ce que j’ai envie de balancer. Mais quelque chose dans le regard de la Colonelle me dit que ça ne serait pas une bonne idée.

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Il y eut tout un ramdam de crissements, de roulements et dans un épais nuage de fumée, la locomotive finit par ralentir jusqu'à s'immobiliser complètement une fois en gare. La petite avait accepté de me suivre sans broncher, soit parce qu'elle devinait que pour sa première mission elle ne mènerait pas la danse ou alors, parce qu'elle avait compris qu'il fallait dropper. Entrer chez les chasseurs était une chose, mais y rester -et en vie- était une autre. La perte de son ami lui avait probablement eu cette incidence, et déclencher un minimum cet instinct de conservation chez la rouquine qui en était de base totalement dépourvue. Elle n'avait pas froid aux yeux et dans notre cellule c'était autant une qualité qu'un défaut. Mais ce soir, il s'agissait plutôt de se servir de ces yeux pour observer plutôt que de foncer dans le t...❝ Putain❞ soufflais-je à voix basse en la voyant bondir hors de notre cachette, l'hymne britannique au bout des lèvres. J'aurais pu essayer de la retenir par le bras ou de lui faire signe de rester cachée le temps de voir à qui nous avions affaire mais ses sifflements n'auraient de toute façon pas manqué d'interpeller le gus que avait émergé des entrailles du train. On avait pas idée de faire un boucan pareil, merde !

Alors, je n'eus d'autre choix que de me mettre à découvert également, lançant des regards à droite et à gauche pour être certaine que ce vieux crado ne soit pas accompagné lui aussi. Le domantium était un minerai rare, ce qui en faisait une marchandise hors de prix. Que le loustic ait décidé de renoncer à notre échange pour le revendre à quelqu'un de plus offrant était une hypothèse à ne pas négliger. Et ce quelqu'un était peut-être venu récupérer son bien, auquel cas il le ferait savoir et ne manquerait pas d'ouvrir les hostilités. Dans ses conditions, il ne s'agirait plus de la loi du plus offrant, mas de celle du plus fort et dans ce cas, il n'y avait plus qu'à prier que Finnigan sache faire autre chose que de s'entailler le doigt avec un coupe-papier. Avait-elle songé à tout cela ? Non, bien-sûr que non. On se prenait pas pour un sept nain en sifflotant gaiement si on avait conscience de tout ça.
En silence, je me positionnais à côté de l'Irlandaise, toisant le gaillard couvert de suie. ❝ Alors, vous l'avez ?❞ demandais-je sans préambule. Plus vite le domantium nous serait remis et plus vite cette histoire serait terminée. Ni lui, ni moi, ni Finnigan ne souhaitions nous attarder ici. C'est pas le coin le plus huppé de Godric's Hollow, c'est pas le plus malfamé non plus, mais c'est pas là que je veux finir ma nuit. Le visage fermé, j'observais chaque mouvement de la cible, prête à réagir si je décelais quelque chose de suspect dans sa gestique.

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Face à la soudaine irruption d’une silhouette fluette sur le quai, l’homme se raidit. Sa poigne renforcée dans l’une des poches, l’émail grinçait d’une tension refoulée. On lui avait collé une gamine. Ils ratissaient donc si large les chasseurs à Godric’s Hollow ? « B’soir… » Terme mâchonné, les perles toisaient la demoiselle à la crinière de feu, ronchonnant à l’amorce de conversation entreprise avant qu’une seconde âme ne les rejoigne. « Qu’c’deux dames comme vous autres font là à une heure pareille ? » Il avait la méfiance qui dégoulinait des babines, nervosité portée dans la gestuelle, l’agitation peuplait ses gestes, animait l’imposante carcasse de tics nerveux. « Z’avez plus d'biscuits à vous mettre sous la dent ? Vous cherchez quoi ? » Suspens laissé dans les interrogations planant, ça sentait le roussi. Quelques oeillades lâchées ici et là comme s’il s’attendait à voir débarquer des silhouettes menaçantes sur le quai, les deux inconnues s’affichaient éléments perturbateurs dans l’attente nerveuse d’une confirmation qu’elles étaient bien son contact sur place.

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Le type était nerveux. Et les types nerveux étaient pas les plus stables, en particulier pour des missions comme celles-là. Il puait le chacal, mais il puait surtout l'imprévisibilité et la trouillardise en cas de pépin. Le genre de type qu'on dégageait de nos équipes dans la Navy, et ceux qu'on laissait pas tout seul du côté chasseur.❝ On t'attendait. Et t'es plutôt à l'heure.❞ répondis-je, lui concédant ce point malgré tout. Ce genre de lopette enfermé dans une carrure de balèze, j'avais l'habitude de les mater et de leur faire rentrer du plombs dans la caboche. Je l'avais tutoyé, on s'connait pas et on deviendrait pas ami, mais au moins on s'embêterait pas de parlotte fantaisie et de fanfreluches.❝ Elle sera contente de le savoir.❞ fis-je avec un hochement de tête. Que ce soit la Barbare ou le Docteur Craine, l'une comme l'autre appréciaient la ponctualité et la saveur d'une promesse tenue.

❝ Joue pas à ça, tu sais très bien ce qu'on est venues chercher.❞ répliquais-je, mi-agacée mi-blasée. Au moins le bestiau appliquait les règles et faisait les vérifications avant de donner notre cargaison au premier venu.❝ T'apprendras à me connaître. Mais en attendant, v'là le mot de passe.❞ Avec lenteur pour pas que l'autre s'affole et se fasse des plans sur la comète, je sortis une note pliée en quatre avec ledit mot de passe et la griffe de nos supérieurs. De nouveau, je lançais un regard en coin à Saoirse afin qu'elle reste tranquille encore quelques instants. On avait pas besoin qu'elle se remette à siffler et qu'elle attire l'attention sur nous ou qu'il lui prenne l'envie de faire des prouesses pyrotechniques parce que ça va pas assez vite à son goût.  

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La Colonelle a l’air tendue, et j’ai un peu envie de lui dire que c’est pas mon premier rodéo. D’une certaine manière, c’est vrai : des deals louches passés sous la seule lueur d’un lampadaire fatigué, j’en ai fait, et pas qu’un peu. Il y a des choses qu’on ne peut se procurer que comme ça, mais je vais pas vous dire quoi. J’ai moyennement envie qu’on accumule des preuves contre moi. De son point de vue, toutefois, elle a raison. Je suis encore une newbie, et son souffle courroucé a vite fait de me le rappeler. Merde, quoi, si on ne peut même plus s’amuser un peu…

Je vois bien que le regard du gars d’en face n’est pas davantage appréciatif de ma superbe silhouette - ça tombe bien, les vieux mal dégrossis, c’est pas mon type. N’empêche que je réprime un éclat de rire sauvage quand il nous traite de dames. Il serait pas bigleux, le pauvre ? Si j’étais une dame, ça se saurait. Mais je garde mon clapet solidement fermé, cette fois-ci, parce que j’ai bien compris que la Colonelle n’avait pas apprécié mon entrée en matière un peu… folklorique.

L’autre balut des épaules nous cause à présent de biscuits, et ça me donne un petit peu faim - l’heure du casse-dalle nocturne a dû passer sans que je m’en aperçoive. Mais la Colonelle coupe court à toute évocation d’un repas, et d’ailleurs à toute forme de politesse au passage. Respect, la vieille je ne peux m’empêcher de penser. Elle a beau être une femme, la Colonelle en impose d’autant plus qu’elle sait ce qu’elle fait. Au moment où elle plonge la main dans sa poche, j’en fais de même - j’ai quelques trucs potentiellement utiles là-dedans… Mais le danger semble écarté, c’est un bout de papier qu’elle tend à l’autre barrique sur pattes.

Les doigts de la main gauche enroulés autour du manche de mon couteau à cran d’arrêt, je me force à respirer très lentement et très patiemment. Pour rassurer la meneuse de notre petit équipage, j’incline même brièvement le menton. Message reçu, M’dame. Clapet clos.


L’échange se déroule aussi normalement que possible - si l’on prend en compte qu’il a lieu sur un quai de gare, en plein milieu de la nuit, et qu’on est tous ici très probablement occupés à jouer les équilibristes sur la ligne mince qui délimite la légalité. Cette ambiance clandestine à moitié avouée par les adultes, tout occupés par leur curieux échange de mots dont la signification m’échappe entièrement, ça me flanque des frissons jusque dans le bas du dos. J’ai le sang qui pulse, particulièrement là où je me suis coupée un instant plus tôt.

Mais on m'a signifié que, comme tous les enfants de ce monde, on attendait de moi que je sois vue et pas entendue. J’ai beau trouver ça râlant comme pas permis, ça me déplaît pas d’observer un peu la Colonelle en action. Vraiment, cette femme a toute mon admiration. En quelques brefs échanges, elle se débarrasse de notre livreur aux manières rustres - non que les miennes soient exactement irréprochables, mais j’ai toujours été du genre à critiquer la paille et ignorer la poutre, si vous voyez ce que je veux dire. L’hôpital, la charité bien ordonnée qui commence par soi-même, tout ça, très peu pour moi.

Fin des négociations, et voilà que notre cargaison est déchargée. L’inconnu passionné de biscuits se plaint un peu que ça pèse, notre machin, et je retiens à grand-peine un rire moqueur. On en reparlera quand il faudra porter des trucs lourds, hein ?

« On ouvre ? » je demande. Sans trop attendre la validation de la Colonelle, je ressors mon fidèle couteau à cran d’arrêt, histoire de desceller le couvercle de la caisse martelée d’une mention fragile - ne pas secouer. Instruction à laquelle quelqu’un a visiblement dérogé, puisque quand on parvient enfin à soulever les planches… « C’est censé être dans un foutoir pareil ? Et qu’est-ce que… »

Non seulement les munitions étincelantes sont dans le désordre le plus total, mais en plus… C’est que ça bouge, là-dedans ! Et sous mes yeux écarquillés surgit une sorte de créature évoquant vaguement le résultat d’un minuscule kangourou qui aurait forniqué avec une énorme taupe. C’est donc à ça que ressemble un ornithorynque ? ai-je le temps de me demander, avant que le machin, quel que soit son nom latin, ne décide d’enfouir une balle luisante de domantium dans sa poche ventrale. « Ça y est… J’suis bonne à voyager avec les fées »* je marmonne, l’expression irlandaise seule à même de vocaliser mon incrédulité.

Abasourdie ou pas, je vais tout de même pas rater une chance pareille d’attraper un spécimen aussi unique que celui-là. « Peeeetit petit » je susurre, soudain pleine d’une excitation trop longtemps réprimée. Je n’ai pas la moindre idée de ce que c’est, exactement, mais c’est vaguement mignon, et puis peut-être que c’est l’une de ces créatures magiques qui vous filent des pouvoirs si vous leur demandez gentiment ? Ou pas, je découvre avec autant d’énervement que de surprise, lorsque le truc à poils me file entre les doigts, avant de disparaître sous les roues du train tout proche - non sans embarquer dans sa bedaine un bon quart de la marchandise.

« Merde alors ! »

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