IN FOR
THE KILL

RPG HP && the village


( clique pour voir en grand )

PÉRIODE DE JEU:
SEPTEMBRE 1955
GODRIC'S HOLLOW ● Dans l’ombre, un texte commence à circuler dans les différentes communautés magiques, lu lors de soirées mondaines, traduits dans une dizaine de langue, le pamphlet, extrémiste, fait assez parler de lui pour être reproduit par les journaux ou lu sur les ondes de nombreuses radios afin d’en commenter ou critiquer le contenu. L’illégalité de leur organisation ne semble nullement avoir empêché les Mangemorts de diffuser leurs idéaux. (lire le pamphlet)
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sœurs ennemies.
neutral: no mans land ●
Edith Trelawney
neutral: no mans land
Edith Trelawney
feuille de personnage

Feuille de personnage
RELATIONS:
INVENTAIRE:
ACQUISITION:
WANDS
KNIVES
SOUL
hiboux : 191
pseudo : komorebi, marine.
faciès & dot : vanessa kirby — caelestis ; rampld.
doublon(s) : jules la princesse, tuthur l’endive, ron le papa ours et alicent la moldue.
gallions : 654
sœurs ennemies.  Tumblr_or2uejjj6R1qgy13ro6_400
pronoms : féminins.
décade : trente six plaies.
labeur : historienne et autrice, fascinée par les grands évènements du monde magique, conservatrice de cet héritage d’autrefois.
alter ego : une certaine nancy bates.
storytime : en cours ;;
agnessaturnineedina suite/ii

sang : mélange des âges qui ont donné le précieux don, mêlé ou maudit, la frontière semble si mince.
don : sa langue accérée, venin qu’elle crache par excès de jalousie et d’impuissance, elle dénuée du précieux don.
myocarde : mariée, mère de famille, mais union décousue, mariage piétiné et promesses disparues depuis bien longtemps, pourtant un refus profond de la rupture, les apparences sont bien trop précieuses pour les gâcher.
allegeance : de plus en plus dubitative vis à vis du ministère, favorable aux mangemorts sans être partisane, mais les liens du sang avant tout, protéger la famille en premier.
particularité physique : elle porte toujours son alliance, contrairement à son époux.
gif feuille : sœurs ennemies.  F03298eec5268c3839b5b770e52c5e9d4093e8f4

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(#) sœurs ennemies. ●
03.05.24 19:45
● ● ●
you have nothing to fear
À PROPOS
DE CE SUJET
if you have nothing to hide
● ● ●
temporalité du rp : juillet de l’année 1955.
personnages concernés : agnes et edith trelawney.
trigger warnings : aucun actuellement.
intervention autorisée du mj : [ ] oui [x] non
autre(s) : le rp fait suite à la beuglante envoyée par edith à sa petite sœur.

IN FOR THE KILL - 2021-2022


(. . .)
mais cette vie,
elle m’aura,
à l’usure.
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Edith Trelawney
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sang : mélange des âges qui ont donné le précieux don, mêlé ou maudit, la frontière semble si mince.
don : sa langue accérée, venin qu’elle crache par excès de jalousie et d’impuissance, elle dénuée du précieux don.
myocarde : mariée, mère de famille, mais union décousue, mariage piétiné et promesses disparues depuis bien longtemps, pourtant un refus profond de la rupture, les apparences sont bien trop précieuses pour les gâcher.
allegeance : de plus en plus dubitative vis à vis du ministère, favorable aux mangemorts sans être partisane, mais les liens du sang avant tout, protéger la famille en premier.
particularité physique : elle porte toujours son alliance, contrairement à son époux.
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(#) Re: sœurs ennemies. ●
03.05.24 19:51
pour votre information, sachez qu’il est rare que ma sœur et moi collaborions, aussi rare que d’apercevoir une licorne en fait.
S

ŒURS
ENNEMIES


La beuglante est une mauvaise idée. Edith l’a su dès l’instant que le hibou grand duc prénommé Edgar a disparu de son champ de vision. La sorcière a rédigé ce courrier injurieux sous le coup de colère et de l’amertume. Elle est rongée par les remords et les regrets Edith, elle a un besoin constant d’exploser, elle, cocotte minute sur le feu, elle a trouvé l’occasion parfaite pour le faire, pour laisser le tout faire boom, coucher sur le le papier des années de ressentiments. Mais c’est injuste, cruelle même et méchant. Edith le sait et pourtant, quand Irvin lui dit, lui souligne qu’elle va devoir en payer les conséquences, que ce n’est pas ainsi qu’elle va se réconcilier avec Agnès, elle ne répond pas. Une cigarette entre les doigts, elle tire dessus d’un air détaché, ce qui exaspère encore plus son époux. — Tu vas le regretter qu’il dit. Elle ne répond pas, ne le regarde pas. Elle ne tourne la tête vers lui que pour l’apercevoir de dos, quand cet homme qu’elle aime sort de la pièce, ferme la porte derrière lui. Elle est seule, voilà Edith. Seule dans le salon, avec ses démons, avec ses vieilles rancœurs et maintenant, elle peut souffler. Le manège peut s’arrêter. Aucun doute. Elle se sent seule.
Son cœur est vide à la belle de glace, il a besoin de se remplir, pourtant, elle s’y refuse. Ne prends d’autrui, que le pire derrière son visage d’apparat. Simple métaphore d’elle-même, Edith en personne ne connaît même plus son vrai profil. Être plus, elle n’y parvient pas. Être moins, ça l’isole. Saturation, elle écrase d’un geste colérique la cigarette à peine commencée. Les mains dans son visage, Edith, elle déteste plusieurs choses. La première, quand son mari a répond. Irvin l’ignore, mais sa femme regrette déjà son geste. La seconde, c’est qu’elle sait qu’elle a été injure, méchante, odieuse et tout ce que l’on veut avec sa petite sœur. La troisième, Cornelius a forcément menti, c’est évident, car sa sœur est au courant de son allergie et jamais elle n’aurait fait ça. Même si Edith trouve la benjamine trop bohème, bien moins coincée qu’elle certes, Agnès est une femme responsable. Elle n’aurait jamais oublié ça. Alors pourquoi ? Pourquoi ? Parce que l’art de faire semblant, feinter ses sentiments et créer des espacements, c’est tellement plus simple que d’accepter d’être soi-même. Edith ment comme elle respire la harpie, refuse de montrer qui elle est vraiment, une femme désireuse de recevoir de l’amour. Elle crève d’amour, la fille aînée Trelawney, implore les astres, elle, devenue une imposture d’elle-même, s’est perdue dans son propre monde. Et malheureusement, aucun fil d’Ariane pour la sortir du propre labyrinthe qu’elle s’est construite d’année en année. Tous l’ont abandonné, mais peut-on leur en vouloir ? Bien sûr que non. C’est donc ça, le prix à payer quand on porte un patronyme maudit.
Les mains dans son visage, elle ravale un cri, rabat ses cheveux en arrière avant de se redresser. Quelques pas vers la baie vitrée, le front posé contre lui. Est-ce qu’elle devrait… ? Les yeux clos, elle expire un long soupir. Agnès, si seulement tu savais, combien tu me manques.

Le lendemain, il fait gris en ce mois de juillet. Edith n’a guère écouté la radio, mais la BBC a annoncé qu’une tempête allait brièvement traverser la région. De la pluie, des rafales de vent sont prévues, pourtant, les anglais vont et viennent dans les rues. Edith ne fait pas exception. Elle a décidé tôt d’arpenter d’un pas décidé les pavés de Godric’s Hollow. La sorcière sait parfaitement où elle va. Son pas est rapide, après tout, elle n’a pas prévu de parapluie. C’est un risque, car le vent se lève déjà, mais elle ne veut pas faire demi-tour. Irvin doit être debout et elle ne tient pas à le croiser. Pourquoi marche-t-elle vers cet endroit ? Elle sait que c’est une mauvaise idée, que ça va mal se finir, que les voix vont se confronter, les mots, s’entrechoquer, mais elle veut prendre le risque. Il y a en elle, cette petite voix qui la pousse à agir et d’ordinaire, la blonde la fait taire trop souvent. Pas cette fois, justement, cette fois, elle a le droit à la parole, la petite voix que l’on nomme conscience.
Fais le.
Mais à quoi bon ? La beuglante est arrivée à son destinataire, le mal est fait. C’est comme recoller un pansement sur une plaie qui n’est pas cicatrisée, ça fait mal et c’est inutile. Qu’importe, fais le ! Alors elle le fait.

Sa marche rapide cesse quand elle arrive en plein cœur de Mandrake Avenue. Devant elle, la boutique. La vitrine est alléchante, avec des pâtisseries diverses qui sont exposées. Edith n’a pas mangé ce matin, comme souvent, elle ne prend pas le temps de savourer un petit-déjeuner. Un thé, un toast nature tout au moins. Sa vie manque cruellement de saveur et de couleur. Comment a-t-elle pu devenir une femme aussi aigrie ? Et voir tout ça lui ouvre l’appétit, elle qui prétend à tord qu’elle n’aime pas le sucre. Encore un mensonge, mais cela suffit ! Elle ne veut pas y penser, chasse son appétit naissant de sa tête pour tenter de regarder aussi discrètement que possible par la vitrine si elle voit la silhouette de sa petite sœur, car c’est bien Agnes qu’elle est venue voir.
Depuis combien de temps les frangines Trelawney ne se sont pas vues ? Encore moins adressées la parole ? Trop longtemps sans doute. Qu’est ce qu’elle pourrait dire à Agnes, Edith ? Elle ne sait pas, elle hésite et fait un pas en arrière. L’envie de s’enfuir se fait forte. Si forte qu’elle sait qu’elle va y céder. Comprenez que des quatre, c’est sans doute Edith qui dispose du taux de témérité le plus bras, préférant se faufiler dans les recoins et attendre, elle est la vipère qui se cache dans les hautes herbes. Son manque de bravoure, elle prétendra qu’il s’agit d’une forme de sagacité. Encore une façon détournée pour ne pas admettre sa lâcheté.
Alors, plutôt que de rentrer dans la boutique, elle se retourne sans attendre, fait volteface pour retourner sur ses pas, rentrer dans sa maison, forteresse gardienne de ses maux. Sauf que non ! Dans sa fuite sauvage, Edith a percuté quelqu’un. Elle recule d’un pas, se rattrape en posant sa main sur la vitrine. — Oh, je suis… Elle allait s’excuser, mais se fige. Son visage exprime alors à cet instant, un mélange d’effroi, de surprise et de quelque chose dont on ne saurait dire. Elle parvient à articuler difficilement le prénom suivant : — Agnes… ?

Bien sûr, le destin est cruel et particulièrement cynique avec la famille Trelawney. Sur la myriade d’habitants qui peuplent ce village, sur les sorciers qui vivent dans ce quartier, il a fallu que Edith percute celle qu’elle cherche à fuir, mais qu’elle venait voir à l’origine. Culot de la destinée qui force les choses, Edith baisse les yeux, cherche une excuse, quelque chose pour expliquer sa présence ici, chasse la conscience, la force au mutisme elle qui lui supplie de s’excuser, ouvre la bouche, veut parler, croiser brièvement le regard si saisissant d’Agnes, si semblable au sien, les mêmes traits, la même lignée, sang partagé.
Pourtant rien.
Elle ne dit rien, n’arrive à rien dire. Soumise au silence, la vipère.

(1310 w.)
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Agnes Trelawney
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faciès & dot : Imogen Poots (tearsflight)
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pronoms : she-her (elle)
décade : 27 ans
labeur : douceurs sucrées tout juste sorties du four, petits gâteaux vendus à prix d'or pour le compte de celle que l'on surnomme Madame Guillotine
alter ego : Agnes Thompson, discrète professeure de dessin
storytime : ANTONINEMILECELIASEDITHSATURNINE
sang : ichor mêlé, fierté familiale depuis plusieurs générations, choix revendiqué de ne jamais figurer au rang des puissants
don : visions floues d'un futur terrifiant, hantises d'un passé traumatique, médiumnité héréditaire qu'elle ne maîtrise qu'à grand-peine
myocarde : premier et unique amour trop vite perdu, un accident de la route lui a pris son mari pour la laisser seule avec leur petite fille
allegeance : passeuse engagée au sein de la branche sorbier, hébergeuse et faussaire pour le compte des réfugiés de cette nouvelle guerre
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(#) Re: sœurs ennemies. ●
06.06.24 14:30
Fate pulled us apart in the cruellest way. But was it fate, really ? Maybe it was simply the choices we made.
S
OEURS ENNEMIES
La lettre est arrivée hier. Elle ne l’a vue qu’après avoir bordé Sybil, laissant la porte de la chambre d’enfant soigneusement entrouverte, parce que Sybil a peur du noir, et que la lumière du couloir reste allumée quelques heures après son coucher. Des heures dont la jeune maman profite pour avancer un peu sur ces faux papiers, qu’elle tente de rendre plus crédibles que des vrais. Ses encres magiques sont déjà prêtes, mais elle refuse de se livrer à cette activité devant sa fille : Sybil a la langue bien pendue, et toute l’innocence des enfants, alors pour la première fois de sa vie, Agnes joue la carte de la prudence.

Pas assez, toutefois, pour livrer cette enveloppe rouge au feu qui achève de se consumer dans l’âtre du salon. Non, lorsqu’elle voit la calligraphie soigneuse qui orne la missive, elle se dit que quelque chose doit être arrivé pour qu’Edith daigne lui adresser quelques mots. Elle ne réfléchit pas au fait qu’il s’agit d’une Beuglante, elle ne voit que le nom de l’expéditrice et déchire l’enveloppe sans trop de soin, elle veut juste savoir s’il s’agit d’un événement grave. Parce qu’elle sait que son aînée est forte mais que la vie l’a bien secouée ; parce que, dans le fond - et même si elle ne l’admettrait pas à voix haute - elle s’en veut un peu de s’être parfois comportée comme la dernière des sales gosses lorsque son aînée réclamait simplement un peu de calme.

Aucun souvenir d’enfance ne pourrait toutefois l’avoir préparée à l’orage qui éclate alors sous les poutres apparentes. Les injures volent, et au milieu du torrent d’invectives, Agnes peine à comprendre ce qui lui arrive. Edith l’accuse de quelque chose d’affreux, mais il lui faut un instant pour percevoir de quoi il s’agit, et alors elle comprend encore moins. Pourquoi donc aurait-elle offert une quelconque pâtisserie à ce garnement de Cornelius, qu’elle n’a pas vu depuis des jours, des semaines même ? Et puis surtout, surtout, pourquoi lui aurait-elle mis entre les mains un ingrédient dont elle sait pertinemment qu’il peut le mettre en danger ?

Sale petite emmerdeuse.

Pauvre dinde.

Morveuse.

Cause perdue.


Quelque part, elle a toujours su qu’Edith pensait tout cela. Quelque part, elle n’a aucun mal à y croire, parce qu’Edith est aigrie et qu’elle saisit la moindre occasion de cracher son venin de sale vipère à la première personne venue. Edith n’a jamais été heureuse, alors elle ne peut pas comprendre ce que cela fait, Edith est incapable d’aimer mais elle s’étonne de voir ses proches s’éloigner d’elle… Oui, des reproches, elle en a aussi. Seulement voilà, Agnes a déjà claqué la porte une fois. Et elle ne s’attendait pas à ce que son aînée ait la vindicte assez tenace que pour lui hurler des insanités jusque sous son toit, par Beuglante interposée. C’est un geste de lâche, ça ne la surprend même pas. Sous la colère, toutefois, c’est la douleur qui lui poignarde le cœur. Comment sa sœur - même si c’est celle avec laquelle elle s’entend le moins, même si c’est cette prétentieuse d’Edith, même si elle a un balai coincé dans le… - comment sa propre sœur peut-elle croire qu’Agnes ferait une chose pareille ?

« Mama ? Quelqu’un est fâché sur toi ? »

La voix flûtée de l’enfant interrompt ses pensées tourmentées. Lapin en peluche accroché au bras, pantoufles oubliées dans une précipitation ensommeillée, Sybil cligne des yeux avant de se précipiter vers sa mère et de la serrer dans ses bras, cette dernière s’abaissant pour mieux l’étreindre.
« Tiens, Mama. Prends Bunny. Pour sécher les larmes » précise l’enfant, essuyant d’une oreille pelucheuse des perles salées dont Agnes n’avait jusqu’alors pas conscience. « Merci, Bunny » s’étrangle la mère, réprimant les nouvelles larmes qui lui viennent en songeant que peut-être Edith a raison. Que peut-être elle est vraiment une terrible mère, qui doit ainsi laisser son enfant la réconforter. « Merci, Sybil. Maman va mieux, maintenant » tente-t-elle piteusement de rassurer l’enfant.

Elles ont dormi ensemble, ce soir-là. Cela leur arrive parfois, depuis que Sebastian n’est plus là - depuis qu’Agnes craint le lit vide autant que sa fille craint que la nuit ne lui prenne sa mère aussi. Alors elles se roulent en boule ensemble, Bunny serré tout contre la plus petite, les bras de sa mère proposant une protection qu’elle sait vaine. Mais peu importe ce que lui affirme sa raison, Edith n’a pas tort là-dessus, Agnes n’écoute que son instinct. Surtout lorsqu’il s’agit de protéger la prunelle de ses yeux, le souvenir vivant de l’homme qu’elle a aimé - qu’elle aime encore, malgré la mort.

Et le lendemain matin, si elle a les yeux cernés, Agnes n’en manque pas moins de se rendre au travail. La vie continue, c’est ainsi depuis plusieurs mois déjà et pour une éternité encore, la vie se poursuit et ne l’attend pas, alors Agnes se dépêche. Elle dépose Sybil chez la baby-sitter du jour - comme tous les jeudis, c’est Bathilda qui s’occupe de l’enfant : sa voisine est absolument adorable, et refuse systématiquement toute tentative de paiement à l’exception de biscuits à la violette que la pâtissière confectionne avec plaisir. Ce matin en particulier, Bathilda insiste pour discuter un peu, de tout mais surtout de la météo : une tempête se prépare, affirme-t-elle, elle peut le sentir dans ses os. Elle fourre même un parapluie qui a l’air d’avoir vécu les deux conflits mondiaux entre les mains de la petite voyante, qui ne perçoit pas la moindre goutte de pluie dans l’air sec et chaud qui souffle depuis la côte. Mais le ciel est gris, aussi accepte-t-elle l’offre de Batty avant de filer d’un bon pas pour rejoindre le quartier huppé de Mandrake Alley.

Progressivement, les demeures s’espacent et les terrains s’étendent, alors qu’elle laisse derrière elle la rivière et son chant glougloutant. Le silence du quartier des mieux nantis n’est troublé que par le bruit de ses pas, personne ne se lève tôt ici. Agnes est presque seule dans la rue, ses pensées pour toute compagnie, des pensées hantées par les mots hurlés de sa sœur.

Sale petite emmerdeuse.

Pauvre dinde.

Morveuse.

Cause perdue.


Elle ne sait pas laquelle de ces invectives lui fait le plus de mal. Peut-être que, dans le fond, ce qui la blesse plus que tout, c’est la justesse de ces injures. Bientôt, elle parvient en vue du magasin tenu par la spectrale comtesse que l’on surnomme Madame Guillotine. À cet instant précis, du ciel couleur de plomb s’échappe une goutte unique, qui vient s’écraser juste sous son œil. Elle la frotte d’une paume furieuse, rougissant sa joue, mais continue d’avancer pour rattraper son léger retard. Marie-Séraphine-Floralie-Hélène-Cerise de Notre-Dame Chancies du Jousselinier Senestre lez Castiche de l’Auberivière, comtesse de Champignac-sur-Saône et tenancière de la pâtisserie la plus chère du quartier, a une certaine tendance à sermonner sévèrement les arrivées tardives - et Agnes n’est pas franchement d’humeur à se faire remonter les bretelles, occupée comme elle l’est à ressasser les griefs d’Edith.

« Vous pourriez faire attent… Oh. »

Si elle n’avait pas appris en cours d’Enchantements que faire apparaître quelqu’un par la pensée était impossible, elle pourrait croire que c’est ce qu’elle vient de faire. Car ce n’est nulle autre qu’Edith Trelawney qui se tient face à elle, le visage déformé par des émotions qu’Agnes ne reconnaît pas. Elle a l’air fatiguée, se dit-elle tout d’abord, avant de se corriger. Non, épuisée. Elle n’a jamais vu son aînée dans cet état, et son premier réflexe est de tendre le bras pour l’attirer à elle - avant de se raviser à mi-chemin. Que pourrait-elle dire à cette vipère, quel réconfort pourrait-elle lui offrir, alors que cette dernière lui a clairement exprimé tout son ressentiment ? Sa haine, même, et sous quel prétexte ? Qu’Agnes aurait fait du mal à son fils chéri. Comme si c’était crédible.

Elle voudrait l’ignorer, poursuivre son chemin comme si de rien n’était. Mais en elle, la lave s’est accumulée, bile acide et brûlante qui doit sortir, elle doit exploser. « Je crois que le mot que tu cherches est morveuse. À moins que ce ne soit petite dinde. Ou, attends… Ah oui. Sale emmerdeuse. » Si elle attendait un déni, il ne vient pas - ou alors, il est noyé dans le craquement sonore qui retentit, une fraction de seconde avant que les nuages ne se déchirent, précipitant une pluie aussi drue que soudaine vers les habitants de Godric’s Hollow. Agnes n’a même pas le temps d’ouvrir le parapluie que lui a prêté Bathilda avant d’être atteinte par une myriade de gouttelettes. Pourtant, elle ne bouge pas, son regard clair vissé sur le visage crispé d’Edith. Elle devrait se précipiter vers le salon de thé, mais elle ne peut plus - elle ne veut plus - avancer. Qu’Edith parle, maintenant, ou se taise à jamais.

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sang : mélange des âges qui ont donné le précieux don, mêlé ou maudit, la frontière semble si mince.
don : sa langue accérée, venin qu’elle crache par excès de jalousie et d’impuissance, elle dénuée du précieux don.
myocarde : mariée, mère de famille, mais union décousue, mariage piétiné et promesses disparues depuis bien longtemps, pourtant un refus profond de la rupture, les apparences sont bien trop précieuses pour les gâcher.
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03.07.24 19:24
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ŒURS
ENNEMIES


C’est Agnes.
Par tous les saints qui existent, par tous les jurons que l’on peut trouver, par les couilles Salazar, par le choixpeau de Godric, par les tétons de Rowena et même par les jupons de Helga, c’est Agnès. Bien sûr, le destin est cruel, perfide et il aime jouer. Edith devrait le savoir, elle y a même joué une brève partie qu’elle a perdu, un soir de mars. Agnes qui la percute, ou est-ce l’inverse ? Elle qui percute sa petite sœur ? Qu’importe, c’est un face à face qui suspend le temps. Et immédiatement, la première chose que pense l’ainée Trelawney est que sur tous les habitants de quelque nature que ce soit, qui peuplent cette petite bourgade perdue d’Angleterre, elle tombe sur Agnes. Sur la personne qu’elle ne souhaitait pas voir, mais qu’elle venait voir au départ. Évidemment, qu’elle risquait de la croiser, après tout. Les probabilités étaient élevées, mais Edith a toujours préféré la plume à l’acerbe, même à l’école, elle trouvait l’histoire et les récits bien plus intéressants que l’arithmomancie ou le déchiffrage des runes. Ça avait tendance à lui donner des maux de tête rapidement. Alors la sorcière n’a même pas réfléchi à cette possibilité, aux chances élevées qu’elle avait de croiser la benjamine en faisant le déplacement.
Mauvais calcul, ma vieille. Mauvais timing, Edith. Pauvre Edith. Quoique non, elle l’a cherché cette fois. Une fois de plus ? Que cette petite voix dans sa tête cesse.

La gorge étonnement sèche, elle perd ses mots, Edith et c’est bien rare, ces moments là. Ceux où sa langue de vipère n’a rien à dire, aucun mot à ajouter, elle qui aime avoir le dernier justement, mot de la fin, elle qui aime cracher son venin dès qu’elle peut. Elle en a conscience pourtant, la blonde, qu’elle peut faire du mal. Les mots sont des couteaux invisibles qui pénètrent la chaire et font mal à l’âme. Ils sont une arme et Edith les affectionne tout particulièrement. Pourtant, ce n’est pas une quelconque femme, crétine de plus, qui se trouve face à elle. C’est sa petite sœur. Un membre de sa si précieuse famille. Agnes, la dernière arrivée, des années après Edna, un rayon de soleil selon Agatha, une petite lionne qui rugit pour d’autres, mais pour Edith, c’était surtout un chaton qui miaulait trop fort et qui faisait trop de bruits avec ses jouets. En grandissant, un fossé s’est construit entre eux. Non du fait de la benjamine, car le premier coup de pelle a été donné par l’ainée, elle en a conscience, d’ailleurs, sauf qu’elle refuse de se l’avouer. Oui, elle est piquante, oui elle est cassante, oui elle peut même être méchante, mais tout ce que fait Edith, elle le fait dans l’intérêt de leur famille. Les Trelawney doivent voler au dessus des nuages, éviter cette tempête qui peut détruire le précieux héritage. Obsession qui la tenaille, déraisonne dans son esprit. Et d’un fossé, nous sommes aujourd’hui face à un gouffre. Deux rives si éloignées et aucun pont pour les relier. À jamais séparées, à jamais sœurs pourtant.
C’est sans doute pour ça. Oui, que ça lui fait mal, quand Agnes se met à parler, rompt le silence à la fois pesant, mais protecteur de la situation particulièrement burlesque. Car dans la voix de la plus jeune, de la rancune, de la colère aussi ? Ce sont du moins, les impressions de son ainée. Pourquoi ça lui provoque ça à Edith ? Un pincement au fin fond de sa poitrine, palpitant qui cède à un caprice, elle se souvient presque qu’il bat, lui qui fait des siennes depuis que les drames s’enchaînent. Elle connaît la réponse, la vilaine. Quoiqu’elle puisse dire, quoiqu’elle puisse prétendre, même les pires atrocités, accusations éhontées et fausses couchées sur un morceau de parchemin, sous couvert d’avoir cédé à la colère, Agnes est et restera sa petite sœur. Ce lien, indéfectible, invisible, qui même tordu dans tous les sens, persiste.

Et la voici qui se mord la langue, Edith. Elle se retient de répondre, de la vipère à la lionne, ce que tu peux être susceptible ma pauvre, n’en fais pas toute une histoire pitié, par Merlin, tu te crois dans une tragédie grecque ? Pourtant, rien. Aucun son, aucun mot qui se glisse entre les lèvres entrouvertes de la grande sœur. La voici incapable de répondre, soumise au silence, chose bien rare. Car en posant ses pupilles sur Agnes, Edith y voit un visage qu’elle n’a pas vu depuis longtemps, trop longtemps. En entendant la voix d’Agnes, Edith entend mille et un souvenirs dans son esprit. Les repas en famille, avec leur mère, mais aussi Agatha, Edna, leur père. Fut un temps même, ce regretté Sebastian. Elle se prend en plein visage, les coups que la vie a asséné à leur famille. À ce moment, une seule envie, non pas prendre la fuite, mais saisir dans ses bras, sa sœur dans une étreinte sincère. La sincérité pourtant, ce n’est pas son fort. C’est même son point faible. Reste-t-il un peu de nous, quelque part ?
Pitoyable, elle est incapable de bouger. Et le ciel s’anime tandis qu’un rideau de pluie s’abat sur Godric’s Hollow. Rapidement trempées, Edith réagit enfin quand les premières gouttes viennent marteler son visage. Elle cligne des yeux. Elle doit se reprendre. Elle doit garder le contrôle et surtout, la tête haute. Discipline que la sorcière s’inculque à elle-même depuis toujours, en aucun cas, elle ne saurait défaillir, encore moins céder à ses émotions. Les émotions, ça lui ressemble pas, ça ne lui va pas non plus. Et tout doucement, la poupée se met à fonctionner. Mécanique qui reprend vie, la voici qui se relève la tête, le dos droit.
— Ce que tu peux être mélodramatique. C’est plus fort qu’elle. Pardon. Elle parle sans réfléchir. Pourtant, le timbre de voix n’est pas aussi cassant que d’ordinaire. La voici qui baisse les yeux, Edith. Elle se sent idiote, comment expliquer sa présence ici ? Oh, le mensonge lui va si bien, à la vipère. Vieille alliée, tout comme la lâcheté, c’est un joker qu’elle n’hésite pas à sortir de sa poche quand la situation l’exige, pourtant, pas cette fois. Pas avec Agnes, pas avec sa petite sœur. Il y a, quelque chose en elle, une force invisible sans nom, qui l’empêche d’agir ainsi. Visage relevé, les yeux dans les yeux, elle se reprend. — Je venais te donner des nouvelles de Cornelius. Le fauteur de trouble, ce garnement qui est à l’origine de cet odieux mensonge. Un léger sourire sur le coin des lèvres, comme pour dire à Agnes qu’elle est venue en paix, pourtant, ses yeux sont tristes. Heureusement qu’il pleut pour brouiller la vue. J’aimerai te dire plein de choses. — Il se porte mieux et il m’a avoué la vérité. La vérité. Ce mot a un goût terriblement amer dans sa bouche, car Cornelius est un enfant et il a tendance à accuser facilement autrui pour ses méfaits. Ce n’est pas la première fois et forcément, quand il a dit ça à sa mère, elle savait au fond d’elle, que ce n’était pas possible, qu’il mentait, le garnement, pourtant, c’était la solution de facilité. Le prétexte pour exprimer sa colère maquillée en accusations fausses. Le moyen lâche de reprendre contact, de t’écrire. Cependant, elle a été odieuse, vulgaire même et sa sœur ne méritait pas ça. Pourquoi ? Parce que c’était si simple, parce que c’est toi qui a décidé de couper les ponts, de te détourner de moi et que j’en souffre, que j’attends tous les jours que tu frappes à ma porte pour renouer le contact. J’avais besoin d’exprimer cette colère, cette rage permanente que je fais taire, tu comprends ? Dis moi que tu comprends. — Je n’aurai pas dû t’accuser ainsi. Elle concède enfin, baisse à nouveau les yeux. J’ai tord, je sais, mais je recommencerai demain et tous les jours suivants, juste pour te faire comprendre que tu me manques et que j’ai besoin de toi, dans ma vie. — Tu n’es pas une morveuse, ni une emmerdeuse. Cela dit, petite, tu étais infernale et incroyable bruyante. Tu es ma précieuse sœur et pourtant, je gâche toujours tout. — J’ai été excessive. Je tenais à te le dire. C’est comme si elle attendait un remerciement de la part d’Agnes ce qui est ridicule, pourtant, elle crache ses mots au compte goutte, un par un et avec retenue, comme si c’était douloureux. Ce qui l’est, c’est de ne pas dire ce qu’elle pense, c’est de ne pas lui ouvrir son cœur. Cet organe qui pulse à peine, asséché. Ai-je aussi perdu ça ?

Elle se racle la gorge. Et la pluie continue de tomber, serpente sur les traits de son visage.
— Voilà, je pense que c’est tout.

Silence.
J’aimerai que tu me pardonnes.
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(. . .)
mais cette vie,
elle m’aura,
à l’usure.
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Agnes Trelawney
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Agnes Trelawney
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décade : 27 ans
labeur : douceurs sucrées tout juste sorties du four, petits gâteaux vendus à prix d'or pour le compte de celle que l'on surnomme Madame Guillotine
alter ego : Agnes Thompson, discrète professeure de dessin
storytime : ANTONINEMILECELIASEDITHSATURNINE
sang : ichor mêlé, fierté familiale depuis plusieurs générations, choix revendiqué de ne jamais figurer au rang des puissants
don : visions floues d'un futur terrifiant, hantises d'un passé traumatique, médiumnité héréditaire qu'elle ne maîtrise qu'à grand-peine
myocarde : premier et unique amour trop vite perdu, un accident de la route lui a pris son mari pour la laisser seule avec leur petite fille
allegeance : passeuse engagée au sein de la branche sorbier, hébergeuse et faussaire pour le compte des réfugiés de cette nouvelle guerre
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(#) Re: sœurs ennemies. ●
15.08.24 23:16
Fate pulled us apart in the cruellest way. But was it fate, really ? Maybe it was simply the choices we made.
S
OEURS ENNEMIES
Évidemment, c’est Edith. Elles peuvent passer des semaines entières sans se croiser, mais évidemment, lorsqu’elle est la dernière personne au monde qu’Agnes a envie de voir, c’est à cet instant précis que l’aînée choisit de se mettre sur son chemin. Et pas qu’un peu, oh non, elle est en plein milieu du trottoir et ne semble pas vouloir en bouger, et en plus voilà qu’elle écrase sa main sur la vitrine de la pâtisserie. Merveilleux. Maintenant, il va falloir la laver entièrement. Cette tâche est d’ordinaire effectuée en fin de journée, pour éviter que des clients trop exigeants ne s’étonnent que l’endroit souffre des mêmes maux que toutes les boutiques du monde, à savoir un besoin constant d’être récuré. L’idée est d’être discret, et puis efficace aussi, puisque les traces s’accumulent imperceptiblement pendant la journée. Mais non, aujourd’hui, comme par hasard, il faut qu’Edith s’en mêle et rajoute une couche de désordre à la vie de sa cadette.

Pourtant, Agnes n’aime pas l’ordre plus que cela. Ni l’ordre ni les ordres, d’ailleurs, tout ce qui vient d’en haut et que l’on ne peut pas contredire, ça ne lui convient guère. D’ailleurs, elle se contredit elle-même, parce que pour une fois que c’est Edith qui commet une erreur, elle ne se prive pas de le lui faire remarquer. Et elle commence par les politesses, citant de mémoire la Beuglante reçue la veille, et avant qu’Edith n’ait le temps de répondre, elle ajoute déjà que « Pourtant moi, au moins, je sais qu’on ne met pas ses mains sur les vitres des magasins. Faut croire que t’as pas écouté cette leçon-là, comme celle qui dit qu’il ne faut pas insulter sa petite sœur. »

La petite blonde est en colère, peut-être plus qu’elle ne l’a jamais été. Elle fume et fulmine, les poings serrés alors que la pluie commence à tomber. C’est infiniment plus facile d’être en colère que d’admettre tout simplement qu’elle a mal. Que les mots de son aînée ont frappé juste, d’une certaine manière, et qu’elle est blessée. Parce qu’elle le sait, que parfois, elle agit de manière trop impulsive. Qu’Edith est l’aînée, celle qui a le plus d’expérience de vie, celle qui sait tout mieux que tout le monde et qui a raison un peu trop souvent. Elle sait tout ça, Agnes, mais ça n’en rend pas la pilule plus aisée à avaler, parce que parfois l’historienne est aussi méchante sans qu’elle puisse en discerner la raison. Parfois, Edith crache des vérités et parfois elle est à côté de la plaque, mais on a beau le savoir, ses mots n’en résonnent pas moins, ils résonnent et prennent toute la place dans l’esprit déjà tourmenté de sa cadette…

Sale petite emmerdeuse.

Pauvre dinde.

Morveuse.

Cause perdue.

Laquelle de ces injures a causé la plaie la plus profonde ? Peu importe, en réalité. Ce qui compte, c’est le ressenti qui s’en dégage, car Agnes est un être d’émotions avant tout, Edith a raison à ce sujet. Et ce que ressent la benjamine, c’est qu’Edith aurait peut-être préféré ne jamais avoir de troisième sœur. Qu’elle a trop de soucis dans sa petite vie de bourgeoise bien rangée, dans son mariage qui prend l’eau - elle a pourtant un mari qui l’aime, ça en crève les yeux tellement ça se voit, il l’aime et il est vivant, alors de quel droit ose-t-elle se plaindre ? - et dans ses projets d’écriture bien ordonnés. Trop de soucis, et plus de place pour ceux de son autre famille, pour le décès de Papa et la disparition d’Edna. Plus de place pour ce beau-frère qu’elle n’a jamais apprécié, de toute manière, Agnes pouvait le voir dans son regard, ou du moins elle en est persuadée.

Parce qu’Agnes n’est pas moins butée que sa sœur, toutes choses bien considérées. Elles sont tellement semblables que ça aussi, ça crève les yeux, et ça crève surtout le cœur de leurs proches qui ne parviennent plus à les réconcilier. Même Agatha, qui pourrait pourtant postuler en tant que négociatrice de haut niveau, ne trouve plus les mots, et une seule évocation de l’une devant l’autre suffit à déchaîner les passions. Oui, Agnes est butée et Edith est têtue, et lorsqu’elles se fâchent, les cris résonnent sous les poutres apparentes de la demeure ancestrale dans laquelle elles ont grandi.

Mais aujourd’hui, c’est à l’extérieur qu’elles s’affrontent, et la pluie qui éclabousse le monde noie un peu le son de leurs éclats de voix. Pourtant, Agnes entend très distinctement la remarque de son aînée. « Alors ça… C’est l’Hippogriffe qui se fout du Sombral » grogne la petite pâtissière, ses poings tellement serrés qu’elle a l’impression que ses mains pourraient imploser. Mélodramatique ? Elle a beau jeu de lui lancer le mot à la figure, ce n’est pas Agnes qui a envoyé une Beuglante pleine d’accusations infondées, aux dernières nouvelles !

Elle s’arrête là, toutefois. Elle ne veut pas donner raison à Edith, surtout que cette dernière a tort, elle veut être calme et mesurée, pleine de ce dédain qui n’est pas le sien mais celui de l’aînée. Elle l’imite très mal, parce qu’elle n’a pas le cœur à ça, elle voudrait juste dire à sa sœur que…

Je suis désolée.
Désolée qu’on n’arrive plus à se parler.

Désolée que tu me croies capable de blesser tes enfants.
Je suis fâchée, mais avant tout, je suis désolée, Edith.

Je voudrais savoir être là, pour toi, comme pour les autres.
Je voudrais être autre chose qu’une nuisance.

Je voudrais être ta sœur.


« Eh bien… »

Elle accuse le coup, soudain. Parce qu’Edith s’excuse, et même si c’est à demi-mot, même si c’est loin d’être suffisant pour apaiser les tourments, c’est… nouveau. Edith ne s’excuse jamais, elle ne reconnait jamais ses torts. Elle a toujours raison : elle est l’aînée, après tout. C’est ainsi qu’elles ont grandi, du moins.

« Eh bien, Cornelius peut venir me présenter des excuses quand il veut. »

C’est tout ce qu’elle trouve à répondre, alors que son aînée achève de parler, et que l’averse achève de détremper le pavé - et les deux Trelawney. Elle a toujours les poings serrés, mais ça lui fait mal désormais, elle voudrait pouvoir les desserrer, ouvrir les mains et puis les bras, et serrer Edith tout contre elle et lui dire que c’est passé, que ce n’est pas grave, que c’est tout oublié.

Sauf que ses poings demeurent contractés, les ongles plantés dans la paume à s’en faire presque saigner. Non. Ça ne peut pas être aussi facile que ça. Edith n’a pas le droit de se planter devant la vitrine - sa vitrine, que la cadette arrange tous les matins et nettoie tous les soirs de la semaine, dont elle prend soin parce qu’elle y expose ses créations culinaires et que les clients en redemandent, et que ça la rend un peu fière, plus fière qu’elle ne l’a été depuis l’accident… Edith n’a pas le droit de dire que c’est tout, que l’incident est clos et qu’il n’y a rien d’autre à ajouter.

« Oh, tu penses ? » qu’elle lance, la cadette, et même si l’orage n’était pas déjà dans l’air, il se dépêcherait d’arriver. La pluie tombe toujours, les mèches blondes d’Agnes échappent à son chignon trop hâtif et viennent se coller à sa nuque, à son front, ça lui goutte dans le dos mais elle s’en fiche. Il y a comme un feu qui brûle en elle, un incendie qu’aucune averse ne saurait éteindre. « Tu penses que c’est tout, hein ? Laisse-moi te dire ce que je pense, moi » qu’elle feule, presque comme un véritable chat. « Je pense que ton fils est terriblement mal élevé, que c’est un sale petit menteur et que toi, tu l’as cru. Non, tu n’aurais pas dû m’accuser, mais tu n’aurais même pas dû croire que je puisse faire une chose pareille ! Edith, enfin ! Comment as-tu pu croire que je ferais quoi que ce soit qui puisse blesser ton enfant ? » Sa voix s’élève, tranche dans l’air humide, claque comme un fouet. Il y a dans le tremblement de ses cordes vocales toute cette douleur qu’elle ne parvient pas à mettre en mots, cette blessure ancienne de la petite sœur qui fait toujours trop de bruit, qui est juste de trop, et qui voudrait juste qu’on l’écoute au lieu de la rabrouer.

« J’ai pas fini » reprend-elle, mais cette fois elle ne crie plus. Au contraire, sa voix se fait basse, gronde comme le tonnerre. Féline, elle devient lionne. « Peut-être que j’étais tout ça… Mais j’étais petite, Edith. J’étais une enfant. J’ai grandi, depuis. Je pensais que toi aussi, mais apparemment, ce n’est pas le cas. Tu es toujours aussi maniaque, aussi insupportable, aussi détestable. »

Non, ce n’est pas vrai.
Je ne te déteste pas.

Je t’aime.
Mais je ne sais plus comment te le dire.

Je crois que je n’ai jamais su.


Agnes a été trop loin, elle le sait. Elle a fait exactement ce que l’on attend d’elle. Elle a foncé dans le tas, rendu coup pour coup, parce qu’elle ne sait plus comment s’exprimer autrement. Parce qu’elle ne sait pas comment dire qu’elle a juste mal, quelque part à l’intérieur d’elle, là où elle garde une place pour sa sœur - dans son cœur.

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pronoms : féminins.
décade : trente six plaies.
labeur : historienne et autrice, fascinée par les grands évènements du monde magique, conservatrice de cet héritage d’autrefois.
alter ego : une certaine nancy bates.
storytime : en cours ;;
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sang : mélange des âges qui ont donné le précieux don, mêlé ou maudit, la frontière semble si mince.
don : sa langue accérée, venin qu’elle crache par excès de jalousie et d’impuissance, elle dénuée du précieux don.
myocarde : mariée, mère de famille, mais union décousue, mariage piétiné et promesses disparues depuis bien longtemps, pourtant un refus profond de la rupture, les apparences sont bien trop précieuses pour les gâcher.
allegeance : de plus en plus dubitative vis à vis du ministère, favorable aux mangemorts sans être partisane, mais les liens du sang avant tout, protéger la famille en premier.
particularité physique : elle porte toujours son alliance, contrairement à son époux.
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(#) Re: sœurs ennemies. ●
16.08.24 19:49
pour votre information, sachez qu’il est rare que ma sœur et moi collaborions, aussi rare que d’apercevoir une licorne en fait.
S

ŒURS
ENNEMIES


TW : Mention de suicide, psyché perturbée, crise de panique, mention brève de suicide, violence physique et verbale.

Les excuses, ça n’a jamais été l’un des points forts d’Edith, pourtant, elle essaie. Elle a essayé. Combien de fois s’est-elle imaginée, devant son miroir entrain de présenter ses excuses à plusieurs personnes. À Edna, pour l’avoir perdu, à Agnes, pour l’avoir blessé, à Irvin, pour l’avoir rejeté, à son père, pour le décevoir aujourd’hui encore, à Agatha, pour l’avoir critiqué de trop nombreuses fois, même à Saturnine, pour l’avoir mal considéré, cette cousine un peu fantasque, mais du même sang. Devant le miroir, c’est difficile, mais elle parvient, Edith, à bafouiller quelques paroles, mais devant les concernés, elle se tait, mutisme s’impose et si le cœur se doit d’accélérer, ce traitre, fourbe d’organe, s’efforce de ralentir pour ne plus battre, pour être aussi lent que les gestes saccadés de la sorcière. Je suis désolée, si vous saviez.
La vitrine. Qu’est-ce que la vitrine vient faire là ? Froncement de sourcils. Edith retire ses mains. Elle n’a pas fait exprès et on s’en moque, de la vitrine non ? Même de la pluie qui frappe à nouveau, crachin en provenance de la Manche qui semble venir s’abattre plus loin dans les terres. La vitrine n’a aucune importance. Edith s’en moque et elle pense que sa petite sœur devrait s’en moquer aussi, mais non. Doit-elle dire qu’elle est désolée pour ça, aussi ? Edith n’est pas certaine d’y parvenir, car tout autour d’elle, le monde se fige. Tout semble au ralenti et la blonde ne fait plus attention à rien. Ni à ce passant qui les frôle, manque de les bousculer avec son parapluie, ni au chat dans la rue voisine qui court pour se réfugier sous des buissons, à rien. Tout son esprit est focalisé sur une seule et même personne, Agnes. Une question taraude l’esprit de l’aînée. Comment avons-nous pu en arriver là ? Ce n’est pas le temps qui manque, le temps est dépassé. Ce qui manque, c’est l’amour. Et tout ça, à cause d’Edith, tout ça, à cause de ses défauts qu’elle a embrassé, qu’elle enlace aujourd’hui. Ennemies devenues amies, elles lui murmurent, les malignes, qu’elle doit continuer, que c’est si facile d’être la méchante de l’histoire, que les bons sentiments, c’est pour les autres. Il faut une poigne de fer, il faut de la férocité, de la hargne, voir de la méchanceté pour diriger une famille. La gentillesse, c’est pour les autres, mais pas pour toi. Et pourtant, Edith crève d’envie de les laisser prendre le dessus, ses sentiments. Elle en crève, elle s’en étouffe presque.

J’ai besoin de prendre l’air.

Et rien, aucune pulsation, aucune trahison de son corps. Ses yeux de glace fixent ceux de feu de sa petite sœur. À quel moment peut-on quitter le navire ? Avant qu’il ne chavire, avant le naufrage, maintenant ? Se dérober serait une solution, mais Edith n’y parvient pas. Ses pieds refusent d’obéir et sa raison s’est abandonnée dans les limbes. Dépossédée, esprit absent, elle entend chaque mot qui tombe. Des couteaux que l’on plante un par un dans sa chaire. Ça suinte, ça dégouline un peu plus et ça la prend aux tripes. Cornelius peut présenter ses excuses quand il veut. Ce n’est pas à lui de s’excuser, c’est à sa mère. Elle le sait, elle ouvre enfin la bouche, mécanique du corps difficile pour le faire, mais Agnes n’a pas terminé. Non, ce n’est que le prélude, joué à quatre mains qui va se transformer très rapidement en un requiem. La fin de nous, la fin de ce lien, aussi fin soit-il, il cède. Des catacombes, voilà tout ce qu’il reste de nous, des Trelawney, voilà de quoi nous sommes faits.
— Je…
Tu quoi ? Tu quoi ? Vas-y, dis le bordel, dis le ! Mais non, rien. Comment faire pour calmer un fauve ? Apprivoiser une lionne, c’est impossible. Edith le sait, le prend en pleine face, le réalise et l’admet à son autre elle. Elle n’a jamais su lui parler, à Agnes, trouver les bons mots. Quand papa est mort, elle est restée muette face à sa peine. Quand Edna a disparu, elle lui a tourné le dos et quand Sebastian est mort, surtout quand Sebastian est mort, elle lui a enfoncé la tête sous l’eau. Ce n’est pas le rôle d’une grande sœur, ce n’est pas ce qu’elle aurait dû faire et des regrets, elle en a à foison, l’aînée. C’est son fardeau, sa voûte céleste qu’elle porte sur ses épaules. Agnes lui renvoie, tel un miroir, ses échecs, ses fautes, ses hontes. Et ses mains tremblent légèrement. Son corps frisonne. Ce n’est pas à cause de la pluie, qui malgré tout, fouette presque le visage des deux sœurs. C’est le frisson de la peine mélangé à la honte, à la culpabilité et à la tristesse. Les excuses sont bien dérisoires. Elles sont futiles, pathétiques, risibles.

J’ai besoin de respirer.
Inspire, expire, Edith.


C’est donc à ça, que ressemble le fond du gouffre, le fond des enfers. Amie de ses propres pulsions, Edith glisse une main sur sa tête, fronce les sourcils, détourne enfin brièvement les yeux de ceux de sa sœur. Son fils, mal élevé ? Non, évidemment que non. Mais si, peut-être, mais ce n’est pas ce qui compte, non ? Ce qui compte, c’est elles, c’est ce lien qui se fissure, cette fêlure qui ne cesse de croître. La maison va s’effondrer, tout va s’écrouler. Alors s’il te plaît Agnes, arrête ! Mais Agnes n’en fait qu’à sa tête et Edith comprend que la benjamine ira au bout, exprimant sa douleur, elle ne s’arrêtera pas. Elle le voit, Edith, quand à nouveau, elle pose ses yeux sur ceux de sa sœur. Ils brûlent d’une flamme qui ne cesse de croître. Et entre toi et moi, une déchirure, une plaie qui ne guérira jamais complètement. Feu et glace, le tout dans nos yeux et entre nous, un gouffre, le chaos. — Non, ce n’est pas… Qu’elle marmonne, articule avec difficulté, mais non. Elle ne se tait pas, Agnes. Elle n’est pas de ce genre là, la lionne. Elle ne courbe pas l’échine face à la vipère. S’il te plaît, mais rien n’y fait. Agnes signe sa tirade par le mot de trop. Le mot qui fait mal. Et quelque chose à l’intérieur de sa grande sœur se casse. Non, se brise.
Sans un bruit et pourtant, en mille morceaux. Qu’est-ce donc ? Oh, c’est donc cela que ça fait ? Pas de son, mais une sensation étrange de vide, une douleur qui coupe le souffle, un cœur brisé en deux.

Je n’arrive plus à respirer. Crise de panique, main sur la gorge. Ce face à face me tue à petit feu.
Et les gouttes perlent sur le visage, sur les joues, serpentent sur les traits tirés. Les mèches blondes collent à la peau, des cheveux détachés, fouetté par le vent. Même cet élément semble prendre le parti d’Agnes et souffle sur la sorcière, toute l’intensité de sa colère, de sa haine.

Un flash, un souvenir dans l’esprit.
Sa mère l’invitant à tirer trois cartes. La première, le dix de coupe inversé. Maman qui fronce les sourcils, des problèmes de famille, des valeurs qui ne sont plus en accord. La seconde, une arcane majeur, la maison de dieu, un changement important ma fille, soudain, quelque chose d’inattendu et la dernière ? La pire. Le trois d’épée et sa mère qui ne dit rien, range rapidement le jeu de cartes. On reprendra une autre fois Edith. Mais jamais d’autre fois, il y a eu. Comme si le destin avait déjà décidé du sort de la lignée.

Et pourtant, elles se ressemblent, bien plus qu’elles ne veulent l’admettre. Cette même hargne, cette même rage au ventre, cette même peur et ce même refus de perdre encore un être que l’on aime. Des ressemblances qui forgent des dissemblances. Un miroir fêlé. Et le reflet qu’Edith peut y voir, elle le déteste, elle le haït de tout son cœur fendu en deux, tranché par un glaive prénommé Agnes. Oui, c’est le mot juste, elle a raison, sa petite sœur. Détestable. C’est ça, mais elle ne déteste pas les autres Edith, elle se déteste juste elle. Son propre reflet. Le monde, sa famille, ses enfants, son époux, elle les aime tous, même les âmes perdues, même Sebastian.
Tu sais Agnes, il était doux, il était joyeux, il était l’homme de ta vie et pour t’avoir rendu heureuse, je ne le remercierai jamais assez. Et c’est certain, la douleur ne s’efface pas, jamais, on apprend simplement à vivre avec et à pleurer encore, de temps en temps.
Mais elle ne dit rien, Edith, elle frisonne un peu plus et ses mains tremblent aussi, un peu plus. Elle sent qu’elle va craquer, qu’elle va perdre le contrôle. De l’amour à la haine, ne dit-on pas qu’il n’y a qu’un pas ? Ou simplement, un cœur qui aime, un cœur qui saigne, une profonde hémorragie interne que rien ne peut endiguer. Dis Agnes, comment on soigne, ce genre de blessure invisible, si profonde, si douloureuse ? Existe-t-il seulement un remède ? Certainement pas, car les Trelawney sont maudits. Edith en est persuadée maintenant, il ne peut en être autrement et elle a envie de hurler, de crier sa rage, sa colère, son dégoût du monde et surtout, d’elle-même, mais toujours muette, elle sent qu’elle mue, la vipère. Tout doucement, la machine s’accélère, le mécanisme perd pied et elle tremble, elle bouillonne. La glace fond face au feu, mais elle peut faire si mal. Elle ne sait répondre que comme ça, la grande sœur, par la douleur. Parce que la douleur exprime tous les mots qui restent coincés au fond de la gorge. La douleur comme réponse, n’est-ce pas ironique ? Elles ont suffisamment soufferts, l’une comme l’autre. Car il y a cette voix, dans les tréfonds de l’esprit torturé d’Edith qui lui dit de ne pas faire ça.

Non.
Ne le fais pas.
Arrête, idiote ! Prends là dans tes bras, dis lui que tu l’aimes, que tu es désolée de tout, que tu veux qu’elle revienne dans ta vie, qu’elle est essentielle à ta vie.


Cette voix, qui prend à chaque phrase, le timbre d’une autre personne. Au début, Irvin, puis maman et ensuite papa, pour finir par Edna. Mais elle avait quelle voix déjà, Edna ? Edith ne sait pas, Edith ne sait plus. Elle est détestable, après tout, non ? Elle n’est pas faite pour être aimée, elle a été conçue pour être méprisée, némésis de ses sœurs et surtout, d’elle-même. Tellement hideuse de l’intérieur qu’elle ne peut plus donner la vie, qu’elle ne sait que faire souffrir.

Clac.

Le geste est rapide.
Et il sonne le glas dans la ruelle. Le monde cesse définitivement de s’animer, de se mouvoir quand Edith écrase sa main sur la joue de sa petite sœur. Une gifle qui claque sur la peau humide d’Agnes avec férocité. C’est la fin, c’est le dernier acte de ce lien qui enfin, cède. Le rideau tombe et le spectacle n’est pas beau. Il est si facile d’être détestable, de donner raison à la plus jeune et d’être la méchante, de conserver ce rôle. La facilité a toujours été la solution d’Edith, une forme de lâcheté. Mais elle regrette déjà, en son for intérieur, elle hurle, elle n’admet pas ce qu’elle vient de faire car jamais, au grand jamais, elle n’a levé la main sur quiconque. Ni sur ses enfants, ni sur ses sœurs. Elle a toujours voulu être le bouclier inflexible qui se dresse devant ceux qui osent  s’en prendre à la famille. Mais au fond, n’est-ce pas elle, le fléau de cette si précieuse famille ?
Le visage d’Edith est méconnaissable. Elle respire et inspire bruyamment. La colère la rend presque difforme. — Tais-toi… Qu’elle souffle enfin, suffisamment fort pour que ça soit audible, peut-être même trop ?
La chienne est lâchée, la muselière est retirée et il faut un instant pour que la vie semble reprendre ses droits, pour que le paysage se forme autour des frangines, lui, devenu flou puis tout noir, l’espace d’un instant. Et cette fois, le cœur, ce perfide, bat la chamade, menace d’éclater. Il bat oui, mais si mal, si douloureusement. Chaque battement fait atrocement mal.

Dites-moi, mes sœurs, est-ce que vous m’aimez encore ?
Dis-moi maman, si je tire à nouveau une carte, est-ce que ça sera le diable ? Est-ce qu’il me tentera, ce démon ?


— Tu ne sais rien. Elle baisse sa main, elle tremble toujours, encore plus et Edith la ferme, en fait un poing. Si fort, si intense que ses phalanges blanchissent, que les os se voient, instabilité des sens se répercutent sur le corps. Tout menace d’exploser, bombe humaine. Edith est vide. Edith est pleine. Edith n’est que colère. Edith ne sait pas aimer. Edith veut aimer. Edith sature. Point de non retour atteint. Feinter les sentiments, les refouler et céder à ses peurs, à ses sombres pensées. Renoncer et se détester un peu plus oui, être détestable, à souhait. Se sentir seule, le rester et détruire tout, saccager, piétiner, frapper. Le pire est toujours possible. Et tous les signaux de détresse passent au rouge. — Je t’interdis de me parler sur ce ton. Et si tu me trouves si maniaque, si insupportable, si détestable, je m’en moque. C’est faux, si faux. Tu comptes tellement Agnes, tu es l’équilibre dans la balance qui penche, qui plonge dans le chaos. — Tu as toujours été une petite chouineuse qui braillait sans arrêt, qui avait besoin d’attention, tu as toujours été nuisible. Ne me crois pas, c’est faux et j’ai besoin de toi, j’ai besoin de ta main pour saisir la mienne, me sortir de l’eau, me sortir de cette noyade volontaire, de ce suicide, de ce fratricide.

— Tu n’existes plus à mes yeux. C’est fini.

Que restera-t-il de nous ?
Une dernière carte à tirer, le dix d’épée pour ce face à face.
Et des larmes, un peu. Des coups de gueule, beaucoup. De la colère, passionnément. De l’amour, à la folie. De la haine, pas du tout.

Et de trop nombreux silences.

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(. . .)
mais cette vie,
elle m’aura,
à l’usure.
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