temporalité du rp : fin juin 1955
personnages concernés : Diana Brown & Isadora Ollivander
trigger warnings : deuil, traumatisme
intervention autorisée du mj : [ ] oui [x] non
autre(s) : /

IN FOR THE KILL - 2021-2022

La route principale semblait scintiller sous l’effet de la chaleur. L’air de ce mois de juin 1955 vibrait, chargé de mille parfums qui trahissaient l’arrivée de l’été. Plus personne ne prenait la peine de porter une veste, et certains garçons prenaient même le risque d’un coup de soleil, courant sans chemise après un ballon rond. Elle dépassa la prairie où s’ébattaient les adolescents et entra sans presser le pas dans le quartier dense qui formait le centre du village moldu de Godric’s Hollow. Pour qui la regardait de loin, la démarche d’Isadora Ollivander - que l’on connaissait ici comme Ivy Standish, demoiselle un peu fantasque qui tenait la chronique astrologique du papier local - était d’une élégance rare, que soulignait encore la longueur de ses jambes. Pour la principale intéressée, il s’agissait avant tout d’une cadence exacte, mesurée par un métronome qu’elle seule pouvait écouter. Un pas après l’autre, un autre encore, et puis recommencer.

Les recommandations du médicomage étaient très claires : au moins une sortie par jour, qui devait durer au moins une heure. Et non, vous rendre au travail ne compte pas comme “une sortie”. Aussi la blonde avait-elle pris l’habitude de tracer une boucle qui la menait des locaux du Chicaneur à la bordure de la bourgade, suivant les anciennes fortifications médiévales avant de passer par les quartiers moldus pour rentrer chez elle. Point bonus si vous rendez visite à des amies… Votre vie sociale compte tout autant - et si vous me dites que vos collègues vous suffisent, je vous fais avaler mon stock de Veritaserum : la voix gentiment moqueuse d’Oliver Umbridge résonnait encore à ses oreilles lorsqu’elle dépassa l’école locale. Une école où officiait celle qui avait bien failli devenir davantage qu’une amie - une membre de sa propre famille. Cela devrait compter, non ?

Demi-tour effectué avec une lenteur étudiée - prenez le temps de respirer, soyez en contact avec le monde qui vous entoure : la litanie des conseils s’allongeait à chaque visite, comme autant de mantras qu’il fallait retenir. Par chance, Isadora était du genre studieux. De son allure de héron, accentuée encore par sa tenue - un pantalon sombre à la coupe serrée et une chemise immaculée, garde-robe encore un peu trop ministérielle pour son nouvel emploi - la blonde traversa la rue pour rejoindre la petite foule qui se pressait devant les grilles de l’établissement. Une cloche tinta au loin, presque noyée dans le brouhaha des conversations qui l’entouraient, puis le vacarme soudain éclata. Des dizaines d’enfants quittaient leurs classes, l’un courant pour rejoindre plus vite les bras d’une mère impatiente, une autre riant à la dernière blague d’un condisciple, un groupe de fillettes flânant sous le grand platane aux racines sinueuses qui ombrageait l’endroit.

Elle ne ferait jamais partie de ces mamans épuisées mais ravies, qui repartaient main dans la main avec leur progéniture vers un domicile tranquille et heureux. Elle ne connaîtrait jamais la sensation de plénitude que semblaient silencieusement partager toutes ces femmes qui venaient ici faire acte de communauté - ne tiendrait jamais son enfant dans ses bras pour lui épargner les derniers pas jusqu’au refuge de leur maison. Pas de mantra, pour cette sensation-là. Seul le regard désolé et compatissant du Dr Umbridge lui revenait en mémoire - un regard qu’elle avait haï pendant des semaines, alors même qu’elle tentait de comprendre cette absence nouvelle, celle de l’être jamais né qui aurait pu, qui aurait dû, devenir sa petite fille. Un regard qu’elle gardait en mémoire pour se rappeler de ne jamais révéler son plus sombre secret. Personne ne pouvait comprendre, s’était-elle persuadée. Mais, pire que l’incompréhension, c’était la pitié du docteur qu’elle avait refusée. Elle voulait guérir, pas seulement physiquement mais aussi mentalement - moralement. Et elle refusait qu’on la voie désormais en victime.

Aussi finit-elle par détourner son regard embué des petits groupes qui déjà s’éloignaient, passant une main aux doigts effilés devant ses yeux avant de se diriger vers l’arbre sous lequel demeurait une silhouette solitaire.

« Hello Di ! Comment vas-tu ? Attends, laisse-moi t’aider avec ça » proposa-t-elle en tendant les bras vers l’impressionnant bouquet de fleurs qui ornait le bras de l’institutrice. « Un cadeau de fin d’année ? » demanda la blonde, non sans avoir salué celle qui avait failli devenir sa cousine d’une double bise à l’italienne - une habitude familiale, qui pouvait surprendre plus d’un Britannique pure souche.

« Tu as un vase chez toi, j’espère ! Sinon, tu sais que je pourrais… enfin, je serais enchantée de t’aider à préserver ces… mimosas ? » tenta la sorcière. Si elle savait reconnaître une constellation au premier coup d'œil, les fleurs demeuraient autrement plus résistantes à son analyse - mais elle connaissait le sortilège parfait pour qu’elles conservent leurs couleurs pendant des mois.

« Tu me permets de te raccompagner ? » demanda-t-elle pour la forme, ses gambettes calquant déjà le rythme de l’institutrice qui se dirigeait vers l’arche de pierre marquant l’enceinte de l’établissement.

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«  C’est pour vous m’dame ! »

La fillette dépose fièrement une feuille de papier sur son bureau, provoquant un sourire immédiat de Diana. En ce dernier jour de l’année, l’institutrice a autorisé ses élèves à laisser libre court à leur imagination en les laissant dessiner toute la journée, le programme étant déjà terminé de toutes les manières. Les enfants l’ont grandement remerciée en la gratifiant d’un ou plusieurs dessins de leur part.

« Comme c’est beau !
- Oui ! Là c’est vous et là un escargot ! »

Elle ne cherche pas à obtenir plus d’explication sur la logique enfantine de son élève et la remercie en la prenant dans ses bras, retenant une expression amusée en découvrant la manière dont elle a été dessinée, elle doit bien avoir au moins huit doigts à chaque mains et une chevelure rivalisant avec les perruques poudrées de la mode française du XVIIIème siècle.

La salle de classe se vide petit à petit tandis que les élèves se précipitent vers la sortie, heureux quant à la perspective des grandes vacances qui s’annoncent. Pour certains, les deux mois qui suivront seront synonyme de travail agricole ou artisanal, c’est une réalité à laquelle ils ne peuvent échapper, mais pour la plupart, des rêves de cabanes et de baignades dans la rivière, de balades à bicyclettes fourmillent déjà dans leurs têtes. L’été s’annonce beau et même chaud, fait rare dans cette partie de l’Angleterre et les enfants s’en réjouissent déjà. Et elle aussi.

Car en ces temps difficiles, Diana ne laisse échapper aucune occasion de bonheur ou de sourire, que ce soit un simple rayon de soleil entre les branches de l’arbre qui orne son jardin, le rire des enfants qui jouent au ballon dans la rue ou les gazouillis des oiseaux, la jeune femme est bien décidé à célébrer chaque instant de douceur dans le village.

Après avoir soigneusement rangé le dessin dans sa sacoche, Diana quitte à son tour la salle de classe, non sans lui jeter un dernier regard. La tableau noir, les pupitres, le placard au fond de la pièce, la carte de géographie… tous ces petits éléments vont lui manquer. Ses yeux s’humidifient tandis qu’elle sort de l’établissement. Elle ne s’y attardera pas plus, la plupart de ses collègues doivent êtres déjà partis et une petite réunion pour célébrer la fin de l’année scolaire à déjà eu lieu entre eux, ils se recroiseront bien de toutes la manières, aucun n’a prévu d’entamer un tour du monde.

Une fois la cour atteinte, Diana a la surprise de découvrir un petit groupe de mères qui semblaient l’attendre, un énorme bouquet de fleurs dans les mains qu’elles lui tendent aussitôt. Une larme coule sur sa joue tandis que les femmes lui expliquent qu’elles souhaitaient la remercier pour la gentillesse et la patience dont elle avait fait preuve avec leurs enfants. La cadeau l’émeut : il est une preuve pour elle, du résultat de tous ces efforts et de sa conviction que les méthodes dures et austères que prônent la plupart des instituteurs du pays sont bien obsolètes.

Les mères s’éloignent avec leurs enfants. Elle s’attarde encore un peu. L’école n’est certes pas très grande, ni même très moderne, elle peu même être qualifiée de vétuste quand le froid ou la pluie viennent s’infiltrer mais l’établissement est comme une seconde maison qu’elle ne se voit pas quitter sans un dernier regard, même pour une courte période de deux mois.

Une autre surprise l’attends : Isadora, dont elle reconnaît aussitôt la silhouette, se dirige vers elle. Elle ne l’a pas vu depuis un moment, la faute à des vies et des mondes différents, qui ne se rejoignaient que trop rarement à son goût, elle n’allait donc pas laisser échapper une occasion de passer du temps avec elle.

« Izzie ! Quelle surprise ! Je ne suis pas mécontente d’être enfin en vacances même si tout ça va me manquer et toi, comment vas-tu depuis la dernière fois ? »

Elle connaît celle qui a failli devenir sa cousine depuis des années, mais elle a toujours du mal à s’habituer à cette manière si peu britannique de la saluer, la bise, mais elle la lui rends bien volontiers.

« Ça ne serait pas de refus, j’ai été bien plus gâtée aujourd’hui qu’à Noël ! »

Elle ne cherche pas à faire preuve de modestie ou de vantardise, c’est un fait, jamais elle n’a reçu autant de petites attentions qu’aujourd’hui.

Le sous-entendu n’échappe pas à Diana. La magie aurait pu faire partie intégrale de sa vie, peu-être même de ses enfants. La guerre en a décidé autrement il y a des années et aujourd’hui encore, les conflits qui menacent d’exploser de nouveau font planer leur menace, la mention de cette particularité n’est pas la bienvenue, devenue synonyme de danger.

« Je dois bien en avoir un chez moi, sinon j’irais demander à ma mère… tu pourrais faire ça ? Je n’ai pas la main verte malheureusement, je crains que le bouquet ne dure pas plus de deux semaines. »

Le jardin de son petit cottage n’est pas aussi joli que certains qui resplendissent de couleurs dès l’arrivée du printemps. Le sien se contente de fleurs sauvages et d’un entretient qui lui évite de ressembler à celui de la Belle au bois dormant envahit de ronces.

« Bien entendu ! Tu as le temps pour une tasse de thé j’imagine ? J’ai quelques scones qui n’attendent que d’êtres mangés et il fait même assez beau pour s’installer dehors, qu’est-ce que tu en dis ? »

Voilà une occasion de pouvoir bavarder entre femmes : de toutes les institutrices, Diana est la plus jeune, les conversations sont donc assez limités entre elles, se bornant à des banalités sans nom, quant à ses homologues masculins, elles le sont encore plus, seul Mr Fitzpatrick fait office d’exception et là encore, Diana n’a pas encore pu totalement faire tomber toutes les barrières qui entourent son collègue grincheux, elle est donc ravie de la perspective de sociabilisation et de sororité de cette fin de journée d’été.  

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Isadora avait toujours énormément apprécié la compagnie de Diana. Bien sûr, elle était encore un peu trop jeune pour en être réellement proche, lorsque cette dernière avait commencé à fréquenter son cousin Matthew ; elle était à peine adolescente lorsque la guerre les avait définitivement séparés, et sa propre vie bouillonnait à l’époque de trop de projets pour qu’elle soit davantage qu’une présence distante dans la vie de la jeune institutrice. Néanmoins, les années écoulées qui auraient dû les éloigner n’avaient pas accompli leur office, ce qui devait autant à la nature contrariante des Ollivander, qui n’aimaient rien tant que se jouer des avenirs écrits trop clairement, qu’à celle de la Moldue. Diana Brown était demeurée proche des sorciers, et Isadora était persuadée que l’ascendance de sa presque cousine avait joué un rôle dans la construction du mouvement des Passeurs, qu’elles avaient toutes deux rejoint sans hésiter.

Puisqu’il s’agissait d’une mouvance militant pour l’union pacifique entre moldus et sorciers, il semblait logique que les Passeurs accueillent des non-mages en leur sein. La décision avait pourtant fait l’objet de sérieuses discussions, lors desquelles Elena avait insisté - et obtenu - que le Secret Magique ne soit pas de mise entre les membres de l’organisation. Esteban souhaitait au contraire protéger les Moldus - le terme semblait désormais cruellement ironique, Isadora ayant expérimenté dans sa propre chair certaines des ‘protections’ que les Moldus s’étaient construits tout seuls. Celle qu’elle avait croisée, bien qu’elle ne soit pas forcément un spécimen représentatif, semblait parfaitement capable de se protéger, bien plus qu’Izzie ne l’avait été - mais peu importait, à présent : Elena l’avait emporté sur ce point, et Diana avait assisté à chacune des réunions du mouvement depuis sa fondation.

Une telle implication avait achevé de la rapprocher d’Isadora, alors même que leurs caractères conspiraient à les opposer. Diana était la douceur incarnée, l’institutrice du village que tous adoraient, dotée de ces trop rares qualités que sont la gentillesse et la générosité désintéressée ; Isadora était une ambitieuse, qui gravissait lentement mais sûrement les échelons de la politique ministérielle, et elle semblait parfois trop détachée de la réalité matérielle pour son propre bien. Si Diana avait été à Poudlard, ne pouvait s’empêcher de penser Izzie, elle aurait sans nul doute été répartie à Poufsouffle : loyale et travailleuse, elle n’en était pas moins d’une sincérité à toute épreuve, et ne tolérait ni l’injustice ni le manque de respect. Elle ferait une mère parfaite, songea soudain la blonde, alors que leurs salutations s’entrecroisaient. Et elle le pourrait sans doute, un jour prochain - l’amertume que provoqua cette réflexion ne lui échappa pas, lacérant ses entrailles à jamais infertiles d’une vilaine griffure en forme de jalousie.

« Tu y reviendras bien vite » répondit-elle, embrassant d’un geste du bras la cour qui se vide et les bâtiments de l’école locale, déjà pris dans leur sommeil d’été. « Je… vais bien. » Le mensonge était trop gros pour passer inaperçu, surtout aux oreilles de Miss Brown. L’institutrice en avait sans doute entendu d’autres, et Isadora ne voulait pas jouer à l’enfant qui prétend que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Aussi adoucit-elle sa voix pour se reprendre. « Enfin non, pas… bien. Mais je vais mieux ! Et tu me connais : J'ai pour philosophie que s'inquiéter, c'est souffrir deux fois, donc pas besoin de t’inquiéter pour moi » glissa-t-elle, s’emparant du bouquet qui encombre son amie. La remarque de cette dernière la poussait à se questionner : se pouvait-il que l’éternelle souriante soit elle aussi occupée à dissimuler une tristesse insoupçonnée ? À moins que la blonde ne projette trop ses propres tracas sur le monde extérieur, ternissant les plaisirs simples d’une journée ensoleillée… Et ne venait-elle pas de professer l’insouciance ? Il fallait qu’elle secoue ses idées noires, et la compagnie de Diana était idéale pour cela.
Impossible en effet de rester longtemps aux prises avec un mouvement d’humeur, en présence d’un tel rayon de soleil. Cela vous mettait en confiance, vous permettait de marcher droit en libérant les épaules d’un poids dont on avait oublié jusqu’à l’existence.

« Bien sûr que je peux ! » Les sortilèges et enchantements ne lui avaient jamais résisté, qu’ils soient destinés à prendre soin de la domesticité ou plus complexes. Isadora avait également rapidement maîtrisé l’art de la métamorphose, qui l’avait tant passionnée qu’elle en avait poursuivi l’étude bien après avoir reçu son diplôme de Poudlard. « Tu n’auras qu’à dire que ton secret, c’est que tu parles aux fleurs avec amour, il paraît qu’elles adorent cela » plaisanta Izzie. Elle se coula dans la rue à la suite de son amie, acceptant avec un plaisir évident la proposition d’une tasse de thé. Si elle saluait à l’italienne, elle était aussi britannique que son autre mère, Mary Everdeen - ce qui signifiait qu’elle pouvait parfaitement savourer un thé chaud par vingt-cinq degrés ou davantage. Surtout si ladite boisson était accompagnée des scones de Diana, qui parvenait à les cuire juste assez pour qu’ils dorent, et juste assez peu pour qu’ils ne finissent jamais secs - un exploit qui échappait encore et toujours à la blonde, malgré des efforts maintes fois répétés.

« Du thé, des scones, du soleil et ta compagnie ? Je dirais que c’est la recette du bonheur ! Alors, raconte-moi, Diana… » poursuivit-elle, alors qu’elles progressaient dans la rue écrasée de lumière dorée, « comment s’est passée cette année ? »

Elle ne précisa pas la direction exacte de cette vague question, laissant l’institutrice décider du ton de la conversation. Si Diana souhaitait parler de ses élèves et de leurs exploits, elle l’écouterait avec autant d’attention que si elle choisissait d’aborder des sujets davantage politiques - à la réflexion, elle n’avait que peu envie de parler politique. Elle devait bien admettre qu’il était bon de pouvoir parfois en revenir aux plaisirs simples d’une vie vécue avec sincérité.

« As-tu déjà décidé où tu partirais cet été ? Il paraît que Brighton est particulièrement animé en saison, mais si tu préfères un endroit plus tranquille pour passer quelques jours au calme, je serais ravie de t’accompagner » offrit-elle, espérant que l’institutrice choisisse la seconde option. Elles pourraient passer une semaine en Ecosse, ou peut-être même sur la Côte d’Azur… si Diana acceptait de voyager par Portoloin - Izzie avait parcouru des continents entiers avec son cousin Nicholas, mais elle souffrait d’un terrible mal de mer qu’aucun sortilège ne parvenait à vaincre.

« Oh Di ! » s’exclama-t-elle, lorsqu’elles parvinrent devant le petit cottage où résidait son amie, non loin de l’école qu’elles venaient de quitter. « Tu sais ce qui manque à ce jardin ? Un charmant petit gnome ! »

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