temporalité du rp : octobre 1926
personnages concernés : Orion Flamel & Helen Umbridge
trigger warnings : aucun (à ce stade)
intervention autorisée du mj : [X] oui [] non
autre(s) : /

IN FOR THE KILL - 2021-2022

Elle avait oublié les couleurs que prenait l’Écosse en automne. À peine huit ans s’étaient écoulés depuis l’obtention de ses ASPICS et son départ du château, mais Helen Webster s’étonnait chaque jour un peu plus de la beauté des lieux qui l’avaient vu grandir. Elle prit son temps pour traverser le cloître central, regrettant que son emploi du temps ne lui permette pas de s’échapper un instant pour contempler de plus près la progression des tons rouges et mordorés sur celle du vert estival, qui perdait progressivement du terrain. Il faisait encore doux, pour un début de mois d’octobre, et elle aurait tout à fait pu se promener une heure ou deux, approcher les premiers bosquets de la Forêt Interdite en humant le doux parfum de la terre encore chaude… Si seulement ses bras n’étaient pas encombrés d’une pile de copies à corriger.

Son premier devoir ! La fierté qu’elle ressentait depuis sa nomination au poste de professeure le disputait à l’angoisse de devoir évaluer pour la première fois une quarantaine d’élèves de deuxième année. Elle avait choisi un sujet simple, à savoir les sorts défensifs simples et leurs limites lors d’un duel. Si les résultats étaient bons, ce qui restait encore à déterminer, elle envisageait de procéder à quelques exercices pratiques - elle avait beau avoir étudié le droit magique après être sortie de Poudlard, elle n’en restait pas moins une duelliste accomplie, persuadée que la pratique était la véritable clé de la Défense Contre les Forces du Mal.

Néanmoins, avant de pouvoir passer aux exercices, une maîtrise suffisante de la théorie était nécessaire. Raison pour laquelle elle avait demandé ce court devoir aux étudiants - vingt lignes chacun, pour développer les avantages et inconvénients d’un sort au choix, cela ne relevait pas de l’impossible pour des deuxième années. Restait maintenant à noter les copies reçues, mais par où commencer ? Devait-elle tout parcourir une première fois, pour se faire une idée du niveau général ? Ou se lancer tête la première, quitte à revenir sur ses premiers choix une fois le travail effectué ? Toute à la composition de sa stratégie, elle traversa le Grand Hall sans répondre aux salutations enthousiastes d’un jeune Gryffondor - Ronald A-Quelquechose, à moins que ce ne soit B-Quelquechose ? Certains patronymes lui échappaient encore.

Elle s’apprêtait à descendre les escaliers pour rejoindre la Salle Commune qui l’avait accueillie quinze ans auparavant, celle des loyaux Blaireaux de Poufsouffle, avant de réaliser qu’elle n’était plus étudiante. Et que la Salle des Professeurs se situait au quatrième étage de l’aile ouest, ce qui impliquait de prendre les escaliers mouvants - ou de passer par la tour d’Astronomie, ce qui était sans doute plus certain mais signifiait monter de sept étages avant de pouvoir redescendre de l’autre côté. Va pour les escaliers, décida-t-elle, sa cape claquant alors qu’elle se retournait pour mieux revenir sur ses pas. La voix moqueuse de Peeves flottait quelques étages au-dessus d’elle lorsqu’elle arriva sur le palier du quatrième. Encore heureux, il ne m’a pas vue. Un esprit frappeur qui tourmente un professeur, cela ne peut pas renforcer la crédibilité… Si Peeves lui avait autrefois flanqué quelques belles frayeurs, elle se sentait toutefois de taille à lui tenir tête aujourd’hui - sa force d’avocate résidait avant tout dans les dossiers sans faille qu’elle établissait au prix de longues heures sans sommeil, mais elle n’était pas mauvaise plaideuse non plus.

Lorsqu’elle parvint à sa destination, un calme étrange s’était emparé du château. La plupart des élèves étaient dehors, trop occupés à profiter des derniers rayons de soleil de la journée pour se soucier de leurs résultats - sans doute était-il encore trop tôt dans l’année académique, non que cela ait jamais compté pour Helen, qui avait été de celles que l’on ne voyait jamais sans un manuel scolaire. Devant les baies vitrées qui offraient une vue imprenable sur le parc se tenait un homme occupé à dévorer un plateau de petits fours. Elle ne lui avait parlé que brièvement depuis son arrivée, mais l’occasion semblait trop belle pour la laisser passer, aussi s’empressa-t-elle de déposer les devoirs de sa classe avant de venir saluer son illustre collègue.

Bonsoir Monsieur Flamel ! Ils sont bons, ces en-cas ? demanda-t-elle d’abord, abordant la conversation avec douceur. Dites, vous qui êtes si expérimenté - et pour cause, songea-t-elle brièvement, il avait quelques années de plus que l’enseignant moyen à son compteur - vous auriez des conseils pour une première correction de copies ?

Il n’y avait pas de mal à demander de l’aide, parfois. Elle chassa une poussière invisible de son chemisier crème avant de s’emparer elle aussi d’un petit gâteau salé, puis de s’asseoir dans un fauteuil avec vue sur les jardins. La correction attendrait, elle désirait d’abord profiter de ce paysage - et d’un brin de conversation professorale.

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Soupir à fendre le cœur qui traverse les lippes ordinairement closes du professeur d’alchimie. À plus d’un égard, il estime que la matière qu’il enseigne devrait être facultative. Tout le monde n’est pas fait pour apprendre et maitriser l’alchimie. Cette dixième copie lui donne une fois encore, bien raison. La plume n’a de cesse de griffonner ou d’entourer les énormités qu’il peut lire avec désarroi et presque désespoir. D pour désolant en note final, avant qu’il ne repousse le parchemin pour en attraper un autre, prière intérieure pour Merlin de lire quelque chose d’à minima acceptable. Le début lui parait prometteur, l’incite à hausser un sourcil, tout en tenant sa plume en l’air, n’y trouvant rien à redire aux premières lignes, jusqu’à finalement tiquer une fois, puis deux, puis de soupirer de nouveau bruyamment, sans plus chercher à continuer sa lecture, T pour note, T pour tricheur. Il faut au moins reconnaitre aux jeunes sorciers en devenir une certaine audace, et plus encore une chance inouïe d’avoir certains moyens à disposition. De son temps – très éloigné – tricher semblait bien plus difficile. Pas impossible, mais terriblement difficile. Veinarde que cette nouvelle génération… Mais pas suffisamment maligne pour lui faire oublier ses propres mots. Il a beau avoir presque six-cents ans, il a bonne mémoire le bougre. Nouvelle copie devant ses yeux, et ainsi de suite, jusqu’à ce que s’entasse la médiocrité dans un coin, le passable dans un autre. Utilise majeur et pouce pour frotter les paupières closes, avant de s’étirer et de se redresser, baguette ne manquant pas de faire disparaitre ses copies – simplement renvoyées dans son bureau. Si on lui avait dit cinq ans plus tôt que le travail de professeur serait aussi épuisant, peut-être aurait-il revu à deux fois avant d’accepter la proposition du directeur de l’école. Nicolas lui semblait parfois bien plus adapté pour ce genre de poste : plus patient et certainement bien plus pédagogue. Alors pourquoi lui ? Il n’avait fait qu’étalage de son savoir dans un pub, en expliquant par A + b telle formule d’alchimie – la plus basique de surcroit – à un imbécile se vantant d’être maitre dans cet art. Tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de l’ouvrir… et ne plus abuser de babas au rhum avant de répondre quoi que ce soit. La prochaine fois, il offrirait son rein à un gobelin avec une telle attitude !

Quittant finalement le bureau auquel il s’était installé pour « travailler », il eut l’impertinence d’observer autour de lui avant d’attraper l’assiette d’en-cas déposé par les elfes de maison de l’école. Sa gourmandise s’était exacerbée avec le temps. La cuisine avait connu un essor magistral avec l’exportation d’épices et autres, offrant à son palais des saveurs uniques qu’il n’avait eu l’audace d’imaginer à l’ère de sa naissance. Chacun ses vices, le sien résidait dans la gourmandise. Assiette en main, il se dirigea nonchalamment vers l’une des fenêtres de l’école, admirant le paysage qui s’offrait à lui. Plus bas, il pouvait apercevoir quelques élèves profitant d’un temps de repos avant le prochain cours, mais lui avait au moins terminé sa journée. Peut-être en profiterait-il plus tard pour aller à Pré-au-Lard. Pour l’heure, manger et se détendre lui semblaient être un plan des plus alléchants.

Il en était certainement à son cinquième petit four lorsqu’une voix féminine vint le tirer de sa torpeur post-dégustation. Regard en coin, avant de se lécher les doigts et de remettre un nom sur sa nouvelle collègue de l’année. Miss… Webster, voilà. La nouvelle professeure de Défense Contre les Forces du Mal. Il ne la connaissait pas encore assez pour se faire une idée globale sur cette dernière, mais puisqu’ils allaient passer toute une année ensembles – peut-être plus si l’un ou l’autre décidaient de demeurer – il était évident que les choses devaient changer. Déglutissant sa dernière bouchée, il tourna finalement la tête vers la jeune femme, esquissant sourire enchanté – ou enchanteur ? – à la jeune femme. « Miss Webster ! Ma foi, c’est assez goûtu, vous en voulez un ? » Laissa t’il entendre, non sans tendre l’assiette vers la concernée, tout en reprenant le cours de la conversation. « Comment se sont passés vos premiers cours ? » Il fut interrompu toutefois par un compliment déguisé. Lui ? Expérimenté ? Sur bien des points, aucun doute, sur le professorat… il était convaincu qu’il laissait encore à désirer. « Oh. Euh. Eh bien, personnellement, j’adapte un barème a la question, et j’attends de mes élèves qu’ils aient compris les points essentiels sur la théorie dans la globalité. En ce qui concerne ma matière, dès lors que j’entre dans un exercice de composition de mélange, j’attends d’eux qu’ils connaissent par cœur les ingrédients nécessaires. Un seul ingrédient manquant peut avoir des conséquences désastreuses la plupart du temps, aussi la note chute t’elle en conséquence de l’information manquante. » Il n’était pas très aidant, il le savait pertinemment. « Sur quoi portait votre premier devoir ? » Interroge-t-il, curieux.

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Le sourire que lui adressa l’alchimiste était de ceux qui auraient poussé un troll à sourire à son tour. Peut-être était-ce là ce que l’on appelait parfois le charme à la française ? Helen n’y était pas entièrement indifférente, et son propre sourire s’élargit. Elle n’avait jamais été timide, mais elle devait bien admettre que l’aura de son collègue avait de quoi intimider une jeune femme de vingt-six printemps. On racontait tant de choses sur les Flamel : inventeurs de la Pierre Philosophale, dotés d’une exceptionnelle longévité par suite de leur découverte, ils étaient considérés comme de grands sages. Six siècles - ou presque - de connaissances accumulées : le rêve de toute étudiante ambitieuse, comme Helen Webster. Même s’il lui arrivait de se demander ce qu’elle ferait d’une telle vie - n’y avait-il pas quelque chose d’immensément triste à l’idée de voir vieillir ceux et celles que l’on aimait ? - elle ne pouvait nier qu’elle y avait songé. Sans aller toutefois jusqu’à se piquer d’alchimie elle-même. Ses compétences résidaient ailleurs, avait-elle décidé. Le droit et la justice seraient sa marque de fabrique, l’empreinte qu’elle transmettrait aux générations futures : ses élèves, d’abord, et peut-être un jour… ses enfants.

Non qu’elle en veuille tout de suite, des enfants. Les adolescents dont elle avait la charge cette année lui suffisaient amplement - pour l’instant. Certains montraient des signes prometteurs, notamment ce jeune Gryffondor dont le nom lui échappait toujours. La majorité se confondait cependant en une masse indistincte, qu’elle espérait avoir le temps de mieux cerner avec les années. Car elle se voyait bien rester au château quelques temps : sans être encore certaine de cette voie qu’elle avait choisi pour entamer sa carrière, elle sentait que les cours qu’elle avait donnés jusqu’à présent lui plaisaient énormément. Et puis, revenir à Poudlard, c’était retrouver sa propre adolescence, renouer avec les souvenirs de cette époque dorée pendant laquelle la jeune Née-Moldue avait pris conscience de ses capacités inouïes. Comment pourrait-elle quitter à nouveau ce lieu synonyme d’émerveillement constant ?

La vue dont disposaient les professeurs n’en était qu’un fragment - mais un fragment magnifique. La parure automnale du parc s’offrait à eux dans toute sa splendeur, mais les écharpes n’étaient pas encore de rigueur. Les rayons du soleil darderaient encore leurs chaudes lumières pour une heure ou deux, baignant la salle du quatrième étage dans un agréable halo doré. La blonde prit place dans un fauteuil confortable et se servit d’un biscuit salé sur l’assiette que lui tendait son collègue - décidément, être professeur avait ses petits avantages.

Sweetheart, you can’t buy the necessities of life with cookies : la phrase, d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, était l’un des mantras de sa mère. Et si Amelia Webster avait souvent raison, sa fille devait toutefois concéder que des biscuits - sucrés ou salés - avaient la faculté d’adoucir les moeurs. Dans le cas présent, par exemple, les pâtisseries lui avaient permis d’aborder plus aisément l’un des collègues qu’elle trouvait jusqu’alors les plus intimidants. Et ce dernier s’avérait bien moins altier qu’elle ne s’y était préparée. Il prit même la peine de s’enquérir du déroulement de ses premiers cours, ce à quoi elle répondit avec enthousiasme.

Fort bien ! Du moins, je crois… Mais oui, je pense que les élèves apprécient le contenu des leçons, et la manière dont elles sont données. Et je n’ai pas encore eu à réprimer le moindre chambardement glissa-t-elle, laissant la fierté teinter sa voix chaude.

Elle but les paroles de Flamel concernant la correction de devoirs : la méthode qu’il exposait lui semblait cohérente, et elle pouvait très certainement l’adapter à sa propre matière, aussi musa-t-elle à voix haute, davantage réflexion personnelle que réponse conversationnelle :

Oui, je crois que je vois ce que vous voulez dire… Un barème comme base, et des points en moins pour toute information essentielle qui manquerait, cela fait sens. Et pour les réponses particulièrement astucieuses, ou créatives, des points en plus, peut-être ? Cela pousserait les élèves à sortir de leur zone de confort, à chercher plus loin que la simple restitution des savoirs transmis par les manuels…

Perdue dans ses pensées, elle finit néanmoins par se tourner vers l’alchimiste.

Merci pour ce conseil avisé ! Je crois que je tiens le début d’une méthode, ou du moins je vois par où commencer pour ce premier paquet de copies dit-elle, désignant d’un geste de ses doigts fins la table qui se trouvait derrière eux. J’ai demandé aux élèves de deuxième année de composer vingt lignes sur les avantages et inconvénients d’un sort défensif au choix. Je pense passer aux sorts offensifs seulement à partir de la troisième année… Je ne voudrais pas que des jeunes trop impétueux s’attirent des ennuis à cause de moi laissa-t-elle glisser. Ni que ma classe devienne le nouveau club de duel poursuivit-elle avec un nouveau sourire, soulevé cette fois par l’évocation de ce club qui lui avait tant apporté, une dizaine d’années plus tôt. Quels sont vos propres souvenirs de cours, Monsieur Flamel ? Les meilleurs… ou les pires ? demanda-t-elle ensuite, enhardie par la familiarité agréable que lui témoignait son estimé collègue.

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Il avait bien trop d’années d’expérience pour ne pas savoir, ne pas se douter, du ravage que pouvait avoir un sourire sur un visage. Le sien plus encore. Il ne se leurrait nullement le français, il était bel homme – plus encore dans la trentaine – et il ne s’était jamais caché de ses multiples aventures. Pour autant, le faisait-il exprès ? Assurément non. Son intention première n’était jamais de charmer à visée séductrice ses interlocuteurs, l’action se voulait sociable, rassurante pour la personne en face, ouverte d’esprit. Il veillait à chaque instant à mettre ses associés à l’aise, plus particulièrement lorsqu’ils comprenaient qui il était vraiment, ce patronyme qui en disait bien plus qu’il ne l’aurait voulu. Parfois, il s’interrogeait sur le bien-fondé de conserver ce dernier. Les uns et les autres ne seraient-ils pas plus à l’aise avec lui s’il arborait un patronyme banal ? Il n’avait jamais tenté l’expérience avec ses congénères. Avec les moldus, assurément, mais il s’agissait avant tout d’une question de survie, bien plus que de confort. Il ne tenait pas à être poursuivi avec des fourches pour le simple fait de ne pas vieillir et mourir comme tout un chacun. Par ailleurs, il avait déjà vécu cette situation, mais parce qu’il avait eu le malheur – enfin, un bonheur de plus de 20 minutes – de vivre un instant passionné avec la fille d’un fermier, et il ne la recommandait à personne, plus particulièrement lorsque le pantalon refusait d’être remonté en pleine course pour la survie du séant. Souvenir perdu dans un tiroir de sa mémoire, de ceux qu’il ne ressortait que pour montrer le ridicule de l’anecdote, un verre de trop dans le nez. C’était peut-être bien son malheur avec près de 600 ans de vie sur terre. Souffler sur les braises de vieux souvenirs, puis se rendre compte que ces personnes rencontrées à mesure de sa vie n’étaient plus, tas d’os enterrés dans divers cimetière où il n’avait guère sa place, et où il ne mettait jamais les pieds, par respect pour les trépassés, quand lui se refusait à laisser la vie suivre son chemin, refusait aux moires du destin de couper son propre fil. Pas encore, soufflait-il, il avait encore bien trop de choses à voir. Et il ne partirait pas sans Nicolas et Pernelle. Un autre débat, une autre histoire.

Pour l’heure, ni le couple, ni même le célibataire actuel n’avaient l’intention de quitter ce monde. Trop de curiosité après les récents évènements, et bien trop d’avancées dans la recherche magique pour renoncer si tôt à la vie. Dans cette même lignée, il était curieux de découvrir quel jeune sorcier, ou sorcière, présent dans ses classes, mènerait une vie digne d’entrer dans les annales magiques. C’était un trait de curiosité pour lequel il plaidait coupable avec plaisir, et pour lequel il soufflerait fièrement avoir peut-être eu un impact sur les décisions du gamin. Il n’aspirait qu’à cela, en tant que professeur, quand bien même il aurait préféré ne pas obtenir ce rôle. Inspirer. Et sans doute n’était-il pas le seul. Il pouvait reconnaitre cette ambition dans les propos de ses collègues, dans cette étincelle présente dans leur regard. Il en allait de même avec cette nouvelle professeur, si idéaliste et pourtant si inquiète de ne pas réussir dans cette manœuvre. C’était bien cela, qui incitait le sourire plaqué sur ses lèvres à demeurer en place. Il ne put s’empêcher pourtant de laisser un petit rire s’échapper de sa gorge sous sa candide fraicheur. « Vous aurez toute l’année pour distribuer des retenues ou enlever des points. D’ailleurs, nous avons lancé notre pari de chaque année, à savoir qui sera le premier à donner une retenue, et qui sera le dernier. L’an passé, c’est Mrs Potts qui a remporté la mise. » Vile bibliothécaire, sournoise mais on ne peut plus avisée – mais qu’il appréciait au-delà de ce qu’il pouvait en dire. Il la soupçonnait d’être un peu voyante sur les bords, surtout après qu’elle eut donné les noms exacts des protagonistes. « Vous avez tout compris. Il va de soi que certaines matières ne pourraient s’adapter à cette méthode que vous êtes en train de concocter, mais je suis persuadé que la vôtre s’y prêterait à merveille. En un rien de temps, vous trouverez votre méthode de correction, vous verrez ! » Souffla t’il avant de croquer de nouveau dans une mignardise, la laissant se perdre un instant dans ses pensées. N’était-ce pas fascinant ? Tant de fraicheur dans ce bout de femme ? L’année promettait d’être enrichissante, tant pour les élèves que pour lui.

« Allons, ce n’est pas grand-chose ! Entre collègues, nous devons nous serrer les coudes. Si j’ai pu vous apporter un peu d’aide, j’en suis fort ravi, et sachez que je me tiens à disposition si vous nécessitez d’autres conseils. Bien que je ne me considère pas comme étant le plus avisé des professeurs. Je ne saurai que trop vous conseiller de vous renseigner auprès de nos collègues, ils ont bien plus d’expérience que moi. » Après tout, lui-même n’était pas le plus ancien des professeurs, il continuait de s’adapter, de tendre vers un semblant d’excellence, ne se satisfaisant d’une réussite que lorsqu’une classe atteignait plus de 90% de réussite. Était-il trop exigeant ? « Intéressant. Je serai surpris de voir quels sorts défensifs trouvent leur préférence. Cela dit… croyez-moi, ils n’ont pas besoin de vous pour être impétueux. Les plus roublards ont certainement déjà dû chercher dans leurs manuels les sorts destinés à ennuyer leurs camarades. » D’ailleurs, qui serait en charge du club de duel cette année ? C’était là une bonne question. « En ce qui concerne le club de duel… seriez-vous intéressée à le diriger ? » Ce n’était pas une mauvaise idée après tout, puisqu’elle était le professeur de défense contre les forces du mal, et il estimait la théorie intéressante, mais tout un chacun devrait toujours pouvoir se défendre, quoi qu’il arrive, et plus encore en ces périodes troubles. Il n’eut guère le temps de mener plus loin sa réflexion, que la question le prit au dépourvu. Ses souvenirs de cours ? Il lui semblait parfois se montrer insipide, ou trop exigeant… mais à bien y réfléchir… « Eh bien, je crois que je suis particulièrement fier et à la fois horrifié quand mes étudiants jouent avec les ingrédients. L’an passé, l’un des Weasley a bien manqué de faire brûler tous ses cheveux roux à mélanger tout et n’importe quoi dans ses fioles. C’est un cas à part bien sûr, il a toujours été casse-cou, mais cet esprit d’initiative, de tenter de découvrir de nouvelles capacités de l’alchimie… c’est ce qui me conforte dans l’idée que je ne suis peut-être pas si mauvais professeur, quoi qu’en dise le directeur de sa maison… » Une pause, avant de reprendre. « Oh, et appelez-moi Orion, nous sommes collègues et voués à partager une année voire plus ensembles ! »

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Quel moment agréable que celui-ci : à l’heure du thé, deux collègues se retrouvaient - ou, pour être plus exacte, se trouvaient - pour échanger sur les bonnes pratiques et leurs propres souvenirs en matière d’enseignement. Il y avait là quelque chose de simple, d’évident, et pourtant de profondément rassurant pour la jeune enseignante qu’était Helen Webster. La lueur fauve du soleil déclinant y ajoutait une touche de douceur supplémentaire, la confortant dans cette décision qu’elle avait posée au sortir de ses études de droit magique. L’enseignement était sa voie, et voir ainsi son chemin se tracer devant elle, sans virages inattendus ni détours imprévus, lui insufflait une sensation indescriptible de bien-être.

Elle termina son biscuit sans se presser, momentanément bercée par la voix solaire du Français. Il parlait la langue de Shakespeare sans accent, ce qui n’était pas désagréable - et, par Merlin, qu’est-ce qu’il parlait ! Elle l’avait cru réservé, pas vraiment timide mais du genre à garder ses humeurs et ses secrets pour lui, elle le découvrait généreux de ses conseils et de toute cette expérience accumulée. Il avait même un humour discret, ni moqueur ni graveleux, en plus d’être visiblement doté d’une gourmandise à toute épreuve. Ce détail achevait de l’humaniser : non plus Flamel, mais Orion. Plus tout à fait une étoile distante, mais une constellation, dotée d’une histoire particulière, légende qu’elle brûlait de découvrir. Oliver se montrerait sans aucun doute friand de cette nouvelle personnalité, lui qui aimait tant analyser la galerie de personnages nouveaux qu’elle lui décrivait à chaque missive envoyée.

J’espère n’avoir aucune retenue à imposer… N’en ayant jamais vécu une, je serais bien en peine de sanction digne de ce nom, je le crains !

Elle passerait sans doute pour l’éternelle première de classe qu’elle était, mais elle n’en avait cure. Helen n’avait jamais menti sur le genre de personne qu’elle était, sans honte ni fierté démesurée. Née-Moldue, elle assumait pleinement à la fois son ascendance et ses talents innés. Il en allait de même pour le reste de sa personnalité, défauts comme qualités. Elle n’exposait ni n’en cachait rien, puisqu’elle n’en percevait tout simplement pas le besoin.

Mrs Potts… Je crois qu’elle était déjà bibliothécaire lorsque je n’étais qu’étudiante ici réfléchit-elle tout haut, avant de réaliser que quoiqu’il en fût, Orion Flamel devait bien rendre cinq siècles et des brouettes à la bibliothécaire en question. Mieux valait sans doute ne pas s’éterniser sur le sujet - si elle ne dissimulait rien, Helen n’en était pas moins une personne dotée d’un minimum de tact. Aussi n’insista-t-elle pas davantage sur la question de l’expérience. Après tout, longévité n’était pas synonyme de sagesse - elle pouvait citer l’un ou l’autre professeur de droit magique pour exemple, vieux barbons pétris de privilèges, qui avançaient la pureté de leur lignée pour servir leurs arguments un peu trop régulièrement au goût de la jeune femme.

Je vous en tiendrai informé, je suis moi-même curieuse de savoir s’ils privilégient les classiques ou s’ils choisiront l’inventivité. Mais j’espère qu’ils n’auront pas le culot de tester toute cette théorie hors des locaux de cours… Je m’en voudrais de gagner le prix de la première heure de colle glissa-t-elle malicieusement.

L’appétit de son collègue était contagieux, aussi reprit-elle un petit gâteau - manquant de s’étrangler sur sa bouchée lorsque Flamel lui fit une proposition inattendue.

Hum ! Je… J’adorerais ! répondit-elle, avant d’ajouter précipitamment que Enfin, ce serait avec plaisir, bien sûr… Mais seulement si je ne prive aucun confrère - ou consoeur - qui soit davantage expérimenté ! Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de pratiquer cette même théorie que j’enseigne, je suis plutôt spécialiste du droit et ma formation vise à régler les conflits plutôt qu’à les initier… Mais j’imagine que la meilleure défense peut bel et bien être l’attaque… Dans les bonnes circonstances ?

Elle réfléchissait à voix haute - un trait particulier, que sa jumelle avait toujours trouvé très amusant. Il fallait bien avouer qu’elle espérait à moitié que le Flamel s’empresse d’appuyer sa candidature tout juste exprimée, à la fois pour cimenter ce début d’amitié collégiale et parce que gagner l’estime de ses pairs lui tenait à cœur. Prendre la tête d’un club permettrait d’asseoir sa légitimité, et puis cela lui rappellerait encore davantage de souvenirs. Elle avait en son temps été l’une des membres de ce club, admirant la noblesse des règles qui encadraient le duel sorcier - et désarmant ses adversaires un peu plus souvent qu’à son tour.

Il semblerait que les Weasleys soient de nature à laisser des souvenirs indélébiles à leurs enseignants… Vous n’êtes pas le premier à m’en parler ! Je ferai attention à ceux que je verrai passer laissa-t-elle tomber sans acidité, un léger sourire ornant ses lèvres. Appelez-moi Helen, dans ce cas. Vous seriez-vous fait un ennemi… Orion ? demanda-t-elle, hésitant quelque peu avant d’utiliser le prénom de son collègue. S’il continuait ainsi à se montrer courtois et charmant, elle devrait même en parler à Lydia - mais comment lui expliquer qu’elle avait passé la fin de son après-midi à échanger avec un être de six cent ans ?

Il en allait parfois ainsi de la vie d’une Née-Moldue : Helen avait beau assumer pleinement qui elle était, le monde autour d’elle ne cessait de l’empêcher de vivre pleinement d’un côté ou de l’autre du Secret Magique. L’invention de la télévision faisait les choux gras des journaux moldus, qui préféraient parler de l’invention que de la loi martiale visant à réprimer les mouvements sociaux qui agitaient la population. Côté sorcier, rien de tout cela : Hector Fawley menait un mandat dénué de tout scandale, et l’invention la plus spectaculaire était celle du premier balai auto-nettoyant. Rien de tout cela ne lui fournissait matière à conversation avec cet estimé collègue, aussi Helen préféra-t-elle laisser le silence reprendre ses droits un instant.

Au fait… Comment donc êtes-vous devenu professeur, si ce n’est pas indiscret ? finit-elle par demander après que ses pensées l’aient menée dans un tortueux labyrinthe. Et… que faisiez-vous, avant cela ? Vous devez avoir tant d’histoires à raconter… Non que je veuille procrastiner, mais je suis persuadée que vos récits d’aventures sont un rien plus intéressants que ces copies plaisanta-t-elle.

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