« La vie est une fête foraine de merde et les lots à la clé sont à chier. »
Hazel Greyback était une blondinette aux boucles en
bataille, avec un regard espiègle et des mains plus habituées à survivre dans la forêt qu'à manier une baguette magique avec
grâce. Elle avait grandi dans une caravane
délabrée, nichée au cœur d'une clairière cachée, entourée des sales
monstres avec lesquels elle partageait son sang et sa malédiction. Mais la vie de la bouseuse, bien qu’empreinte de
sauvagerie, n’était pas aussi rude qu’on pourrait le croire. Elle avait trouvé sa place au sein du clan et, surtout, avait appris à se défendre seule et à se battre, sous l'œil attentif de son
taré de demi-frère, Fenrir.
Sa caravane, un véritable
taudis sur roues, était son foyer depuis qu'elle était adolescente. Les planches de bois étaient pourries et craquaient sous le poids de la saleté accumulée. Le toit, envahi par la mousse et les
champignons, laissait passer les gouttes de pluie, rendant l’intérieur perpétuellement humide et
glissant. Les murs étaient noircis par la
moisissure, et les hublots brisés laissaient entrer le vent froid ainsi qu'une lumière
blafarde. Enfin, le sol était couvert d’un mélange de terre, de feuilles mortes et de
détritus accumulés au fil des années, et l'air était saturé d'odeurs de
renfermé et de graisse rance. Pourtant, malgré la crasse et l’insalubrité de son habitat, Hazel se sentait en sécurité ici. La forêt dense et les loups qui l’entouraient étaient sa seule
famille, et elle avait trouvé un équilibre dans cette existence à la fois rude et
primitive. Pour rien au monde, la louvette ne quitterait le camp Greyback. C'était son endroit
préféré.
Malheureusement, son parrain, Roman, avait une vision très différente de la sienne. Le nouvel alpha de la meute était convaincu qu'il fallait élever le clan et l'extirper des bas-fonds de cette clairière
maudite. Il rêvait de tout
brûler pour repartir à zéro. Selon lui, les loups devaient se
fondre parmi les sorciers, tant pour leur propre sécurité que pour leur avenir. La mouflette détestait cette idée, mais elle n'avait d'autre choix que de se
soumettre aux exigences de son parrain. Elle devait se
plier à sa volonté et s'intégrer à la communauté magique, et ce malgré son aversion pour ce monde étranger. Depuis cette nuit
fatidique où elle avait mordu Gawain Brontë, mettant tout le clan en danger, elle avait perdu tout droit à la
révolte. Son erreur avait
scellé son destin, et elle devait désormais évoluer dans ce monde qu'elle méprisait plus que tout, écrasée sous le
joug impitoyable de Roman. Même Fenrir ne pouvait plus rien faire pour elle. Cette fois, il ne pouvait pas rattraper ses
conneries.
Au chalet des Lestrange. Ce jour-là, la louvette s’apprêtait à
pénétrer dans un tout autre univers : un monde de robes de soie, de tasses en porcelaine, et de sorts qui faisaient
scintiller l'air. Hazel avait été invitée au manoir Parkinson pour le thé, grâce à l'influence de son amie Cassie, qui avait accepté de l'aider dans cette mission
périlleuse.
« J'ressemble à un sac à patates, Cass'... J'crois qu'c'est foireux comme idée. » Se lamenta-t-elle en tapant du pied sur le sol. La pauvre était encore plus nerveuse qu'une vache en plein milieu d'un champ de
Mandragores. Pourtant, la sauvageonne avait un certain charme. Elle portait une robe bleu pâle, autrefois élégante, mais maintenant un peu
décolorée. Elle avait tenté de l'ajuster du mieux qu'elle pouvait, pour lui donner une forme décente avant de l'enfiler. Le tissu pendait sur ses épaules
osseuses, et bien que la robe fût un peu trop grande, elle se resserrait légèrement à la taille. Puis, Hazel passa ses mains dans sa tignasse avant d'attraper une vieille brosse en bois pour s'attaquer aux
nœuds. Chaque coup de brosse lui arrachait une grimace de
douleur. Une fois ses cheveux plus ou moins
démêlés, elle les rassembla en une queue de cheval basse, laissant quelques mèches blondes encadrer son visage pâle.
« Tu m'as bien r'gardé, tain' ? Ta pote va cramer direct que j'suis moi. Et tu vas m'faire la gueule si j'fais tout foirer. » Geignit-elle en attrapant son
poudrier magique, celui que Gaby lui avait offert pour son anniversaire. Elle n'avait jamais pensé l'utiliser avant aujourd'hui, et il était en train de sauver sa mise en
beauté. Son petit minois était si joli qu'elle rougit devant le miroir en se découvrant.
« Qu'est-ce que j'dois dire d'jà si elle m'pose des questions ? » demanda-t-elle à son amie en lui prenant la main. Il était l'heure de
partir.
Le
transplanage la saisit instantanément. Le monde autour d’elle se
déforma, son estomac se tordit, et une brise glacée effleura son visage tandis que les couleurs et les sons
tourbillonnaient autour d’elle. Puis, aussi soudainement que cela avait commencé, tout s'arrêta.
« Putain, elle s'fait pas chier, ta pote. » Lança-t-elle en ouvrant grand la bouche. Les amies se trouvèrent devant un immense portail en fer forgé, orné de motifs complexes. De l’autre côté, elles apercevaient le
manoir Parkinson, imposant et majestueux, trônant au milieu de jardins impeccablement entretenus. Un petit elfe de maison les guida jusqu'à l'intérieur, où elles rencontrèrent Emma.
« B'jour, m'dame. » Chuchota-t-elle sans la regarder dans les yeux, trop occupée à dévisager les murs tapissés et les
lustres au plafond. Elle lui adressa ensuite un sourire timide qui ressemblait davantage à une vilaine
grimace. La morveuse ne se sentait pas à sa place ici.