« Le Petit Chaperon rouge ramassa vite de grosses pierres, et ils en remplirent le ventre du loup. Quand le compère s'éveilla, il voulut sauter à bas du lit ; mais les pierres étaient si lourdes qu'aussitôt il retomba : il était mort. »
Hazel Greyback émerge lentement d'un sommeil
agité, les paupières lourdes et la tête encore pleine de
brumes. L'odeur humide et
terreuse de la forêt, mélangée à celle,
métallique, du sang, envahit ses narines. La crapule se redresse péniblement, chaque mouvement déclenchant une grosse
vague de souffrance à travers son corps meurtri. Une douleur
lancinante irradie de son épaule gauche, où une profonde
entaille saigne encore. La sale gosse grimace en tripotant la plaie, un souvenir flou surgissant dans son cerveau
malade. Elle se revoit bondir sur une silhouette massive au milieu des arbres, les crocs découverts,
aveuglée par cette rage primitive. Puis, le coup violent de hache, et enfin, le noir complet. Son petit cœur se serre en réalisant que ce n'est pas seulement son propre sang qui
macule son corps et ses
fringues déchirés. Une autre odeur, plus forte, plus
âcre, s'accroche à elle : celle de
@Gawain Brontë, le bûcheron du village. La louvette peut presque sentir le goût de son sang sur sa langue,
acide, une sensation qu'elle découvre pour la toute première fois. Tremblante, elle passe ses doigts sur ses lèvres, suppliant que ce qu'elle craint ne soit qu'un
cauchemar. Mais, au fond d'elle-même, elle sait que la réalité est bien plus
sombre. Cette nuit, la lycanthrope a mordu le blondinet, et il est fort probable qu'elle l'ait
tué. Un frisson glacé parcourt son
échine alors que l'ampleur de son acte la
frappe de plein fouet.
La gosse lutte pour réprimer un cri de douleur et de
désespoir. Elle comprend qu'elle ne peut pas rester là, seule au milieu de la forêt, accablée par une culpabilité qui déferle en
flots effroyables. La sauvageonne se tourne alors instinctivement vers Cassiopeia et Gabriel. Ces derniers sont bien plus que des amis ; ils sont sa famille de
cœur, ceux qui l'acceptent malgré son sale caractère de
cochon, et qui veillent sur elle depuis le départ de son
papa-garou. En temps normal, la blondasse se serait tournée vers son frère, Fenrir, mais ils ne se parlent plus depuis des semaines. Si elle revenait maintenant, dans cet état, il la
tabasserait, et elle n'a pas la force de l'affronter.
Tu me manques, enculé de ta race. Avec une détermination
vacillante, la bouseuse se lève, titubant sur ses maigres jambes. Elle se bat contre la fatigue qui menace de l'envahir, ainsi que contre la douleur qui
pulse à ses tempes et résonne dans chaque
fibre de son être.
Le chalet des Lestrange n'est pas très loin, isolé dans la
forêt des Cogneurs. La mioche sait que ses amis ne la jugeront pas, qu'ils comprendront la situation et l'aideront à trouver un moyen de
réparer ce qu'elle a fait. Pourtant, l'idée de leur avouer la vérité la terrifie. Comment leur dire qu'elle a, cette fois, croisé la route de Gawain Brontë et que, dans sa
frénésie bestiale, elle l'a attaqué, l'a
crevé comme un chien ? Ses pensées tournent en boucle, une
spirale d’angoisse qui alourdit encore ses pas. Lorsqu’elle aperçoit enfin la silhouette familière du chalet, un mélange de soulagement et de
peur l'envahit. La gamine atteint le seuil de la porte, complètement à bout de forces. Sa main
ensanglantée tremble en frappant contre le bois. La porte s'ouvre rapidement, révélant Cassie, ses yeux clairs s’élargissant de surprise et d’horreur en voyant l'état de sa
protégée. Hazel se laisse guider à l’intérieur, s’effondrant presque dans les bras de son amie. Enfin, Gabriel apparaît à son tour.
« J’ai… J’ai tué le bûcheron. » Finit-elle par avouer, sa voix
brisée par la culpabilité et la fatigue. Un silence lourd s’installe dans la pièce.