temporalité du rp : juin 1955.
personnages concernés : @Agnes Trelawney & @Lorna Prewett
trigger warnings : mention de sacrifice, meurtre, bûcher.
intervention autorisée du mj : [] oui [x] non
autre(s) : /

IN FOR THE KILL - 2021-2022

Une nouvelle mort venue impacter les méninges. La faucheuse cruelle s’empare d’une innocente de la plus cruelle des manières. L’information tourne en boucle dans son esprit, refuse de s’effacer ou de se ranger dans son coin. La renarde calcule à nouveau les issues potentielles, les représailles d’n côté où de l’autre de la barrière. Les risques encourus pour leur sociétés, pour leur familles. Pour tout le monde, tout simplement. La sorcière, pourtant, a échappé à l’horreur de la scène, ne se retrouve hanter ni par les hurlements ni par l’odeur de la chair qui se consume sous les flammes dévorantes. Pourtant l’imagination suffit. L’outrage pour cette femme condamnée par une différence qu’elle ne pouvait contrôler. Sorcière, qu’on scande, de l’autre côté de la barrière. Injure, blasphème. Crime contre l’humanité par sa simple existence au milieu de ce monde damné. Modernité et empathie effacée pour un retour vers le passé, vers ces jugements de pacotilles et ces sentences abjectes.

Ca bourdonne sous son crâne, la sensation d’une abeille furieuse s’agitant dans sa cervelle. La colère s’éveille, provoque tempête et raz-de-marée dans sa conscience malmenée. Le tout se mêle de tristesse pour l’illustre inconnue, imagine la peine endurée. Pourquoi ? Question qui se répète, tournoie et se transforme en rafale. Pourquoi cette barbarie ? Pourquoi tant de haine ? Pourquoi tuer de manière aussi ignoble, en causant le plus de douleur possible ? La mâchoire se crispe alors que les paupières se rouvrent sur l’univers insensible. Celui qu’en a rien a faire de toutes ces immondices. De ces actes qui transformes des humains en monstres, qui les détrônent et les envoie plus bas que terre, là où même les animaux les surplombent.

Les paupières se ferment à nouveau alors qu’elle laisse s’échapper un souffle ténu. Les barrières s’érigent de nouveau, laisse son esprit retrouver sa propre forteresse et s’y perdre dans ses méandre. Le gouffre sans fond s’entre-ouvre, dévore la moindre parcelle qui agite sa carcasse. Ne reste plus qu’un semblant de clarté, laisse l’humanité s’étioler et dessine un monstre à l’empathie morcelée. Celui au masque rassurant de professionnalisme d’une Prewett au regard désabusé. C’est plus simple. Plus limpide. Pire qu’un chant de sirène, alors qu’elle s’enterre dans les dossiers qui s’amoncellent contre les immondices. Un état dont la sorcière ne s’accommode que trop facilement, transforme la situation en simple entraînement et s’y enfonce encore plus profondément au fil des heures qui défilent.  

Sauf que le froid s’insinue dans son âme et transforme son sang en mélasse.Les miaulements indignés du chat de la maisonnée ne suffisent pas à rouvrir les vannes. Première étincelle d’inquiétude bien vite dévorée par le néant qui s’étend. Les sourcils se froncent légèrement, alors qu’elle ne parvient pas à ses fins. La carcasse frissonne une fois de plus, laisse Ragnar s’échapper de son étreinte glacée pour venir hurler devant sa cheminée. A croire que le presque familier avait compris ce qu’il se passait.

La sorcière soupire en se redressant, attrape sa baguette pour transplaner sans plus tarder.  Quelques coup à la porte suffisent à annoncer la présence de la renarde. Les céruléennes rencontrent leurs jumelles, s’illuminent à peine alors qu’elle retrouve son soleil. « Bonsoir Agnes. » que souffle la figure spectrale. La renarde n’est qu’à moitié présente, enfermée à triple tour au fin fond de sa propre caboche, les clés oubliées de l’autre côté. Et il n’y a plus qu’Agnes pour en détenir le double, les autres élus relégués au fin fond d’un autre tiroir enterrés. Qu’Agnes pour la ramener à la surface sans la juger, sans l’accabler de remontrance et vouloir l’embrigader dans une vie qui ne saurait l’intéresser. Celle qui la connaît assez pour savoir la faire revenir d’un simple claquement de ses doigts de fée. « Je suis désolée d’arriver à l’improviste, est-ce que je te dérange ? » Les sourcils se froncent sous l’idée de devenir un poids pour l’autre jeune femme. « Je peux repasser une autre fois, si c’est le cas. »

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La fillette dans ses bras s’endort doucement, de ce sommeil facile qui ne vient qu’aux enfants. La prunelle de ses yeux vient de clore les siens, et elle se sent presque coupable de la vague de jalousie intense qui l’envahit en sachant que Sybil s’apprête à passer une nuit tranquille. Elle l’aime, cette petite fille ; non, elle l’adore, comme on adore une relique. C’est un peu ce qu’elle est devenue, après tout : elle a les traits de sa mère, l’attitude aussi, et pourtant, parfois, c’est le père que l’on devine. Lorsqu’elle observe le monde avec émerveillement, lorsqu’elle poursuit un rayon de soleil et dérange la danse tranquille des grains de poussière qui s’y attardent, lorsqu’elle pose mille questions sur pourquoi, sur comment, tâchant de faire sens de tous les mystères qui l’entourent. Dans ces moments, Agnes ne voit plus que Sebastian et son sourire contagieux, Sebastian qui l’emmène danser parce que la vie est trop courte pour ne pas en profiter. Savait-il, l’amour de sa vie, pouvait-il pressentir que leurs jours de bonheur ne dureraient pas ? Agnes a beau être voyante, comme tant de femmes dans sa famille, elle n’a rien vu venir.

Et aujourd’hui, il ne lui reste plus que l’enfant, et ses yeux pour pleurer. Ce qu’elle a fini par cesser de faire, son corps abandonnant lâchement la bataille du deuil. Ne restent que les souvenirs qui vivent à travers l’enfant, qui dansent désormais en silence dans les ombres de cette demeure trop grande pour elles deux. Alors Agnes remplit la maison de fleurs, de dessins qu’elles réalisent ensemble, de pâtisseries et de biscuits soigneusement empaquetés pour leurs invités, ces gens qui restent une semaine ou deux, à qui elle reconstruit une vie. Elle laisse entrer Saturnine et sa douce folie, l’écoute conter mille histoires à sa petite fille ; elle prend le thé avec Malakai et Lorna, pour ne pas passer ses soirées à regarder l’horloge en attendant de se retrouver seule ; elle accueille d’autres réfugiés, acceptant bien volontiers d’héberger d’autres détresses sous son toit. Car porter la peine des autres lui permet de se sentir moins coupable lorsque la sienne s’allège, lorsqu’elle se surprend à sourire doucement.

Pourtant, avec la nuit qui tombe, revient le cortège des idées sombres. Alors, la mère envie l’enfant qui dort si paisiblement, la fillette qu’aucun cauchemar ne vient perturber. Les adultes n’ont pas ce luxe, eux qui doivent composer avec leurs tragédies privées et avec les drames de l’actualité. Et si, en journée, la jeune femme parvient à supporter le tout sans chanceler, c’est une autre histoire qui s’écrit lorsque revient le soir. Le carnet usé dans lequel elle recense ses pensées et ses visions à grands coups de fusain se noircit un peu plus chaque nuit, et les pilules discrètes qu’elle conserve dans sa chambre à coucher sont désormais le seul moyen de tout oublier. De plonger dans un sommeil sans rêves, sans accidents de moto, sans bûcher que l’on allume sur la place du village. Parce qu’elle y était, Agnes. Elle a assisté à cet événement dont plus personne ne parle, ou seulement à voix trop basse, car l’on craint de réveiller le dragon qui sommeille, l’horreur qui n’attend qu’un mot pour ressurgir.

Ils ont rallumé les bûchers. Le pire moment de leur histoire, celle du monde sorcier et de sa violente rencontre avec le voisin moldu, est revenu comme si les temps n’étaient qu’un cycle sans fin et sans signification. Ils ont rallumé les bûchers, et elle n’a plus de larmes pour pleurer cette innocente inconnue, celle qui aurait pu être sa sœur, qui aurait pu être sa fille. Parce qu’elle s’est dit, justement, que ce n’était pas sa précieuse enfant. Oui, elle est jalouse ; oui, elle est égoïste. La petite médium voit clair dans son propre jeu, elle n’est pas quelqu’un de bien, peu importent les chagrins qu’elle console sans rien demander en retour. Cette façade n’est qu’une illusion, elle est affreuse et égocentrique, elle le sait.

Elle arrive à cette conclusion trop de soirs, depuis quelques semaines, chaque soir où personne n’est là pour lui rappeler qu’elle fait simplement de son mieux, qu’elle fait ce qu’elle peut. Mais cette fois-ci, un bruit familier interrompt le chemin déjà si familier. On frappe à sa porte, et elle descend tranquillement l’escalier pour éviter de réveiller l’enfant tout juste endormie, enfilant un châle de laine sur ses frêles épaules avant d’ouvrir l’huis.

« Lorna ? » s’enquiert-elle, légèrement surprise. Elle n’attendait personne ce soir, mais peut-être les Passeurs ont-ils besoin de son assistance de manière soudaine. À moins que ce ne soit son amie qui ait besoin d’elle : la blonde reconnaît les signes, le regard voilé de la rouquine, son air absent, à moitié préoccupé de la déranger, à moitié insouciant de tout et du monde qui l’entoure. « Ne dis pas de bêtises, tu ne me déranges jamais » affirme la Trelawney, s’effaçant pour laisser entrer son invitée. « Viens donc t’installer au salon, je nous prépare du thé. »  Les phrases sont bien rodées, il faut dire que ce n’est pas la première fois qu’elle reçoit ainsi une âme en peine. Et, comme tous les Britanniques, Agnes croit fermement aux vertus d’une douce infusion pour apaiser les tourments de ses proches. Les siens ont besoin d’autre chose - ces petites gélules, si bien dissimulées, vilaine addiction qui se construit un nid en elle soir après soir - mais le thé a bien des vertus, et elle ne se gêne pas pour les exploiter.

D’un geste de la baguette en bois d’aulne, la bouilloire s’anime et siffle bientôt le chant de son peuple. Deux tasses fumantes, emplies d’une décoction maison, rejoignent sans se presser les jeunes femmes, se posant sans bruit près du canapé confortable qui accueille leurs corps sans protester. « Lorna, sweetie… » entame la blonde, laissant les fumets de lavande et de camomille chatouiller leurs narines avant d’y plonger le museau, « Parle-moi, s’il-te-plaît » demande-t-elle, si doucement qu’on pourrait l’avoir imaginé. Elle s’empare de la main fine de son amie, entremêle leurs doigts pour mieux l’ancrer dans cette réalité. « Dis-moi ce que tu vois. »

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La renarde apprivoisée suit sans discuter les ordres de sa sorcière préférée. La silhouette s’installe dans le fauteuil alors que l’âme continue de vagabonder dans des contrées lointaines. Elle opine du chef pourtant, prouve qu’elle l’entend parfaitement. La voix de la jeune femme se transforme en fil d’Ariane qui promet de trouver la lueur au travers de la jungle qui vit sous son crâne. Les tasses s’envolent en douceurs jusqu’à elles sans qu’elle n’en prenne véritablement conscience. Ce sont les fragrances qui parviennent à l’atteindre et renforce le sentier qui la ramènera à la surface. Camomille et lavande, qu’elle note. Les odeurs qui détonnent au milieu au milieu de sa forêt tropicale. Des nouveaux fragments auxquels se raccrocher pour remonter. Les dextres s’entremêlent et les paupières papillonnent. Premier tressauts d’une conscience qui cherche à sortir de sa torpeur. Le processus se met doucement en marche, tel une vielle machine ayant du mal à démarrer à la première injonction.  

Le regard dérive de nouveau vers l’amie alors qu’elle peine à se défaire de ses airs rêveurs. « Un jour, je vous y emmènerai. » Futur affirmé d’une voix lointaine. « Je suis certaine que tu aimerais. La végétation luxuriante, les cascades. Les animaux aussi, qu’ils soient magiques ou non. » Les phalanges se resserrent légèrement contre celles de la sorcière. « La sylve s’est enrichie, le soleil passe difficilement à travers la canopée. C’est plus difficile d’en ressortir. » Le voulait-elle réellement ? Le doute s’installe, bien vite emporté par une kaléidoscope de Morpho disparaissant rapidement dans la brume. « Le brouillard est assez épais, une véritable forêt nébuleuse. » Une véritable masse en développement constant. Quelle étrange chose que la psyché humaine. Cette étrange capacité de s’étendre ou de se replier sur elle-même à l’infini, ne connaissant de limites que celle imposé par son imagination. « C’est paisible, un autre genre de cacophonie. » Celle effaçant le chant des problèmes de leur quotidien mouvementé. Là où il serait tellement plus simple de rester, de s’y perdre et de pas avoir à se laisser ballotter de tout les côtés par des émotions capricieuses. Et pourtant… Un soupir s’échappe de ses lippes  alors qu’elle s’efforce d’endiguer les nuages cotonneux et se raccrocher à cette réalité pas si alléchante que ça. Elle les connaissait les danger de cette utopie, de cette envie de rester plongée dans son cocon. « C’est parfois plus beau que la vraie vie, ce chaos végétal. C’est un peu comme l’espoir, tu sais ? Et pourtant, je la connais bien ma leçon. » Qu’elle murmure, se rappelle les paroles abrasives du seul ayant véritablement réussi à lui balafrer le myocarde. « L’espoir est un leurre destiné à nous empêcher d’accepter la réalité*. »

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Agnes ne connaît que trop bien ce regard absent. Depuis que Lorna a appris l’existence de l’occlumancie, elle s’est ruée sur ce savoir neuf comme d’autres se sont rués vers l’or. Et avec le même résultat : le monde, les proches, mis entre parenthèses. Parce que l’objectif est plus important que tout, la jeune Serdaigle doit savoir, elle doit comprendre de l’intérieur les mécanismes de l’esprit. Quitte à laisser un peu plus d’elle-même à chaque exploration de cette sylve qu’elle décrit avec tant de poésie.

« Tu sais que j’aimerais pouvoir t’accompagner » reprend la petite voyante, d’un ton qui indique le regret. C’est qu’elle aussi, vilaine envieuse, voudrait disposer d’un jardin secret dont la luxuriance parviendrait à dissimuler l’ampleur de tout ce qu’elle ressent. Elle voudrait pouvoir y enterrer toutes ces émotions qu’elle se déteste d’abriter en elle : la colère, la jalousie, la paresse parfois. Elle ne voudrait plus laisser de place qu’à l’immense tristesse, quitte à se noyer dans ses flots. Elle voudrait qu’on la détache de toutes ces responsabilités qui l’ancrent dans la morne réalité, qu’on la laisse voguer sur l’océan des souvenirs douloureux et pourtant si tendres - douloureux parce qu’ils sont tendres, justement. « Mais pour qu’on puisse y aller, il faut d’abord que tu en reviennes. »

Reviens-moi, petit renard. Range ta maudite curiosité au placard, et reviens-moi. On a tout un monde à explorer ensemble, tu te souviens de ce qu’on s’était promis, il y a dix ans ? Qu’on ferait ces voyages ensemble, toi et moi. Ne pars pas trop vite, trop loin, là où je ne peux pas te suivre.

Elle laisse les descriptions de la rouquine envahir son propre esprit, tente d’imaginer autre chose que la lande stérile sur laquelle ses visions se produisent. En vain. Elle voudrait dessiner ce paysage sylvestre, illustrer de mille couleurs les créatures que Lorna peut apercevoir dans cette étrange transe. Mais les tons et les teintes ne lui répondent plus comme avant, elle ne parvient plus à créer depuis la prison de deuil dans laquelle elle s’est bien volontairement enfermée. La cage est ouverte, pourtant, mais elle refuse les mains tendues, elle veut se complaire dans ce poids qui déjà s’allège progressivement en journée - pour mieux revenir peser sur ses frêles épaules une fois la nuit tombée.  Elle se déteste d’aimer ce poids, se déteste de le sentir s’alléger, elle a l’impression de trahir ceux qu’elle pleure, lorsqu’elle sent les larmes s’assécher.

Moi aussi, je voudrais m’enfuir. Mais j’ai jamais été douée pour les jeux de l’esprit, que ça soit la voyance ou l’occlumencie. Un cas désespéré. Et je t’admire d’y parvenir, mais il faut que tu reviennes, que tu me reviennes. Sans toi, où est-ce que j’irais ?

« Je crois que je peux comprendre. Vraiment. Parfois, le monde est plus beau quand on peut l’imaginer. »

Sa voix est douce, un peu frêle encore, les cordes vocales vibrent de tout ce qu’elle ne parvient pas à formuler - c’est pour les gestes, davantage que pour les paroles, qu’elle a toujours été douée. Un bras passé autour de la naufragée, l’autre main délaisse celle de l’amie pour s’emparer d’une tasse de thé. Elle sait, instinctivement, que le meilleur moyen de ramener son amie à la réalité est de l’y ancrer par tous les sens - la vision reviendra en dernier, comme toujours. Mais elle peut commencer par l’odorat, et maintenant, le toucher. « Tiens, ta tasse de thé. Attention, c’est chaud » prévient-elle, le ton un rien plus assuré. Elle va y parvenir, va ramener Lorna en terre familière. Elle ne sait pas deviner le futur, mais elle sait cela : aider les gens, elle peut faire. « Et cesse de tenir des discours idiots, tu peux me citer tous les philosophes que tu veux, moi, l’espoir, j’y crois. Et j’y croirai toujours -  tant qu’un reste de sang coulera dans mes veines*. »

Et elle aimerait presque mentir, la petite voyante. Seulement voilà, mentir, elle n’a jamais su faire. Et elle réalise qu’elle y croit, à cet espoir. Un jour, tout ira mieux. Un jour, on ira mieux - toi comme moi. Comme pour la soutenir dans ses efforts, c’est le moment que Smoky choisit pour sortir de sa cachette, grimpant depuis la poche où on l’a fourré pour atteindre les genoux de sa propriétaire, et souffler par ses minuscules naseaux pelucheux un nuage violacé.

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L'attrait du savoir, ce besoin de comprendre et de se maîtriser, la recherche d'une perfection impossible à atteindre. Quelle autre spécialité aurait pu lui offrir cette satisfaction que celle lui permettant de disséquer les moindres recoins de sa propre psyché pour mieux la reconstruire sous la forme d'un dédale impénétrable où chaque secret finissait enseveli avec soin ? Une quête dans laquelle la renarde s'est jetée à corps perdu. Le besoin d'en découvrir plus, la curiosité trop tenace pour se contenter de ce que Poudlard avait à lui offrir. Peut-être était-ce cela, le point faible des Serdaigles : cette minuscule étincelle vorace nichée au fin fond de leurs cervelles. Celle qui réclame toujours plus, insatiable vortex qui ne cesse d'ingérer la moindre parcelle d'information leur semblant un tant soit peu intéressante.  Des pointes d'orgueil qui viennent calciner les ailes, les ramènent violemment à leur condition humaine avant qu'ils n'essaient à nouveau de s'envoler, trop entêtés pour simplement rester en sécurité.

Les regrets viennent lui picoter l'épiderme et ses phalanges se resserrent autour de celles de la sorcière d'un geste instinctif. Un moyen comme un autre de lui montrer qu'elle n'a pas entièrement disparu dans les méandres de son esprit, qu'elle continue de se débattre pour revenir à la surface. Je reviendrais toujours pour toi, qu'elle songe la petite renarde. Se rappelle des multitudes de promesses échangées, leurs mains entrelacées. Pas de petit prince, pour la Prewett, ni même de rose.  La renarde s'est laissée apprivoiser par la plus belle des étoiles. « Je ne suis jamais très loin. » qu'elle lui souffle. « Tu me promets qu'un jour on ira toutes les trois ? Juste toi, Sybil et moi ? Saturnine aussi peut-être, si elle le souhaite. » Voix encore rêveuse qui s'élève, peut-être à peine plus distincte. « Des vacances loin de Godric's Hollow et de tout ce qu'il s'y passe. On aurait droit à une jolie plage, le soleil pour réchauffer nos âmes, même une eau de coco. » Qu'elle aime à s'imaginer la renarde. « Loin des réalités, et loin des souvenirs. *» Juste elles et un bonheur, aussi fugace puisse-t-il être, tant qu'elle entend leurs rires résonner.

« C'est beau, à n'en pas douter. » qu'elle acquiesce sans véritablement réfléchir, les filtres n'ayant pas lieu d'être en sa présence. Et pourtant, il lui manque quelque chose. Quelqu'un. Le parfum de la Trelawney envahit la canopée et efface le pétrichor. La chaleur de son bras autour de ses épaules.  Un fin sourire ourle ses lippes, laisse entrevoir quelques notes de mélancolie.  « Mais tu n'y est pas. » Condamnation sans appel envers l'univers qui vit à l'intérieur de sa tête. « Je ne veux pas d'un monde sans toi. » Parce qu'il n'y a pas de moi sans toi. Les vies entrelacées depuis l'enfance, deux âmes se trouvant par hasard sur les banc de Poudlard n'ayant jamais su se quitter. « Merci. » Les mains se referment avec précaution autour de la tasse, laissant le breuvage fumant lui réchauffer l'épiderme sans la brûler. Les sens reviennent petit à petit, l'ancre toujours un peu plus dans le monde réel. La première gorgée lui arrache un soupir d'aise. Les paupières papillonnent légèrement, le regard qui retrouve un peu de clarté, alors qu'elle entend les douces remontrances. « Alors si toi tu y crois, peut-être que je devrais aussi lui donner sa chance à l'espoir. » Même s'il n'est pas aussi joli que ça, après tout, l'espoir n'a rien de ces somptueux oiseaux aux ramages colorés. Si elle n'avait pas toujours foi en cet espoir qui lui avait déjà fait cruellement défaut, la blonde tient l'entièreté de sa confiance au creux de ses mains. Et comme pour confirmer les dires de la Trelawnay, le magizogotchi s'échappe de sa poche pour venir lui délivrer un volutes de fumées aux senteurs lavande. Les céruléennes se baissent pour observer la petite peluche qui s'agite, comme inquiète par l'état de sa maîtresse. Les dextres reposent la tasse sur la table basse avant de venir caresser la petite tête blanche. « Calme-toi, je vais bien. » Mantra toujours répété qui finira par devenir réalité. Les émotions continuent de faire rage sous la surface pour cette défunte qu'elle ne connaissaient qu'à peine, refuse encore de se calmer malgré la présence de la Trelawney à ses côtés. Ca aurait pu être elle. La réalisation la frappe de plein fouet. « Les derniers événements m'ont un peu ébranlées et je me suis laissée happée. Je suis désolée. » Sa tête vient se caler contre l'épaule de la blonde, se rassure par sa présence.

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Il est des promesses que l’on ne saurait tenir. Mais celles-là, dans l’opinion d’Agnes Trelawney, sont de celles qu’il vaut mieux ne pas prononcer. Les mots ont un sens, l’honneur et la parole donnée aussi. Alors elle ne s’engage pas dans le vide, et fait de son mieux pour tenir chaque serment - aussi enfantin soit-il. Elle a promis beaucoup de choses à Lorna Prewett, au fil des ans. Promis qu’elles s’aideraient toujours, quel que soit le problème ; promis qu’elles seraient les demoiselles d’honneur l’une de l’autre ; qu’elles affronteraient la vie ensemble, qu’elles exploreraient le monde ensemble. Peut-elle véritablement dire qu’elle a tenu toutes ces promesses ? Les premières, sans aucun doute. Même pour le mariage, Agnes a tenu parole, vexant au passage ses sœurs aînées qui se seraient bien vues dans le rôle de témoins - et elle n’attend que l’occasion propice pour rendre le même service à sa meilleure amie. La dernière promesse, toutefois, reste lettre morte - Agnes n’aime guère voyager, et n’a quitté l’île de son enfance qu’une seule fois. Mais pour Lorna, elle le ferait. Et puis, récemment, on lui a proposé un autre voyage - elle n’a pas pris l’offre trop au sérieux, tout d’abord, mais voilà que la date du départ se rapproche doucement et Orion Flamel n’a pas l’air d’avoir changé d’avis…

« Je te promets » souffle-t-elle, doucement. Elle fait tout de cette manière, depuis quelque temps. Elle vit sur la pointe des pieds, elle a soudainement peur de déranger. Peur que son petit orage aille pleuvoir dans la vie des gens qu’elle aime, peur de la pitié qu’elle pourrait voir dans leurs regards. Peur d’attirer sur eux son malheur, ce que l’on commence à appeler la malédiction des Trelawney. « Je n’ai jamais bu d’eau de coco » soupire la blonde, un peu rêveuse. Peut-être que Lorna a raison, après tout, avec ses rêves d’ailleurs. Peut-être que, par le vaste monde, peu de gens ont entendu parler du don des Trelawney, et encore moins de leur supposée malédiction, qui entraîne vers l’au-delà celles et ceux qui ont le malheur de vouloir trop s’approcher - ou trop s’accrocher. « Peut-être qu’ils ont ça, en Inde ? » demande-t-elle, suivant son propre chemin de pensée, bien éloigné de celui de la rouquine à son côté.

Elle s’empare à son tour de la tasse fumante qui lui est réservée, inspire profondément les vapeurs apaisantes - pas assez, jamais assez. Ce soir encore, elle aura besoin de sa petite pilule pour trouver le sommeil. « Moi non plus, je ne veux pas d’un monde sans toi. C’est pour ça que j’ai besoin que tu reviennes. » J’ai besoin de toi, Lorna. S’il-te-plaît, reviens-moi, mon monde est trop tranquille lorsque tu n’y es pas. Et j’ai déjà trop perdu, je ne peux pas te perdre toi aussi.

Smoky se glisse sur les genoux de sa propriétaire - cadeau offert il y a des années déjà, l’un de ceux dont elle est peut-être la plus fière. Elle a vidé sa tirelire en forme d’Ethonan - cassé sa tirelire en forme d’Ethonan serait plus exact, un coup de batte de Quidditch et le tour était joué, Maman avait hurlé mais Papa avait souri et Agnes aussi, elle savait exactement ce qu’elle voulait acheter au magasin de farces et attrapes. Le minuscule Opaloeil en vitrine, celui qui venait à peine d’éclore de son œuf en peluche. Et pas pour elle, non, pour la rouquine dont elle était à présent inséparable. Tu as raison, Annie : il faut prendre soin de ses amies, autant que de sa famille.

Peut-être a-t-elle oublié la seconde partie de la phrase du sage Bertram Scrimgeour. Ou peut-être a-t-elle décidé que sa famille se résumait désormais à la gamine endormie à l’étage. Parce que le reste de son cercle familial… On ne peut pas dire qu’elle en prenne soin. On peut dire qu’elle a essayé - mais pas qu’elle a réussi. Agatha fait ça beaucoup mieux qu’elle, de toute manière - mais Agatha veut sans cesse réconcilier tout le monde, et la benjamine refuse tout net de se retrouver dans la même pièce que l’intransigeante Edith. Alors, Agnes prend soin de la famille qu’il lui reste. Elle prend soin des deux tombes aussi, celle du père et celle de l’époux, laissant Sybil aux bons soins de Malakai pour se rendre au cimetière de Godric’s Hollow chaque samedi - parce qu’elle sait qu’Edith y va le dimanche. Edith fait toujours tout comme il faut, et il ne faut surtout pas la déranger - Edith a des choses importantes à faire, sans doute ne prend-elle même pas le temps d’arroser les fleurs colorées dont sa cadette parsème les caveaux à chaque passage.

« Ça finira par passer » répond doctement la blonde. C’est son mantra à elle, les choses finissent toujours par passer. Les sentiments… C’est plus compliqué. Mais elle peut prétendre un petit peu, pour rassurer l’amie qu’elle perçoit toujours troublée. Le retour à la réalité est compliqué, un peu plus à chaque aventure de Lorna dans cette forêt qui n’appartient qu’à elle. Il faut l’arracher à la sylve, tout en douceur et pourtant c’est un arrachement, elle en a bien conscience. Et que se passera-t-il, le jour où la douceur d’Agnes ne suffira plus ? Faudra-t-il qu’elle replonge dans le feu qui a baigné son adolescence, qu’elle retrouve la fougue de ses toutes jeunes années ?

Non qu’elle soit bien vieille, la benjamine des Trelawney. Même pas la trentaine, et pourtant, il lui semble parfois qu’elle a déjà vécu plusieurs existences. L’adolescente qu’elle était n’est pas tout à fait elle - elle aurait détesté, Annie, cette douceur percluse de douleurs mal dissimulées que l’on perçoit aujourd’hui chez elle. Elle aurait détesté le calme de cette maison, elle qui avait toujours voulu une ribambelle d’enfants pour l’entourer, elle qui adorait prendre soin des nouveaux arrivés dans l’équipe de Gryffondor. Elle aurait apprécié, toutefois, de savoir que l’amitié avait perduré, plus forte que le temps et les éloignements dûs à l’entrée dans la vie professionnelle, plus forte que les deuils privés et les tragédies publiques. Ce sont d’ailleurs ces dernières qui ont amené Lorna sur le pas de sa porte, voilà ce qu’elle comprend des paroles sibyllines de la rouquine.

« Désolée de quoi ? Les événements, comme tu dis, sont terrifiants. Personne ne pourrait t’en vouloir d’avoir cherché à te protéger. Mais je crois que vivre dans tes pensées… Je ne suis pas sûre que ce soit ce qui t’aidera. » Est-ce que ça ne serait pas un peu Sainte-Mangouste qui se moque de la charité ? Peut-être. Mais le pincement de l’hypocrisie n’empêche pas la lionne de continuer, serrant son amie tout contre elle. « Moi, je serai toujours là. Ma porte est toujours ouverte, et je suis contente que tu sois venue la pousser. »

« Est-ce que tu voudrais essayer… d’en parler ? Ou est-ce que tu préfères qu’on change de sujet, pour un moment ? Tu veux me parler du Ministère ? Ou que je te raconte les dernières aventures de Sibyl ? »

Je pourrais te parler de la pâtisserie. De ce voyage en Inde, aussi. De tout ce que tu souhaites, Lorna, tant que tu restes ici, avec moi.

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Un sourire vient éclairé son minois à la nouvelle promesse qui les lie. Une plus joyeuse que d'autre, porteuse d'espoir et de projets lumineux. De celle qui rappelle le murmure de vague et la sensation du sable chaud sous ses pieds nus. Un petit détail dénote pourtant. « Jamais ? » Qu'elle répète, un peu hébétée. Mais quelle est donc cette hérésie ? Le nez se frousse alors qu'elle tâche de rajouter ce détail à la liste des choses à faire lors de leurs prochaines vacances en dehors du Royaume-Uni. « C'est plus que probable oui, ils doivent bien en avoir là-bas. » Beaucoup d'autres types de jus dont elles n'ont pas eu l'occasion de goûter. Le tout sans compter les plats et autres saveurs bien différentes de la cuisine britannique.

La sorcière sirote doucement la tasse de thé, prend garde à ne pas se brûler. Les notes florales viennent lui ravir les papilles. Le sérieux de la conversation la rattrape bien vite et elle opine doucement du chef, perce gentiment la surface pour retrouver le salon de son soleil personnel. « Je reviendrais toujours pour toi. » qu'elle affirme. Pas la moindre trace de doute dans sa voix. S'il y avait bien une personne capable de la ramener sur les rivages de la réalité, il s'agissait bien de la Trelawney. Peut-être le que le plus jeune de ses frères y parviendrait également, les deux trublions bien trop en phase pour qu'il ne la laisse s'enfuir là où il ne pourrait la retrouver.

La peluche s'agite légèrement semble s'animer de remontrances muette envers sa propriétaire. Un petit reniflement à semi-amusé lui échappe alors que les phalanges flatte la tête pelucheuse. Les céruléennes s'imprègnent pourtant d'une certaine dose de culpabilité. « Je suis désolée de t'inquiéter autant. » D'être un poids de plus sur tes épaules, comme si tu n'avais pas déjà assez de choses à gérer. De ne pas réussir à sortir toute seule de ma propre caboche. De ne pas savoir gérer tout ça, ces émotions, ces sentiments, et de tout enterré jusqu'à ce que tu ne me ramènes à la surface. Trop d'excuses qui se perdent, qui ne seront qu'effacées d'un geste de la main ou d'un froncement de sourcil. Pire qui pourrait lui attirer les foudres de la sorcière. « Je sais Annie, et la mienne t'es toujours ouvert. Je crois même que tu en possèdes un double des clés. » Ses bras encerclent l'amie, lui rend son étreinte qui endort peu à peu chacune des idées noirs traînant encore sous son crâne. « Peut-être un peu plus tard, quand j'aurais pu démêler tout ce qui se trame sous mon crâne. C'est cette réalisation que cela aurait pu être n'importe lequel d'entre nous. » N'importe lequel membre de la communauté sorcière transformé en proie, l'humanité retournant des siècles en arrière et utilisant les méthode les plus abjectes qui soient.


« J'aimerais que tu m'en dise plus sur ce fameux projet concernant l'Inde. Pour quand est prévu le départ ? » Les mirettes se dardent sur le visage de l'amie, y cherche une réponse muette. « Qui donc a bien pu réussir à te convaincre de l'accompagnée ? » La curiosité s'éveille à nouveau, se pare même d'une petite étincelle malicieuse. Peu de personnes sauraient convaincre la Trelawney de quitter sa terre natale. Et quiconque réussissait cet exploit était digne d'une attention particulière. Surtout quand la sorcière n'en avait pas pipé le moindre mot auparavant. Une personne était parvenu à s'attirer suffisamment l'affection de son amie la plus précieuse et elle crevait d'envie d'en savoir plus. Et à l'encourager dans cette voie, lorsque ça semble éveiller une étincelle de bonheur dans son regard si clair. « Est-ce quelqu'un que je connais ? » Les questions s'enchaînent et elle n'en démordra pas la renarde.

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« Jamais » confirme la petite blonde. Elle a un peu honte de cela, parfois, de n’avoir jamais quitté son pays natal, d’être tellement rustique. Et pourtant, elle n’a jamais jusqu’ici ressenti un quelconque désir d’évasion, l’Angleterre n’est pas sa prison mais son nid - et peut-être a-t-elle simplement peur de s’envoler.

Et tant que ses proches lui reviennent, tant qu’on ne l’abandonne pas à cet abysse qui s’est ouvert en elle et dans lequel elle ne demande qu’à plonger, parce qu’elle a l’impression que ne pas plonger serait manquer à son devoir d’endeuillée… Tant qu’ils reviennent, elle n’a pas besoin de partir. Tant que la tête rousse posée sur son épaule est consciente, tant qu’elle se saisit de l’ancre que lui tend Agnes, tout va bien. Ou, plus exactement, tout ira bien. Elle n’a pas vraiment menti, plus tôt : elle n’a jamais cessé de croire en l’espoir.

« Tu as bientôt fini de raconter des bêtises ? À quoi servent les amies, si ce n’est à s’inquiéter lorsque ça ne va pas ? » demande-t-elle sans acrimonie. Étonnant, cette facilité qu’elle a, à déployer ses meilleures qualités face au cercle réduit de ses amis, alors même qu’elle en est incapable avec sa famille. Au contact de ses sœurs, Agnes est impatiente, colérique, têtue au point d’en être bornée. Pourtant, en une autre compagnie, voilà qu’elle se révèle douce, tendre même. Elle se découvre des trésors de patience et de compassion, ces mêmes capacités qui semblent disparaître lorsque les Trelawney se retrouvent. C’est la faute des autres, pense-t-elle, sans doute injustement : Agatha et sa manie de vouloir forcer tout le monde à être heureux, Maman qui veut exploiter le don autant qu’elle peut, et Edith pour qui tout doit être parfait, insupportablement parfait… N’a-t-elle pas un peu de responsabilité, dans la création de l’abîme qui les sépare désormais ?

Elle préfère ne pas trop y penser, et revenir à l’instant présent elle aussi. À son tour de poser le front sur celui de son amie, entremêlant les mèches blondes et rousses alors que Smoky manifeste son approbation en soufflant un nouveau panache de fumée veloutée. « Je dois avoir ça quelque part, en effet » sourit-elle. C’est le genre d’objets qu’elle pourrait perdre aisément, si elle n’était pas magicienne et capable de retrouver les clés d’un simple Accio. Les sortilèges sont parfois bien pratiques, pas de doute là-dessus, et puis elle aime la créativité qu’ils lui permettent, l’émerveillement qu’ils font naître dans les yeux de Sybil. Elle est loin d’être la meilleure sorcière de la famille : les charmes de Titania en particulier sont subtils, Agatha est imbattable en métamorphoses et peut tenir un groupe d’enfant captif de ses expériences visuelles pendant des heures. Elle s’en sort toutefois plus qu’assez pour être utile - au salon de thé dans lequel elle travaille, ou pour aider les Passeurs à camoufler l’existence de transfuges le temps de leur créer une nouvelle identité.

Le sujet est de ceux qu’elle n’a pas encore abordés avec Lorna, d’ailleurs. Peut-être serait-ce le bon moment, cette soirée tranquille pendant laquelle chacune éponge les tristesses de l’autre pour les rendre plus légères à supporter ? Elle s’apprête à tirer la discussion dans cette direction, mais le renard a le flair trop fin pour ses tentatives de subtilité.

« L’Inde ? Oh, heu… ça. » Ses joues s’empourprent légèrement, et elle est soudain contente de la semi-obscurité que confère l’éclairage doux de sa demeure. Elle sait pourtant que les amicales céruléennes ne seront pas dupes bien longtemps. Pour autant, elle est bien incapable d’expliquer ce qui fait naître sur son visage une telle sensation de chaleur. Et la petite voyante choisit de croire que c’est l’indélicatesse d’avoir accepté cette suggestion, ce voyage si lointain alors même que son amie la nargue de propositions depuis des années. « Je suis désolée, j’aurais dû t’en parler plus tôt… À vrai dire, je ne sais même pas pourquoi j’ai accepté. Sans doute parce que je croyais qu’il n’était pas vraiment sérieux, je veux dire, l’Inde, Lolo, c’est si… loin ! »

« Le départ est prévu pour août, il s’agirait de quelques semaines si j’ai bien compris ? J’ai pas trop osé demander… Par Merlin, Lorna, dans quoi est-ce que je me suis embarquée ? Et si Sybil tombait malade pendant le trajet ? Mais je ne peux pas la laisser ici, qui la garderait pendant tout ce temps ? » Autant de questionnements qu’elle a esquivés jusqu’à présent, mais qui surgissent de ses lèvres à peine l’interrogation innocente posée par la compagne de ses incartades adolescentes. « Je n’aurais jamais dû accepter, mais c’est Orion Flamel, Lorna, comment est-ce que j’aurais pu refuser ? Si un alchimiste de renom te proposait de partir à l’étranger pour découvrir de nouvelles saveurs à incorporer à la cuisine de Madame Guillotine… Tu aurais accepté aussi, pas vrai ? »

Les informations sont quelque peu désordonnées, et cette fois ce sont ses doigts qui se serrent de mille minuscules anxiétés. Et si ce périple la forçait enfin à déployer ses ailes, à s’envoler ?

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