temporalité du rp : le samedi 19 mars 1955
personnages concernés : Dolores & Solène Abbott
trigger warnings : aucun à ce stade
intervention autorisée du mj : [ ] oui [X] non
autre(s) : /

IN FOR THE KILL - 2021-2022

Tu avais ensorcelé ton calendrier pour qu’il te rappelle la date, mais tu n’as finalement pas attendu que ton enchantement fasse son effet. Tu as pris les devants, reste à espérer qu’elle appréciera le geste… La communication n’est pas exactement facile entre vous : vos personnalités sont complètement différentes, pour ne pas dire diamétralement opposées. Cela ne t’empêche pas de l’apprécier, bien sûr. Juste de trouver les mots avec lesquels lui dire cela. Tu t’es toutefois promis d’essayer, pour Thomas. Sans qu’il ait besoin d’insister, sans même qu’il y ait visiblement pensé. Non, tu as tout prévu de ton côté, et tu ne l’as prévenu que le jour J.

Je sors, mon amour. J’ai rendez-vous avec Dolly, je lui remettrai ton bonjour que tu as lancé en direction du salon dans lequel il s’est installé. Le match va bientôt commencer, mais il est encore temps pour lui de réclamer un baiser, que tu lui accordes avec toute la fougue que permet ton maquillage soigné. Laisse-moi partir, honey, tu as des invités dont tu devrais t’occuper lui souffles-tu alors qu’il te retient encore. Pourtant, tu apprécies le début de désir que tu vois danser dans ses yeux alors que tu t’éloignes. Pas de doute, vous êtes faits l’un pour l’autre, songes-tu en fermant derrière toi la porte de votre confortable demeure pour laisser ton époux à la diffusion radiophonique de la demi-finale de Quidditch, qui oppose les Harpies de Holyhead aux Canons de Chudley.

Tu te diriges vers la rue commerçante du quartier de Mandrake Alley. Tu n’attends pas longtemps, elle te rejoint bientôt. Dolly chérie, comment vas-tu ? Introduction évidente, qui manque un peu d’originalité - loin de la tante rêvée… Ah non, pas aujourd’hui, décides-tu. Tu ne laisseras pas ton ego ruiner ce moment qui ne t’est pas destiné. Tu es là pour elle, un point c’est tout. Tu n’es pas parfaite, mais cela ne t’empêchera pas d’essayer, encore et toujours, de te rapprocher de la filleule de ton mari adoré. Tu dois te demander pourquoi je t’ai conviée ici et tu souris, tu apposes sur ton visage le masque de la tante bienfaitrice, un masque qui est encore trop neuf pour t’aller tout à fait… Mais on a dit que tu essaierais. Ne renonce pas tout de suite, ne gâche pas tout.

C’est que… Ton anniversaire approche, et j’avais envie de t’offrir un petit quelque chose. Sauf que… Bon sang, pourquoi hésites-tu autant ? À croire qu’elle te fait peur. Dolores n’est encore qu’une enfant, ou de peu s’en faut : dix-huit ans bientôt parachevés, et dans ses yeux immenses, toujours l’étincelle de la jeunesse… Tu penses comme ta mère, réalises-tu tout à coup. Tu n’es pas encore assez vieille pour ces conneries. Sauf que je ne savais pas ce qui te ferait plaisir, exactement. Et je ne voulais pas me rater, c’est beaucoup trop important la dernière partie de cette phrase t’échappe, tu serais incapable de résister à un interrogatoire, toi qui te vantes pourtant de ton esprit si stratège. Mais la gamine a le don de te regarder avec un tel sérieux que tu en perds ton calme si soigneusement composé. Elle te rend nerveuse, tellement nerveuse… Tes mains se serrent sur la poignée de ton sac à main en cuir de veaudelune, mais tu déglutis et te forces à poursuivre. Bref reprends-tu en inspirant un grand coup, je me suis dit que nous pouvions en profiter pour trouver ensemble ce qui te plairait… Ici ? Ton affirmation sonne comme une question, et ta bouche aux lignes élégantes se tord sous l’effet de la contrition.

J’ai pensé qu’on pouvait commencer par la Maison Malfoy, au cas où tu aurais besoin d’une nouvelle robe pour fêter l’occasion. Je connais la propriétaire tentes-tu de plaisanter, malhabile comme un faon nouveau-né. Et après, on pourrait prendre un goûter chez Madame Guillotine proposes-tu, ton français impeccable volant à la rescousse. Qu’est-ce que tu en dis ?

Tu gardes ta meilleure idée sous le coude, pour un instant encore. Mieux vaut avoir une botte secrète, on ne sait jamais… Ah voilà, on le savait, que tu étais fine tacticienne. Tu vois ? Quand tu veux, tu peux.

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L’invitation de Solène l’avait laissée perplexe. Oh, Dolores n’avait rien contre sa tante, bien au contraire, mais elle ne se rappelait pas qu’elles aient jamais passé du temps, seules toutes les deux, ou alors très peu. Aussi, la demande n’avait fait qu’agiter sa curiosité. Par réflexe, elle s’était tout d’abord interrogée sur quelque chose de potentiellement grave que la jeune femme aurait eu à lui annoncer. Mais non, voilà qui était absurde ! Si vraiment un malheur quelconque se profilait à l’horizon, c’est certainement à Thomas ou Ronald qu’elle aurait parlé et non pas à elle. C’est donc presque fébrile, et peut-être un peu anxieuse qu’elle aperçut la silhouette de Solène, qui l’attendait dans la rue commerçante. Dolly vint à sa rencontre avec l’impression de marcher sur des sables mouvants. Elle n’était pas d’un naturel timide pourtant, mais il y avait toujours eu chez cette femme quelque chose qui l’impressionnait. Sa beauté, sa stature, son élégance, sa présence qui pouvait facilement remplir une pièce entière. Elle était l’une des rares personnes face auxquelles la jeune Abbott craignait absurdement de dire ou faire une bêtise par mégarde.

S’entendre appeler chérie de sa bouche lui procura une sensation étrange. Aucune animosité n’avait jamais régné entre elles, et pourtant les rapports, bien que cordiaux avaient quelque chose de… peu naturel. Presque forcés, par moments. Un sourire se dessina sur son visage alors qu’elle cherchait comment la saluer correctement. « Très bien et toi ? » L’incertitude se peignait dans son regard, mais elle n’eut guère besoin de la questionner. Solène ne tarda pas à entrer dans le vif du sujet, la prenant au dépourvu au passage.

Son anniversaire ! De tout ce qu’elle avait pu imaginer, c’était bien le seul élément qui lui avait complètement échappé. La surprise lui donnait l’air sans doute plus sérieux que voulu compte tenu des circonstances, mais elle était infiniment touchée par l’attention. Elle secoua la tête et adressa un sourire radieux à sa tante qui lui annonçait le programme. « J’adorerais, merci. » La formule lui sembla d’une banalité à pleurer, mais elle n’était pas certaine de comment s’exprimer autrement. Lui sauter au cou ? Non, ç’aurait été étrange, et peut-être malvenu pour sa tante. Elles n’avaient pas (encore ?) ce type de rapport.

Dolly se tourna vers le bâtiment qu’elle lui indiquait et ses yeux s’arrondirent en découvrant la maison Malfoy. « Ca a l’air… parfait. » Solène avait visiblement tout prévu. « Je crois que je ne suis jamais entrée ici. » Il faut dire que son intérêt pour la mode avait été relativement peu présent. Elle était trop jeune à la mort de sa mère pour avoir jamais eu l’occasion de faire les boutiques avec elle, et l’uniforme qu’elle avait dû porter des années durant à l’école l’avait délestée de ce souci. Et puis de toutes manière, elle doutait que ses parents aient jugé approprié qu’elle possède de si beaux vêtements si jeune. Ce n’était que récemment que l’intérêt s’était éveillé, pour la mode moldue tout d’abord, avant de s’étendre. Et elle était plus que curieuse de voir à quoi ça ressemblait, à l’intérieur.

Il était bien étrange de plonger dans une activité si connotée mère-fille, alors que Dolly n’avait jamais eu l’opportunité de la vivre avec la sienne. Mais trop de temps avait passé et elle était trop âgée maintenant pour en ressentir une quelconque culpabilité. Juste une sorte de pincement dans la poitrine, qu’elle s’efforça d’ignorer, à défaut de pouvoir le chasser.

Alors qu’elles marchaient en direction de la prestigieuse Maison, la jeune fille se tourna vers sa tante, dans un effort pour entamer la conversation et éviter qu’une gêne s’installe. « Tu y as travaillé, non ? » Il lui semblait qu’on le lui avait dit, du moins. Elle avait la désagréable impression qu’aucune de ses parole ne s’exprimait naturellement, comme si elles devaient provoquer leurs échanges. Elles se connaissaient bien peu en vérité et peut-être ce moment privilégié à deux saurait enfin briser la glace.  

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Splendidement bien réponds-tu à l’enfant qui n’en est déjà plus une, le glas de ses dix-neuf printemps bientôt sonné.

Solaire, tu es resplendissante dans cette tenue élégante sans être tape-à-l’oeil, classe à la française que tous ici apprécient. Tu es en terrain connu, dans ce quartier, dans cette rue en particulier. C’est ici que tu te sens encore le plus chez toi, presque davantage que dans votre demeure, cette maison où tu partages un lit avec l’unique amour de ta vie.

Son sourire pourtant te fait douter de la puissance du charme que tu crois irradier. Le chérie était de trop, n’est-ce pas ? Le doute, encore et toujours, pernicieuse créature qui envahit chacune de tes pensées pour peu que tu lui laisses le temps de s’y engouffrer. Une fraction de seconde suffit en général à laisser s’infiltrer l’hésitation, alors tu demandes, incertaine soudain :

Si cela te convient, bien sûr ?

Surtout ne pas montrer que tu doutes, mais trop tard, déjà elle répond et tu respires plus aisément, elle t’accompagnera, et plus que cela, le programme lui semble parfait. Le terme te plaît, la perfection est ton objectif ultime - mais n’est-ce pas le cas de toutes celles qui t’entourent ? Tu n’as jamais rien connu d’autre, tant de ta grand-mère que de ta mère, blonde glaciale à qui l’on donnerait le Valhalla sans confession… Aussi, parfaite tu es - parfaite tu seras. Et si, dans le passé, tu as été moins que cela… Le passé n’a qu’à rester là où il est.

Sartre a écrit - ou peut-être n’était-ce pas Sartre, après tout tu n’y connais rien en philosophes existentialistes, même s’ils sont français, peut-être était-ce quelqu’un d’autre qui a écrit ces mots : L’émotion la plus ancienne et la plus forte de l’humanité est la peur, et la forme de peur la plus ancienne et la plus forte est la peur de l’inconnu. Mais toi, ce n’est pas l’inconnu que tu crains. C’est au contraire ces gens que tu ne connais que trop bien. Ces gens qui t’entourent et t’aiment, mais qui à la moindre erreur pourraient se tourner contre toi, faire de ta vie un enfer comme ces Vélanes trois fois maudites. Le passé peut rester là où il est, mais autant qu’il te serve de leçon : tu achèteras l’amour des autres de manière à ce que personne, jamais, ne te mette à nouveau dans cette situation.

Superbe ! Il y a un début à tout, Dolly chérie, et je suis ravie que nous puissions partager ce moment.

Stratège, tu as dans le regard ce quelque chose du diamant, c’est pur et raffiné, et à tout moment, tu peux couper, trancher sans pitié. Mais tu dissimules cette dureté, aujourd’hui tu es juste une tante qui veut découvrir sa nièce, et la couvrir de cadeaux coûteux te paraît une excellente méthode pour y parvenir. Peu importe le cynisme dont tu te pares, dans le fond tu voudrais juste qu’elle t’apprécie, pas vrai ? Mais ton ravissement, à tout le moins, est honnête. Tu es réellement heureuse de créer avec cette jeune fille un souvenir nouveau, quelque chose qui n’appartienne qu’à vous deux.

Sept années de ma vie, oui - neuf, si tu comptes les deux ans de stage que j’ai effectués au sortir de mes études à Beauxbâtons réponds-tu à Dolores. Le style ne passe jamais de mode cites-tu de mémoire - et dans la langue de Molière - alors que vous passez la porte du temple de Milena, grand-mère idolâtrée dont tu portes le prénom en lourd héritage. C’est ce que ma grand-mère dit toujours, tu sais ? Les modes passent, les coupes changent… Mais le style, lui, est toujours là.  

Sitôt ouvert l’huis, les souvenirs t’assaillent. Cette robe pâle te rappelle celle de ton premier bal, et ce tailleur, n’est-il pas quelque peu similaire à celui que tu as porté lors de ton premier jour de travail pour Pimentine ? Tu voulais impressionner cette cousine, un peu comme ta nièce aujourd’hui, lui prouver que tu avais les qualités requises.  Dirais-tu que tu as déjà trouvé ton propre style ? demandes-tu, curieuse de cette nièce que tu connais encore si peu.

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Splendide était un qualificatif qui caractérisait parfaitement Solène. Aux yeux de Dolores, sa tante était la perfection incarnée: toujours impeccable, toujours élégante. Elle était de ces femmes qui semblaient n’avoir jamais eu un cheveu de travers de leur existence et la petite brune en venait à être persuadée que si elle s’était glissée chez elle au saut du lit, l’épouse de Thomas aurait été tout aussi éblouissante que présentement. Pourtant, alors qu’elles étaient désormais seules, un certain malaise émanait de sa personne qui contaminait Dolly bien malgré elle. La jeune fille avait bien du mal à sourire et se montrer aimable sans avoir la nette impression que tout cela sonnait faux, alors même qu’elle avait un sincère désir d’apprendre à mieux la connaitre.

« Moi aussi ! » répondit-elle avec un enthousiasme non feint, et qui elle l’espérait sonnerait plus juste cette fois. Thomas l’aimait, c’était évident à ses yeux et depuis toutes ces années la jeune Abbott n’avait encore jamais vraiment pris le temps - ou saisi l’opportunité - d’approcher réellement sa tante. Cette dernière avait été jusque là de ces figures familières qu’on retrouve régulièrement à un repas de famille, avec qui on échange des nouvelles et autres politesses sans jamais aller beaucoup plus loin. Aujourd’hui, peut-être, cela changerait. Il y avait fort peu d’individus qui pouvaient prétendre l’intimider, y compris chez les adultes (dont elle avait encore du mal à se sentir faire partie), et Solène était très clairement de cette espèce. Dolores avait conscience qu’il allait falloir qu’elle prenne sur elle et dépasse ce sentiment fort inhabituel si elle souhaitait que les choses se passent au mieux, qu’un vrai lien se crée entre elles.

Et la meilleure chose à faire pour apprendre à connaitre sa tante était sans aucun doute d’écouter ses expériences. Il suffisait d’un coup d’oeil pour comprendre que la mode la passionnait, mais Dolly découvrit avec surprise que cette passion avait justement occupé une importante partie de son existence. La question que Solène lui posa avait cependant de quoi la rendre perplexe. Son style ? Voilà bien une chose à laquelle elle n’avait pas encore songé sérieusement, se contentant de piocher à droite et à gauche ce qui lui plaisait. L’intérêt était neuf et elle découvrait non sans émerveillement toutes les possibilités qui s’offraient à elle, de manière, il est vrai, plutôt désordonnée. « Et bien… je ne crois pas non. Je ne suis pas certaine de bien saisir comment ça marche. Pour le moment je choisis ce qui me plait sans trop y réfléchir. » Elle avait bien sûr pu observer et admirer des femmes qui comme sa tante avaient développé un style bien particulier et abouti, mais son oeil était encore très immature en la matière. « J’ai regardé des films moldus et j’aime bien comment certaines actrices sont habillées. » compléta-t-elle, sans être certaine de la pertinence de sa réponse. « Mais concrètement, je ne sais pas vraiment comment m’y prendre. »

Alors qu’elles approchaient la célèbre maison Malfoy, d’autres questions lui vinrent en tête et Dolly leva de nouveau les yeux vers Solène. « Pourquoi tu as arrêté de travailler dans la mode ? Ça ne te plaisait plus ? » Sa curiosité dépassait largement toute crainte d’être indiscrète. Son propre avenir professionnel demeurant particulièrement flou, elle était en vive recherche de récits qui auraient pu la guider et l’inspirer.

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L’enthousiasme de Dolores est infectieux. Par Merlin, elle paraît si franche, si sûre d’elle comme seuls peuvent l’être les jeunes gens… Non que tu sois vieille. Juste adulte, voilà le terme que tu recherches. Et si ta nièce a pour elle l’avantage de l’innocence, tu as celui de l’expérience. En matière de mode, évidemment : non qu’elle soit fagotée comme l’as de pique, la tenue de ta compagne a même un certain charme champêtre… Mais pour ce qui est du style, on repassera. Oui, tu juges, mais c’est pour son bien, n’est-ce pas ?

C’est une excellente première approche rassures-tu néanmoins la jeune fille, lorsque cette dernière avoue d’un ton quelque peu penaud que l’instinct est son principal guide. L’instinct, c’est comme tout : cela peut être entraîné, éduqué, formé. Et cela te donne une idée de piste pour commencer, sans brusquer Dolores. Parce que, tu le sens, si tu forces trop elle peut ruer dans les brancards. Dolores est comme l’un de tes pur-sangs : certes, elle a grandi dans un milieu d’élite, mais elle oublie parfois qu’être de la bonne société ne présente pas que des avantages. Vous avez une image à soutenir, celle de votre famille. Et la tâche devient double lorsque vous vous mariez. Les hommes, eux, n’ont pas à faire ce choix ; mais pour vous, femmes d’un rang supérieur, il faut alors porter deux noms. Deux identités, deux héritages à transmettre : dualité que tu ne parviens pas encore tout à fait à assumer, mais là n’est pas le débat.

Tu contrôles soigneusement les traits de ton visage lorsque ta nièce évoque la mode moldue. A-t-elle oublié où elle se trouve ? Ceci ne sera pas qu’une leçon de mode, tu le comprends rapidement. Ce sera une leçon de vie, pour vous deux. Attention à ce que tu dis, Dolly… Tu pourrais vexer ma chère grand-mère, avec de tels propos glisses-tu sur le ton de la conversation. Même si je partage ton avis : j’aime beaucoup Grace Kelly, par exemple. Étonnant ? Pas vraiment : contrairement aux hybrides que tu abhorres, les Moldus ne t’ont jamais rien fait. Tu es pertinemment au courant des positions qu’entretiennent certains sorciers à leur sujet, mais Dolores n’a pas tort, certaines Moldues ont un sens de la mode indéniable - dont il t’arrive parfois de t’inspirer, bien que cela reste discret. Mais dans cette maison, il est des mots qu’il vaut mieux ne pas prononcer… Tu achèves ta répartie sur le ton de la confidence, avant de reprendre d’une voix un rien plus forte, sur un terrain davantage acceptable : Voici la méthode que j’emploie d’ordinaire : je me promène dans la boutique, je choisis tout ce que j’aime, et j’emmène le tout avec moi dans une cabine d’essayage. C’est là que je fais le tri, je t’expliquerai comment lorsque nous y serons.

Inutile de gâcher ton effet : tu laisses donc la jeune fille se promener dans la boutique, lui montrant l’exemple en promenant ta main sur les cintres, t’emparant ici ou là d’un article que tu la verrais bien porter. Les matières sont évidemment splendides : comme à l’accoutumée, Milena Malfoy ne lésine pas sur les moyens, et le satin succède à la soie ou à la laine la plus douce dans une suite presque musicale qui apaise tes sens. Ici, tu es chez toi, plus encore que dans cette demeure où tu as grandi. Pourquoi donc être partie ? La question fait sens.

Une autre membre de ma famille avait besoin de moi expliques-tu. Pimentine a lancé Bulstrode’s Bubbling Brews, et m’a demandé de la suivre dans cette aventure. La mode me plaît toujours, tu sais… Mais j’ai aussi acquis ici des compétences comptables, et c’est de ces mêmes capacités qu’avait besoin Pimentine. Cela fait une éternité que je n’ai plus dessiné de silhouette… Mais parfois, je m’autorise un petit plaisir, comme ici : celui d’aider une amie à trouver le style et les vêtements qui lui correspondent.

Un sourire doux vient appuyer tes mots. Amie, ce n’est sans doute pas un vocable que l’on emploie pour désigner d’autres membres de sa famille. Pourtant, c’est celui que tu utilises pour désigner Pimentine, cette aînée qui fut toujours présente pour t’aider. Celle qui te rendit un service que tu repaies encore aujourd’hui. Un jour peut-être, tu t’écrouleras sous le poids de toutes ces loyautés : à ta famille, à celle qui est à la fois une cousine et une amie, à ton mari… Mais ce jour n’est pas encore venu.

Qu’as-tu trouvé ? Prête à passer à la prochaine étape ? demandes-tu lorsque tes pas t’ont menée jusqu’aux cabines devant lesquelles Dolores t’attend déjà.

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Etait-elle sincère ou cherchait-elle simplement à la rassurer ? Difficile de le savoir. Dolly avait, en vérité, tout à apprendre en la matière, elle qui n’avait jamais trop considéré la question avant d’être propulsée dans un monde plus adulte. Elle regrettait presque parfois le temps pas si lointain où le port de l’uniforme lui évitait de se poser toute question de ce genre. Pourtant elle y avait pris goût, s’en amusait même, s’inspirait de ce qui lui plaisait. Si elle était tout à fait honnête, elle n’avait jamais trop pris ça pour une question d’importance, tout comme avoir un style spécifique ne lui était pas apparu comme indispensable, bien qu’elle reconnaisse sans peine l’élégance d’actrices et de femmes qu’elle pouvait croiser au quotidien (dont sa tante bien évidemment faisait partie). Il était d’ailleurs évident au ton de cette dernière que c’était pour elle une affaire sérieuse et la petite brune était toute prête à écouter ses conseils, surtout si ceux-ci pouvaient lui permettre d’être au moins à moitié aussi bien vêtue que Solène.

La voilà prise à défaut Dolores et elle se mordit la lèvre inférieure, trop conscience de sa bêtise et de la vexation qu’elle aurait pu si facilement provoquer. A force de trainer dans les recoins moldus et avec des sorciers aux opinons progressives, elle en oubliait parfois de faire attention. Ce terrain était celui des Malfoy, et il était de bon ton qu’elle ne l’oublie pas. La gamine acquiesça d’un hochement de tête quelque peu mortifié, de même qu’elle s’empêcha de se lancer dans une tirade sur les actrices qu’elle aimait bien et les films qu’elle avait pu voir, dont ceux bien sûr avec Grace Kelly. « Tu lui ressembles un peu. » Les cheveux blonds, les yeux bleus, l’élégance et le port altier lui paraissaient similaires à ceux de la fameuse comédienne. Mais comprenant que le sujet pourrait fâcher, elle le laissa définitivement de côté et préféra se focaliser sur les conseils de sa tante.

Se promener, prendre tout ce qui attirait son oeil et emmener ses trouvailles en cabine. La première partie, au moins était facile. Dolly était une enfant bien née, de ceux habitués à un certain luxe et aux lieux dont beaucoup n’auraient osé franchir la porte. C’est avec soin mais sans embarras aucun qu’elle contemplait les vêtements élégamment présentés, touchait les étoffes du bout des doigts, admirait les couleurs et jaugeait les coupes d’un regard critique. Elle sélectionna d’abord un chemisier, puis une robe noire plus élégante que ce qu’elle avait l’habitude de porter, le tout sans oublier d’écouter les réponses de Solène, s’arrêtant même pour être plus attentive à son récit. « Ca ne te manque pas parfois ? Je veux dire dessiner des silhouettes, et tout le reste ? » Le malaise s’estompait peu à peu, et la jeune fille se sentait plus à son aise pour l’interroger et entretenir la conversation. Il lui semblait avoir déjà entendu parler de cette cousine, Pimentine, mais elle ne se rappelait pas l’avoir jamais rencontrée.

Le terme amie bien sûr ne lui avait pas échappé et la gamine sourit, sans trop savoir qu’en faire, si elle devait le prendre au pied de la lettre ou non, si Solène parlait sérieusement ou pas. Mais ç’aurait été bien étrange, non ? Sans doute. Peut-être que l’appellation ne lui était en fait pas du tout adressée.
Sortant de ses pensées, elle baissa les yeux sur son butin. Elle avait ajouté entre temps une autre robe (rouge celle-ci, mais peut-être la couleur était-elle trop osée ?), un autre chemisier, quelques jupes et une jolie cape. « J’ai trouvé pas mal de choses je crois, mais je ne suis pas sûre de bien tout assortir. Peut-être que je devrais ajouter quelques pièces plus neutres ? » Voilà ce qu’elle avait retenu en tout cas, du peu de choses qu’elle savait en la matière: mieux valait assortir des motifs à un autre élément uni et plus basique. Elle n’osa avouer à sa tante que la fantaisie de la mode moldue lui manquait un peu et qu’elle avait tendance à trouver leurs coupes plus flatteuses, sur sa silhouette à elle en tout cas. Non, elle garda ses opinions pour elle, désireuse de ne surtout pas contrarier ou peiner celle qui avait fait l’effort de l’amener ici. Et puis, la petite brune était heureuse d’avoir l’opportunité de mieux connaitre l’épouse de son parrain, elle s’en serait voulue de gâcher ce moment. A la place, elle décida de lui demander son avis: « Qu’est-ce que tu en penses ? Comment je pourrais assortir tout ça au mieux ? »

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Le compliment te plaît, même si tu en accuses réception sans rougir. Les années t’ont appris à accepter gracieusement ces gratifications, doublement lorsqu’elles viennent d’une autre femme - car les femmes n’ont pas intérêt à se complimenter mutuellement, dans l’univers dont tu viens. La compétition y est la règle, et la sincérité est une faiblesse dans cette lutte perpétuelle pour l’attention des hommes. Alors, quand une consoeur prend la juste mesure de tes attraits et atouts, tu sais en apprécier la valeur. Tu inclines donc le menton, manière discrète de remercier ta nièce de sa gentillesse. Ses mots, pour naïfs qu’ils soient, tu les répéteras ce soir, lorsque la glace de ton dressing te renverra un reflet fatigué, dépourvu de tout maquillage ou artifice. Tu peux mentir au monde, mais pas à toi-même, et cette lutte constante avec ta meilleure adversaire est de celles que tu ne saurais gagner. Alors tu accumules les regards envieux des autres femmes, les mots doux de ton époux, et les compliments que l’on t’offre, tu les collectionnes comme une pie le ferait de perles brillantes. Cela rend l’affrontement avec le miroir un rien plus facile - et dans ce combat, toutes les armes sont les bienvenues.

Tu effleures quelques tenues du bout de ta baguette : une robe bleu de Prusse, une autre jaune tournesol - tu as une sainte horreur du jaune, mais tu ne cherches pas pour toi, et tu sais mettre de côté tes désirs et dégoûts lorsqu’il faut t’adapter à ceux d’une autre personne -, et une autre encore, rose poudré et incroyablement légère au toucher. Tu observes Dolores sans en avoir l’air, prenant la mesure de cette demoiselle bien au-delà de ses mensurations. Elle semble prendre goût à ce petit jeu que tu lui proposes, et tes épaules décantent un autre demi-centimètre de tension accumulée à ton insu. Au moins n’est-elle pas de ces éternelles adolescentes rebelles, de celles qui clament que jamais on ne les verra en jupe. Non que tu aies quoi que ce soit contre un pantalon, lorsqu’il est bien coupé… Mais cet habit se fait encore désirer dans les boutiques sorcières, et est carrément rarissime au sein de la Maison Malfoy.

« Est-ce que ça me manque ? » répètes-tu, surprise par la question, par sa franchise candide et brutale. Tu ne t’es jamais demandé cela, auparavant. Ou, pour être exacte, on ne te l’a jamais demandé. Et tu as préféré explorer l’avenir qui te tendait les bras, plutôt que de ressasser le passé - de toute manière, tu n’as jamais aimé le passé, au point parfois de brûler un peu le présent pour y échapper à toute vitesse. « Je crois que oui, d’une certaine manière » est la réponse, sincère - morceau du miroir que tu offres à ta nièce, portion d’armure que tu laisses tomber doucement au milieu des étoffes. « Les chiffres ont cependant un attrait : ils ne mentent pas. Et puis, j’ai parfois l’occasion de jouer à la styliste, comme en cet instant ! » Tu alternes réflexion sérieuse et remarque joueuse comme si tu avais fait cela toute ta vie, feignant une aisance qui t’échappe encore. Comment fait-elle donc pour voir aussi clairement en toi, cette petite à qui tu rends plus d’une décennie ? Se pourrait-il qu’elle soit de ces âmes aussi rares qu’un Sombral blanc, de celles qui savent mais ne jugent pas ? Et que ferais-tu, si tel était le cas ? Tu ne vas pas lui raconter l’histoire de ta vie, partager avec elle tes doutes et tes craintes les plus profondes. Personne, pas même Thomas, ne peut apercevoir cette part de toi, Solveig tapie dans les ombres de Solène.

« Montre-moi donc ce que tu as pris » suggères-tu, et la brune s’exécute. Du blanc cassé, du noir, du bleu foncé… Classiques, mais chic. Et, plus étonnant, une robe écarlate.

Le rouge est la couleur favorite de Milena, et chaque année la Maison Malfoy y fait honneur au travers d’une pièce iconique : cette année, une robe légère et son étole assortie. Tu ne peux qu’approuver le choix de Dolly, même si tu n’en dis encore rien, curieuse avant tout de voir le résultat porté. Tu sais qu’il vaut mieux ne pas exalter les espoirs des jeunes filles, au risque de les briser cruellement - et puis, tu veux qu’elle fasse ses propres choix. Lui imposer ta préférence serait prendre le risque de la voir se renfermer dans sa coquille - si fragile, cette séparation qui demeure entre vous, mais tu crains trop de voir dans son regard le reflet d’une adulte comme les autres. Tu ne veux pas être comme les autres ; tu veux être unique - la préférée de tous, y compris de Dolly.

« Si je peux me permettre un premier avis, je crois que tu as des préférences assez sûres. » Ta voix se fait enveloppante, rassurante, alors que tu précises : « Tu as pris des pièces que tu connais déjà, pas vrai ? Ce que tu aimes déjà… C’est pas mal, mais je suis sûre qu’on peut aller un petit peu plus loin. Au contraire, je ne crois pas qu’il faille ajouter des pièces plus neutres, c’est de la couleur qu’il te faut ! Tu es jeune, tu as le monde et l’avenir devant toi, c’est le moment ou jamais d’essayer de nouvelles choses » conclus-tu dans un sourire éblouissant.

« Ce que je te propose, c’est de passer aux essais, et on accessoirisera en fonction de ton ressenti, cela te convient ? Je suis persuadée qu’on ne peut se faire un avis sur un vêtement qu’en le portant, alors zou ! Direction la cabine d’essayage ! Et pendant que nous y sommes, dis-moi, Dolly : pourquoi t’habilles-tu le matin ? Pour qui ? Dans quelles circonstances te projettes-tu, avec les vêtements que tu as choisis ici, par exemple ? »

Tout en parlant, tu progresses vers la cabine spacieuse qui se trouve au fond du magasin, et devant laquelle un fauteuil confortable se tient prêt à t'accueillir. Une vendeuse s'approche, mais te reconnaissant elle choisit de faire demi-tour pour s'occuper d'une autre cliente - nul besoin des conseils d'une inconnue, lorsque la petite-fille de Milena vous accompagne. Derrière un épais rideau de velours, les trois robes que tu as sélectionnées attendent que Dolly les découvre et les essaie...

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Dolly écoutait les mots de sa tante, ses réponses à des questions qu’elle ne posait nullement par hasard ou dans un simple but de faire la conversation. Alors qu’elle nageait dans un véritable flou en ce qui concernait son avenir, elle brûlait d’entendre les récits d’adultes qui étaient passés par là. Mais comme tant d’autres, Solène semblait avoir été capable d’identifier très jeune ce qu’elle désirait accomplir. Ceci dit, cela n’était guère étonnant; aux yeux de la petite brune, encore si inexpérimentée, sa tante représentait une forme de perfection. Nul doute qu’elle devait évoluer dans l’existence avec une assurance presque royale et il était bien difficile à la jeune fille d’imaginer qu’elle ait pu un jour avoir des doutes ou des craintes, encore moins de se figurer les tourments intérieurs qui pouvaient être les siens. Non, Solène avait tout pour elle, cette chance que tout lui vienne avec une facilité que sa nièce croyait voir et lui enviait. Lui avait toujours enviée, en fait.

Elle sourit cependant, espérant qu’à ces côtés, elle pourrait peut-être apprendre à développer cette même assurance. Celle qui ferait d’elle une adulte solide, et plus seulement une jeune fille tout juste sortie de l’adolescence, tâtonnant dans ce monde pour lequel elle ne se sentait pas toujours les épaules. Alors si choisir les bons vêtements pouvait l’aider, elle était prête à tenter l’expérience et surtout à se laisser guider. C’est donc avec toute la bonne volonté du monde qu’elle lui tendit les habits choisis, non sans une pointe d’appréhension. C’est que l’avis de sa tante comptait, plus encore alors qu’elle avait toute cette expérience derrière elle. La jeune Abbott attendait donc son verdict avec une certaine fébrilité et fut plutôt soulagée que celui-ci ne soit pas totalement négatif. « Oui, c’est vrai, avec celles là au moins je suis sûre. » Dolly aimait la couleur mais elle n’avait pas voulu risquer une faute de goût. Elle comprenait pourtant qu’elle allait peut-être devoir en passer par-là, tâtonner et essuyer l’oeil expert de Solène avant de trouver vraiment un style qui lui convienne. Elle se rendait bien compte que la mode sorcière lui était plus difficile à aborder que le style moldu, mais elle n’en dit évidemment rien de peur de commettre un autre impair, surtout entre ces murs.

Elle sourit, déjà plus enthousiaste en constatant que sa tante, loin de vouloir lui imposer quelque chose, l’encourageait au contraire à varier les plaisirs, à tenter de nouvelles expériences. Tout ceci lui parlait. « D’accord, ça me va. » La voilà qui trottinait derrière une Solène parfaitement à l’aise en ces lieux. Tout le monde semblait d’ailleurs la connaitre ici et la regarder avec révérence. Rien qui soit propre à surprendre la jeune fille, occupée à considérer la question qui venait de lui être posée. « Et bien… pour travailler, principalement. Pour sortir aussi… » Il fallait qu’elle réfléchisse un peu plus loin, se rendant bien compte que cette réponse-là n’était pas suffisante. Bien sûr, quand elle sortait ça lui plaisait de plaire. Quand elle travaillait elle avait envie qu’on la prenne au sérieux. Mais pas seulement. « Je crois que j’ai envie de trouver une certaine confiance… une certaine assurance avec mon apparence ? » Elle esquissa un sourire en jetant un regard aux vêtements qu’elle avait choisis. « Je me suis dit qu’ils m’iraient à coup sûr et qu’au moins je ne ferais pas de faute de goût. »

Elle entra dans la cabine désignée par sa tante pour y découvrir les trois robes choisies, bien plus flamboyantes que ce qu’elle avait pris elle-même, à part peut-être la robe rouge. Dolly referma le rideau et entreprit les essayages, non sans sortir à chaque fois pour montrer le résultat à Solène, qui attendait à l’extérieur. Elle commença par la robe bleue, sur laquelle elle avait quelques doutes. « Est-ce qu’elle n’est pas un peu longue pour moi ? » N’étant pas très grande, elle avait l’impression que ça la faisait quelque peu disparaitre. La suivante lui parut bien plus flatteuse, mais la couleur en revanche lui semblait difficile à porter. « Je suis pas très sûre pour le jaune… tu crois que ça me va ? » Elle aimait bien cette teinte mais n’avait guère l’habitude d’en porter une telle quantité. C’était un peu… voyant.

La jeune fille avait compris que Solène attendait qu’elle affine ses goût, et donc donne des avis plus affirmés, ce qu’elle ne se privait pas de faire désormais. La robe rose poudré lui déclencha un sourire. La couleur était jolie et l’étoffe lui semblait si légère. « Je crois que c’est celle-ci ma préférée. » Elle pouvait tout à fait se voir fêter son anniversaire dans cette tenue. Elle tourna sur elle même pour visualiser aussi le dos dans le miroir. « Tu la trouves comment ? » Intérieurement elle espérait bien sûr que l’épouse de son oncle approuve son choix, sur ce domaine Dolly ne se sentait pas encore assez confiante pour s’opposer à elle.

Mais restait encore la rouge qu’elle avait sélectionnée elle-même. Cette fois-ci, elle eut presque un choc en découvrant son reflet. Elle aimait la coupe, elle aimait la couleur mais… le tout semblait si sophistiqué, presque trop glamour pour elle et la renvoyait au fait que ça y était, elle devenait adulte. Plus une adolescente mais une jeune femme, qui avait désormais l’âge de travailler, de se marier même. Elle le savait pourtant et en avait même un rappel parfois sous forme de faire-parts de mariage de la part de certaines anciennes camarades d’école. C’était si… étrange. Elle entrait dans ce moment de sa vie, mais elle ne s’y sentait pas vraiment prête. Elle jeta vers sa tante un regard hésitant. « Qu’est-ce que tu en penses ? »

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Dolores s’engage dans les cabines, et te laisse mesurer le chemin que vous avez parcouru depuis votre dernière conversation au sujet de la mode. L’adolescence de la jeune femme n’a pas été de tout repos pour toi, incapable comme tu l’étais de comprendre que l’on puisse rejeter le statut et les avantages qu’accorde la richesse. Tu en voulais à la fillette de ne pas voir que son monde était parfait : elle ne devait pas faire face aux moqueries impitoyables de ses condisciples, elle ne devait pas se montrer parfaite en tous points, sous peine de s’attirer les regards désapprobateurs d’adultes trop exigeants. Tu occultais volontiers ce détail : Dolores ne partageait tout simplement pas tes goûts. Sans parler du fait qu’elle ne pouvait compter dans sa vie sur une réelle présence maternelle, ce que tu n’aurais même pas su imaginer. Certes, ta propre mère est une femme froide et distante… Mais elle a le mérite d’être bel et bien vivante.

Pas de doute, vous avez grandi, toutes les deux. Oui, tu préfères grandi à vieilli, toi qui guettes le moindre signe d’âge pour le bannir aussitôt, de peur que la jolie façade ne se craquèle et ne finisse par s’effondrer, que le monde ne voie enfin que tu n’es au fond qu’une pauvre créature terrifiée des regards que l’on pose sur toi. Tu n’as pas pris d’autres centimètres que ceux de tes talons aiguilles, mais cela importe peu. Dolores, elle, a véritablement poussé. Et si elle ne sera jamais un grand gabarit, tu ne peux t’empêcher de trouver que c’est pour un mieux : ton image de la femme parfaite inclut ces quelques centimètres cruciaux qui la séparent en toutes circonstances de son mari.

La question te traverse soudain l’esprit : Dolores a-t-elle un petit ami ? Le catalogue mental défile, tu connais quelques jeunes célibataires à lui présenter, des garçons au rang et au sang similaires au sien - qualités indissociables, pour qui a été élevée comme toi, malgré tes prétentions de modernité. Les noms de famille évoquent d’anciens Ministres de la Magie, de hauts dirigeants d’entreprises sorcières, et même l’un ou l’autre joueur de Quidditch… Mais tu choisis de garder le sujet pour un autre moment. Ton entente nouvelle avec la brune est encore fragile, et peut-être le sujet est-il sensible pour elle. Il l’était, pour toi, au même âge. Un visage et un nom te reviennent, que tu t’empresses d’enfouir à nouveau, car le passé est passé et ferait bien d’apprendre à le rester. Tu es mariée, désormais, et unie à l’homme de ta vie.

« Tu as raison, elle irait mieux à une personne plus grande »  commentes-tu distraitement, lorsque la filleule de ton époux te montre le premier résultat de vos recherches. Bon sang, Solène, reprends-toi : tu peux sûrement faire mieux que cela. Et lorsqu’elle réapparaît, drapée dans la robe couleur de tournesol, tu souris cette fois. « Celle-ci est très jolie, tu rayonnes tel un soleil ! Tu as le teint parfait pour cette robe, une blonde comme moi disparaîtrait là-dedans. »  

Mais c’est lorsque la jeune fille sort pour la troisième fois de la cabine, portant cette fois la robe rose que tu as choisie, que tu es véritablement convaincue. Déjà, parce que Dolores a l’air bien plus à son aise que lors des précédents essayages, mais aussi et surtout parce qu’elle ressemble soudain à une princesse de contes de fées, ce que tu ne te prives pas de lui communiquer. « Woaw » glisses-tu, consciente de l’effet potentiel de cette simple onomatopée. « Je la trouve parfaite, absolument parfaite. À croire qu’elle n’attendait que toi » achèves-tu dans un éblouissant sourire.

La dernière robe, teintée de l’écarlate qui plaît tant à ton aïeule, est également sublime. « La rose, c’est toi - toi, maintenant. Mais celle-ci » reprends-tu en te levant du fauteuil dans lequel tu t’étais posée jusqu’alors, « c’est toi, telle que tu seras. Tu parlais d’assurance » cites-tu, pour prouver que tu l’écoutais lorsqu’elle babillait. « Cette robe peut être la tienne, si tu parviens à projeter cette confiance que tu veux ressentir. Regarde-moi »  intimes-tu, levant légèrement son menton délicat du bout de tes ongles vernis. « Garde le visage dans cet angle, et tente de faire quelques pas dans le magasin, comme si… » comme si tu défilais, t’apprêtes-tu à conclure. Mais tu te souviens trop bien de votre dernier défilé et du désastre qu’il fut pour votre relation. Alors tu bifurques, sans jamais bafouiller. « …tu arrivais à une réception prestigieuse. Vas-y, prouve-moi que tu es capable de porter un tel vêtement. »  

C’est lancé comme un défi, comme un pari. Car tu as l’intuition qu’une jeune femme pleine de volonté mais aussi bourrée d’insécurités - que tu perçois de mieux en mieux, dont tu prends note tout en te promettant de ne jamais, jamais, les retourner contre Dolly - est de celles qui n’apprécient rien tant qu’une mise à l’épreuve. Tu es persuadée qu’elle est parfaitement capable de marcher d’un bout à l’autre de la ville comme si cette dernière lui appartenait - après tout, n’est-ce pas un peu le cas ? Mais il est temps que la demoiselle le réalise elle-même.

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L’exercice était étrange. Ce n’était pas la première fois que Dolly faisait des emplettes, ni qu’elle était accompagnée dans l’exercice. C’était une activité fréquemment pratiquée avec son amie Meredith, où chacune choisissait des montagnes de vêtements avant de se lancer dans une série d’essayages interminables et rire des oripeaux plus ou moins extravagants qu’elles avaient pu choisir. Mais cette fois-ci, c’était bel et bien différent. D’abord parce que Solène n’était pas une amie, qu’elle était une véritable adulte et avait pris une posture de conseillère, jaugeant chaque tenue d’un oeil critique et expérimentée. La petite brune n’était pas encore totalement sûre d’apprécier ou non ce moment. Pour l’instant c’était juste… nouveau. Différent. Etait-ce à ça que ressemblait une séance d’essayages et achats entre mère et fille ? Si Victoria était encore en vie, est-ce que ça aurait été elle à la place de Solène, à la regarder essayer des robes pour son anniversaire ? Sans trop savoir pourquoi, Dolores avait du mal à se faire une image mentale de la scène; comme si, en imagination ou dans la réalité, ça n’était pas supposé exister.

Après toutes ces années, elle arrivait à y penser sans être trop triste, même si ça lui faisait toujours un pincement au coeur. Elle chassa ces images de son esprit et se concentra plutôt sur les opinions de sa tante, qui avait l’oeil parfaitement aiguisé. Elle semblait apprécier la robe jaune; peut-être avait-elle raison ? La jeune fille avait l’impression de tenir plus du canari que du soleil la-dedans, mais après tout pourquoi pas. Solène l’avait dit, elle devait s’ouvrir à plus d’options.

Elle fut malgré tout bien heureuse que l’opinion de sa tante rejoigne la sienne au sujet de la robe rose. Elle ne put retenir un sourire en se rappelant de la dernière robe de cette même couleur (peut-être un peu plus soutenue tout de même), celle que sa tante l’avait obligée à porter lors du défilé de la Maison Malfoy. Elle ne se souvenait pas de tout, si ce n’était qu’elle avait sans doute été exécrable. Si la Dolly de l’époque avait pu voir celle de maintenant, avec ses robes colorées et ses rubans dans les cheveux, elle se serait très certainement sentie atrocement trahie. Etrange comme on pouvait changer, découvrait-elle avec une certaine surprise à l’aube de l’âge adulte.

Le sourire de la jeune fille répondait à celui de sa tante alors qu’elle se regardait dans le miroir, s’examinait sous toutes les coutures. Elle n’avait pas osé lui dire qu’elle était plus à l’aise lorsqu’il s’agissait de mode moldue, mais sans doute n’avait-elle tout simplement pas assez exploré le vestiaire sorcier. Visiblement la Maison Malfoy avait plus à offrir qu’elle ne l’avait pensé, elle qui avait toujours trouvé les habitudes vestimentaires du monde magique un peu austères.

Peut-être aurait-elle dû s’arrêter là pour les essayages au lieu de se vêtir de la robe rouge, car à l’instant où elle posa le pied hors de la cabine, elle sentit le malaise la gagner. Plus encore sous les remarques de sa tante. Celle qu’elle serait ? Dolly s’examina dans la glace et eut bien du mal à imaginer pouvoir être un jour le genre de fille (non, de femme) capable de porter une tenue de ce genre aussi naturellement qu’une paire de jeans. Pour l’heure, ce qu’elle voyait dans la glace c’était une fille mal à l’aise et qui paraissait particulièrement mal dégrossie comparée à l’élégance du vêtement. Solène se trompait-elle ? Elle semblait pourtant si sûre d’elle, et puis elle devait s’y connaitre. Alors, la petite brune écouta ses consignes, se redressa, releva le menton comme elle le lui demandait. « Oh euh… d’accord… »

Elle se détourna de sa tante, prit une profonde inspiration et marcha, s’imaginant donc entrer dans une réception prestigieuse, pour reprendre les mots de l’épouse de Thomas. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la chose n’était pas aisée. Nul doute que Solène aurait effectué cet exercice avec la grâce d’une reine. Partout où elle entrait, elle semblait régner sur les lieux, la perfection incarnée. Dolly elle, avait plutôt l’impression d’être un petit canard boiteux. C’est simple, elle se sentait ridicule et avait par-dessus le marché la sensation qu’on la regardait un peu trop. Elle était persuadée que sa tante n’avait jamais eu ce genre de problème. Quand on avait la grâce et la beauté de Solène Abbott, tout ne pouvait que vous glisser dessus. La petite brune lui imaginait une existence sans souci, sans histoire, trop jeune pour réaliser à quel point c’était impossible.

Elle marcha donc, aussi élégamment qu’elle le pouvait, ce qui n’était pas grand chose. Elle se trouva prise d’une envie de rire nerveusement mais eut heureusement la présence d’esprit de le refouler et le cacher. Sa relation avec Solène était encore balbutiante, fragile, il n’était pas certain qu’elle survive si sa tante avait l’impression qu’elle se moquait d’elle. Il lui semblait déjà qu’elles étaient tout juste sorties des tumultes de sa propre adolescence, durant laquelle elle avait souvent eu la nette impression que sa tante était agacée par ses attitudes (mais comment lui en vouloir ?).

Dolly fit un tour sur elle-même avant de la rejoindre, le sourire un peu plus crispé. « Je crois que j’ai besoin d’un peu d’entrainement. » conclut-elle en s’excusant presque. « J’ai peur de ne pas avoir ton assurance naturelle. » Pas assez en tout cas pour porter ce genre de robes. Solène comprendrait-elle ? Même en faisant un effort d’imagination, la petite brune avait de la difficulté à l’imaginer expérimenter un manque de confiance en son allure. Elle était loin, si loin, à des milliers d’années lumières de percevoir ou comprendre les fêlures qu’elle avait sous les yeux.


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