GODRIC'S HOLLOW ● Dans l’ombre, un texte commence à circuler dans les différentes communautés magiques, lu lors de soirées mondaines, traduits dans une dizaine de langue, le pamphlet, extrémiste, fait assez parler de lui pour être reproduit par les journaux ou lu sur les ondes de nombreuses radios afin d’en commenter ou critiquer le contenu. L’illégalité de leur organisation ne semble nullement avoir empêché les Mangemorts de diffuser leurs idéaux. (lire le pamphlet)
sang : moldu, sang trop ordinaire que pour être intéressant
myocarde : homme seul, prétendant un veuvage imaginaire pour échapper aux commérages, le coeur battant pour un autre homme - passion illégale pour son temps, émois illicites et pourtant réciproques
allegeance : il ne prête serment qu'à lui-même, à la fois trop curieux et trop égoïste pour s'engager dans une quelconque cause ou organisation
sang : moldu, sang trop ordinaire que pour être intéressant
myocarde : homme seul, prétendant un veuvage imaginaire pour échapper aux commérages, le coeur battant pour un autre homme - passion illégale pour son temps, émois illicites et pourtant réciproques
allegeance : il ne prête serment qu'à lui-même, à la fois trop curieux et trop égoïste pour s'engager dans une quelconque cause ou organisation
Il pleut depuis plus d’une semaine. Les averses ont débuté à la fin du mois de juillet, irrégulières mais assez fréquentes - et surtout, assez imposantes - pour donner au professeur une solide envie de rester chez lui. Il a des cartons à préparer, de toute façon.
Les caisses traînent dans chaque recoin de chaque pièce, à moitié remplies - ou à moitié vides, selon le point de vue de l’observateur, autrement dit selon l’humeur du jour de Mycroft Fitzpatrick. Et aujourd’hui, cette humeur est particulièrement massacrante. Doyle a imbibé son tapis favori d’une urine particulièrement pestilentielle : on a déjà vu mieux comme réveil. L’incontinence du carlin, qui se fait définitivement vieux, est pourtant loin d’être la seule embûche sur le chemin qui mène le professeur d’anglais démissionnaire à son thé du matin. L’eau de la douche est glacée, car il n’a pas laissé le temps au chauffe-eau de faire son œuvre. Et, comble de malheur, les tuyaux doivent être bouchés : le jet s’interrompt en plein milieu de son shampoing, et le voilà contraint d’achever sa toilette penché au-dessus de l’évier telle une girafe tentant de boire, les jambes ridiculement écartées pour lui permettre d’atteindre du bout des cheveux le reste d’eau qu’il est parvenu à accumuler dans la vasque.
Dans la cuisine - après avoir maudit les cartons aux coins trop acérés, qui mordent méchamment dans ses mollets - c’est le grille-pain qui fait de la résistance. Le premier toast sort blanc, dénué de toute dorure indiquant une cuisson minimale ; le second a pris la couleur du charbon, et le goût qui va avec. Point de thé, puisque l’eau ne circule plus : un verre de jus de pommes peine à noyer le pitoyable petit-déjeuner de l’instituteur, dont l’humeur passe de massacrante à exécrable au fil des minutes accumulées.
Pour passer ses nerfs, et à la même occasion régler le dysfonctionnement des canalisations du cottage qu’il occupe depuis septembre dernier, et qu’il s’apprête à quitter - dès qu’il aura fini d’empaqueter ses affaires, il se le promet chaque matin un peu plus fermement - Mycroft décide de s’improviser plombier. Doyle approuve cette reconversion professionnelle, jappant joyeusement… Ah non. C’est juste qu’il n’a pas encore mangé. Un dernier tour de clef à molette sur un écrou mal vissé, et le maître peut assumer ses devoirs, emplissant une première gamelle d’eau et une seconde de pâtée. « There you go, old boy. » Il est incapable d’en vouloir longtemps à l’animal, peu importe le tapis souillé et les pantoufles que Doyle s’acharne à mâchouiller comme si sa vie en dépendait.
Lorsqu’il retournera à Londres, il aura soin de chercher une demeure avec jardin : son brave comparse n’a plus la force de faire de longues balades quotidiennes, et se limite désormais à une sortie hebdomadaire, mais ils ont découvert ensemble les joies de la campagne et de ses vastes terrains. Le maître et son chien ont ainsi pris l’habitude de profiter du carré de pelouse et des quelques buissons soigneusement entretenus par un gamin du coin contre quelques pennies, lorsqu’arrive le soir et que le temps le permet. Doyle aime chasser les quelques volatiles qui osent tenter de se poser sur l’herbe, et se rouler dans cette même verdure pour mieux contempler les nuages pâles. Lorsqu’il retournera à Londres… Cela sonne comme un renoncement, malgré tous les efforts du littéraire pour se convaincre du contraire. Pourtant, sa décision est prise. Les cartons sont ouverts, et il ne reste plus qu’à les emplir de ces mille et uns objets qui font un quotidien. Les tasses de thé, surtout sa préférée, ornée de myosotis pâlis par le temps et l’usage. Les couverts dépareillés, la casserole en fonte - cadeau de bienvenue de Mrs Hepzibah Smith, une voisine âgée et extrêmement riche, dont la demeure semble regorger d’objets arcanes auxquels il n’a jamais pris le temps de s’intéresser - les quelques cadres contenant des photos de famille ou de l’équipe d’aviron à laquelle il a brièvement participé. Les disques, classés par ordre alphabétique de la première chanson - étrange, peut-être, mais Mycroft attribue cette particularité à l’influence excentrique de son inquisitrice voisine, après tout cela fait un an qu’il réside ici, il est un peu contaminé par les moeurs villageoises de Godric’s Hollow.
Et les livres, surtout. Les manuels scolaires, écornés par un usage soudain et parfois fébrile ; les classiques, aux pages jaunies d’avoir été exposées au soleil lors de relectures estivales ; les tomes reliés de cuir, ceux dont l’encre a coulé par quelque mystère de leur parcours, les éditions annotées de sa main soigneuse… Des dizaines, des centaines d’ouvrages, entassés en piles soigneusement organisées puis désorganisées, parce qu’il ne parvient pas à choisir lesquels il va laisser derrière lui. Peut-il vraiment se séparer de cette édition signée des Chroniques de Narnia, dédicacée par son ancien professeur de théologie ? Et Macbeth ? Certes, il en possède trois exemplaires… Mais l’un d’entre eux lui a été offert par Cormac, l’autre par sa mère et le troisième… Allez, Mycroft. Le troisième est déposé à contre-cœur dans l’une des caisses, sur laquelle une mention griffonnée au feutre précise POUR MRS HARCOURT. Au moins, elle améliorera sa maîtrise des classiques : elle serait parfaite dans le rôle de l’une des trois sorcières. Pensée mesquine, certes. Mais il peut assez mal s’avouer qu’il a développé pour l’entièreté des habitants de ce patelin une affection étrange, précipitée sans doute par ce départ qui s’annonce.
Une autre caisse, frappée celle-là de la mention POUR DIANA, est déjà bien remplie. Il finit par y caser malgré tout son édition des Chroniques de Narnia. Il apprécie particulièrement le personnage d’Edmund Pevensie - le seul de ces infernaux gamins à montrer un peu de bon sens, selon lui - mais le ton trop prêchouilleur des derniers chapitres lui a fait passer l’envie de conserver sa copie signée. Diana Brown en fera très certainement meilleur usage que lui. Et si elle peut au passage instruire l’un ou l’autre garnement dans l’art et la manière de gouverner un pays imaginaire… Il l’imagine très bien faire la lecture à sa classe : elle est le genre d’enseignante qui agrémente ses leçons d’histoires vivantes, celle-ci devrait lui plaire. Il sourit en songeant à la tête qu’elle fera, en ouvrant son paquet. Oh, Monsieur Fitzpatrick, il ne fallait pas… Bien sûr, il ne verra rien de cela. Il compte bien être loin d’ici lorsqu’elle recevra le colis : il a toujours détesté les adieux.
Mais il ne peut plus rester, c’est décidé - alors pourquoi ressent-il ce besoin continu de s’en assurer, de le marteler encore et encore, au même rythme que la pluie qui a repris et martyrise désormais ses carreaux ? Il ne peut plus traverser ce village où trop de souvenirs traînent leurs basques élimées. La bibliothèque, où il n’a plus mis les pieds depuis des semaines. Le théâtre, endroit qu’il craint encore au point d’en frissonner à chaque fois qu’il passe devant. L’école, évidemment : les locaux désormais déserts, et la salle de sport qui sert parfois de salle des fêtes, et les deux cours de récréation ombragées par de volumineux platanes, et les coloriages des petites classes, accrochés pour égayer les couloirs austères… Et la distillerie Weasley, qu’il évite désormais à grand renfort de détours parfaitement inutiles.
Peu importe où il traîne ses guêtres et sa barbe naissante, les souvenirs le suivent. À croire qu’un changement de paysage ne suffira pas. Rien, il en est persuadé, ne saurait effacer de sa mémoire le souvenir de ces yeux aussi bleus que les myosotis. Pourtant, il faut bien qu’il essaie ! Il ne peut pas continuer à se morfondre ainsi, c’est tout à fait indigne d’un homme aussi lettré, aussi cultivé et aussi parfaitement détaché que Mycroft Fitzpatrick. Lorsqu’on s’appelle Mycroft, déjà, on ne pleure pas. Mycroft, c’est un nom qui ne transpire pas d’émotions. C’est le nom d’un homme qui avance sans se retourner, un gentleman assuré et distingué qui rabroue les imbéciles et leurs pathétiques tentatives de le convaincre qu’il a sa place ici. Ce village ne présente plus aucun attrait pour lui, il est grand temps pour lui de retrouver la capitale et son smog perpétuel, son agitation quotidienne, sa foule composée de milliers de solitudes si semblables et pourtant si uniques, si terriblement individuelles.
Ici, tout lui rappelle un autre homme. Un homme qu’il pourrait être - Non : qu’il aurait pu être. Un professeur tendre et dévoué à ses élèves, qu’ils soient fils de mineur ou de notaire. Un misanthrope qui s’efforce chaque jour un peu plus d’aimer l’humanité - et autre homme, en particulier. Un porteur de secrets, mais pas de ces secrets qui emprisonnent et pourrissent l’âme, non ; plutôt, de ces secrets qui élèvent et emplissent le cœur d’une incompressible légèreté. Un homme qu’il ne sera jamais.
Et pour cause, de cœur il n’a plus. Mélodramatique, much ? Peut-être. Il n’empêche que, si on lui demandait de décrire ce qu’il ressent - et personne ne lui pose la question, puisque comme on l’a dit, les hommes prénommés Mycroft ne sont pas du genre à faire dans le sentiment - mais si on le lui demandait, il répondrait qu’il ne ressent plus rien. Juste un vide, quelque part entre ses poumons et ses côtes. Un abîme, au bord duquel il danse en solitaire. Il n’a jamais été très bon danseur. Le gouffre l’appelle pourtant, et parfois Mycroft cède. Il relit cette lettre, en grave chaque syllabe dans le marbre de sa mémoire… Pour le regretter le lendemain, lorsque le gin quitte ses veines et vient marteler ses tempes sous la forme de cuisants regrets. Les caractères cyrilliques dansent devant ses yeux, le narguent de significations insoupçonnées, avivent un temps un espoir fou.
Et si… ?
Mais c’est impossible. Impensable.
Il faut qu’il s’en aille, il s’en rappelle soudain. Se remet au rangement, un temps interrompu par ces pensées parasites - ce regard couleur de glacier, ces lèvres rougies d’être tant mordillées… Ce manuel de littérature anglaise peut rester ici, il fera le bonheur de son successeur. Cette collection d’essais sera une excellente addition à la bibliothèque de Mrs Harcourt - le fait que l’un d’entre eux soit intitulé Des vertus de la modestie n’a strictement rien à voir avec ce choix. Et ce dictionnaire… anglais-russe ? Acheté sur un coup de tête, après une certaine rencontre à la bibliothèque locale, sa reliure n’a souffert d’aucun outrage. Rien de moins inattendu, puisque Mycroft a récemment résolu que la langue slave n’avait plus aucun attrait pour lui. L’ouvrage menace un temps de terminer dans la cheminée, mais la saison est trop avancée pour les autodafés. Par habitude machinale plus que par envie, les doigts fins de l’instituteur font défiler les pages.
Привет - Bonjour спасибо - Merci как сказать… - Comment dit-on… Я люблю тебя - Je vous aime
Coup de tonnerre. Éclairs. Retentissement craquelant, étincelant, d’une révélation. Bulbe transfiguré par l’électrisante idée.
Et si… ?
Tout devient possible.
Tant pis pour les cartons éventrés, tant pis pour le chien endormi devant la cheminée éteinte. Tant pis pour les couteaux qui ne coupent plus et pour les photos jaunies dans les cadres vieillots. Il y a plus pressant. Il y a cet espoir qui enfle de seconde en seconde, ces caractères imprimés sur la rétine et qui dansent désormais une folle sarabande.
Я люблю тебя - Je vous aime.
Au diable la pluie ! Au diable l’averse et ses avertissements bruyants, ses clapotements et ses ruissellements, son métronome intérieur ne bat qu’au rythme de ses enjambées qui s’allongent.
Il doit offrir un drôle de spectacle, à courir ainsi sous la pluie, l’imperméable dégoulinant serré contre lui dans une vaine tentative d’échapper au plus gros de ce que lui réserve le ciel gris des Cornouailles. Le professeur Fitzpatrick aurait-il oublié d’acheter du lait ? Mais on est dimanche, et puis l’épicerie n’est pas dans cette direction !
Il sait vers quel endroit diriger ses pas. Il ne pourrait pas expliquer pourquoi, mais il sait, c’est ainsi. Ses souvenirs le guident, c’était juste après ce coude que trace le Dragonfly Canal, à l’endroit où les rives se couvrent de joncs dans lesquels la balle de Doyle s’est un jour égarée… Il doit être là.
Et s’il n’était pas là ?
C’est une possibilité. Une hypothèse qui traverse l’esprit vif du grand lettré, et qu’il choisit de rejeter avec une foi qui rendrait humble le grand Lewis lui-même. Onward and upward, indeed ! Il accélère encore, le trot devient un galop, il écrase la terre devenue gadoue et en couvre son pantalon de lin, mais soudain cela n’a plus aucune importance.
Et s’il avait cessé de se promener ?
Avec des si, il mettrait son amour en bouteille. Cet amour impossible, impensable. Cet amour qui lui brûle les entrailles et lui incendie la gorge, il pourrait le hurler à la face du monde, il s’en contrefiche de ce qu’ils pensent, il ressent quelque chose de bien trop puissant pour le réprimer plus longtemps. Il a les genoux mouchetés de boue, les cheveux détrempés, la barbe de deux jours pas très soignée, mais il s’en fiche comme il ne s’est fichu de rien depuis longtemps parce qu’il aperçoit une silhouette familière, exactement là où il l’avait imaginé.
« Votre lettre… J’ai lu votre lettre. Je n’avais pas compris, je ne parle pas russe… » Il ne fait aucun sens. Il a l’air d’un fou, d’un échappé de l’asile. Mais il s’en moque, il veut rire et pleurer et danser même s’il ne sait pas comment on s’y prend. Ses mots sont à moitié noyés par le vacarme de la pluie qui tambourine sur la surface placide du chenal, il y a de l’eau partout et surtout dans ses yeux, ça l’empêche de voir s’il y en a aussi dans les pupilles couleur myosotis. « Mais j’ai retrouvé mon dictionnaire, et… Moi aussi. Antonin, moi aussi. »
Et s’il avait changé d’avis ?
« Je n’ai rien à vous pardonner, rien du tout, c’est vous… Je devrais vous demander des excuses, je me suis comporté comme un idiot. J’aurais dû comprendre, j’aurais dû voir… »
Main tendue, sans gants ni alliance cette fois. Il a oublié de glisser l’anneau à son doigt dans sa précipitation, mais il préfère cela. Il ne veut pas qu’un métal froid et vide de signification vienne rappeler leurs malentendus, leurs atermoiements dignes d’adolescents transis. Il ne veut que leurs peaux qui se frôlent, leurs doigts qui s’entremêlent, leurs mains qui s’étreignent. C’est mieux que tous les mots de ce foutu Lewis, mieux même que ceux de la grande Jane Austen. Pourtant, ce sont ces derniers qui trouvent le chemin de ses lèvres, une réplique qu’il a toujours trouvée mièvre mais qu’il comprend désormais.
« Laissez-moi vous dire l'ardeur avec laquelle je vous admire et vous aime. » Le dernier mot est murmuré, ils n’en ont déjà plus besoin. Leurs mains, leurs yeux aussi se disent déjà tout.
labeur : Secrétaire pour l'ambassadeur soviétique du Royaume-Uni et traducteur pour une petite maison d'édition du côté moldu
alter ego : Antonin Smirnov, l'identité sous laquelle il est né, est arrivé en Angleterre, le nom de sa mère, une manière de ne pas l'effacer complètement.
sang : Sang-pur
don : Troisième oeil, rêves flous, visions du passé ou du futur, difficiles à cerner qui le tiennent éveillé des nuits entières
myocarde : Romantique au coeur brisé, cherchant une âme-soeur, un homme pareil aux romans gothiques qu'il affectionne tant. Cœur épris dont la relation naissante est déjà brisée par des fiançailles arrangées.
allegeance : Mangemort. Si il n'accorde pas autant d'importance à la question de la pureté du sang que d'autres, il estime que les moldus sont un danger pour le monde magique. A ne pas éradiquer mais à soumettre, à arrêter avant qu'il ne soit trop tard.
particularité physique : Une cicatrice dans le bas du dos, vestige, marque au fer rouge d'une enfance et d'un oncle trop brutal.
Il n’est pas là. Il ne viendra pas. Il ne viendra plus.
Antonin observe avec désespoir les alentours de la rivière, vides de toute trace humaine à part lui. C’est trop tard. Trop tard. La voix résonne dans sa tête, récite ce mantra désolant en continu à tel point qu’il a l’impression de devenir fou par moments. Ça serait mérité, non ?
Malgré tout, il reste, attend pendant des heures jusqu’à ce que le ciel s’assombrisse et que l’air ne se rafraîchisse et reste même parfois dans le silence de la nuit, indifférent à la météo capricieuse. Il reste, il attend et il ne vient pas et finit par repartir le cœur déchiré pour revenir le lendemain, juste après avoir quitté le ministère.
Avec le temps, la rivière est devenue une compagne particulière : il a appris à reconnaître les pierres, les roseaux, les fleurs sauvages et même la faune qui la compose au point de presque se fondre dans le paysage lui-même. Ici, le monde est paisible, lui-même y trouve un peu de réconfort durant ses heures d’attente. Il aime écouter l’eau couler et les oiseaux chanter. Après des heures passées sous terre au ministère, l’air frais est comme une délivrance. Même si la météo est humide ces derniers temps, il ne bouge pas jusqu’à ce que la nuit arrive, parfois bien après, n’ayant aucune envie de retourner chez lui. Son appartement, autrefois refuge est devenu une terre hostile et solitaire. Le calme qui y règne est devenu un silence pesant, un rappel douloureux d’une solitude qu’il pensait avoir acceptée. Devant ce constat amer, il choisit la fuite. Il est toujours seul ici, au milieu de la nature, mais au moins il n’a pas l’impression d’étouffer. Ici au moins, il peut compter sur des souvenirs d’une conversation et d’une balade pour lui faire oublier quelques instants qu’il est seul.
Bien sûr, il y a Hermès. Jamais il ne pourrait renier l’importance de la compagnie du chat ni du soutien qu’il lui apporte une fois la porte d’entrée franchie, mais il ne peut lui faire oublier toute la peine et la honte qui le ronge depuis des semaines.
La pluie s’est remise à tomber. D’un geste las, il lance un sort de repousse-pluie. Il ne se soucie pas de savoir s’il peut être vu ou pas, il sait que mis à part lui, personne ne se trouve ici. Avec ce temps-là, les habitants de Godric’s Hollow ont autre chose à faire que de venir se balader par ici, de même que par temps sec. Il le sait, depuis le temps qu’il vient ici, qu’il n’a jamais croisé autre être vivant que des écureuils et quelques volatiles aquatiques. De toutes les manières, quelle importance ? En étant chanceux, une simple oubliette le tirerait d’affaire, et dans le cas contraire, ça ne serait qu’un problème de plus qui le libérerait sans doute des chaînes qui s’enroulent chaque jour encore plus sur lui.
Le mariage approche à grands pas à son plus grand désespoir. Jusqu’alors laissé plus ou moins tranquille, il est de plus en plus sollicité dans l’organisation du grand jour, accaparé pour d’infimes petits détails et, récemment, des essayages, mais pire encore, sur l’organisation de sa future vie. Il n’a pas su quel nom donner quant au choix du témoin, ne s’est pas reconnu dans le miroir lors d’un premier essayage chez un couturier luxueux et a senti la tête lui tourner à la mention d’un manoir où s’établir avec sa fiancée. Tous ces événements ne font que renforcer la réalité à laquelle il a tenté de s’échapper et qui lui ont coûté l’homme dont il est tombé amoureux et qui l’éloignera de lui définitivement un jour.
C’est pour ça qu’il se tient là aujourd’hui. Avant de devoir se ranger comme tous les autres dans une vie toute tracée et sans surprises, il compte pouvoir se racheter. Il n’espère aucun pardon, juste pouvoir s’expliquer auprès de Mycroft. Il ne pourra jamais être totalement honnête à son sujet, malheureusement. Pas en ces temps, il le met déjà suffisamment en danger en le fréquentant pour venir en rajouter une couche avec le monde magique. Il a déjà commencé une première tentative d’excuses par le moyen d’une lettre dont il ignore si le professeur a lu le contenu ou s’il s’en est débarrassé en découvrant son nom inscrit au dos de l’enveloppe, ce qui expliquerait pourquoi il ne vient pas, à moins que les mots qu’il a mis des heures à assembler n’aient pas suffi pour que Mycroft ne consente à le revoir. Antonin sait que c’est mérité, une juste punition pour son comportement, sa lâcheté, et pourtant il ne peut s’empêcher d’avoir le cœur brisé et les yeux humides à l’idée d’inspirer un quelconque sentiment négatif chez le Britannique ou pire même, de l’indifférence.
Si vous saviez comme je regrette et je vous aime.
Il le lui a avoué à travers les lignes, a écrit quelques mots en lettres cyrilliques en bas de la lettre, sachant que Mycroft ne parlait pas un seul mot de russe, un peu effrayé d’être trop direct et désirant pouvoir s’exprimer dans sa langue natale. Ces mots, il aimerait pouvoir les exprimer à voix haute, avant de ne plus jamais pouvoir les prononcer. я тебя люблю.Je vous aime.
Il ne viendra pas.
Une larme roule sur sa joue à cette pensée, il ne l’essuie pas et tandis que la pluie se met à tomber plus fort, il fixe devant lui, espérant voir apparaître la haute silhouette de Mycroft Fitzpatrick qui se fait absente. Avec plus de courage, il serait sans doute allé chez lui sur le pas de sa porte pour tout lui avouer, seulement il n’a pas eu le courage de se voir rejeté ni même envie d’attirer l’attention de voisins trop curieux à leurs fenêtres. Au moins ici, personne ne peut les observer, personne d’autre ne peut être témoin de leur relation, mis à part la nature.
Il finit par détourner la tête. Quelle heure est-il ? Il n’en a aucune idée, il ne porte pas de montre. Du travail l’attend chez lui, une montagne de dossiers, ainsi qu’une liste de potentiels invités à approuver – il va dire oui sans la regarder – et Hermès. Généralement, par ce temps, le félin vient se lover contre lui tandis qu’il s’adonne à son activité favorite, la lecture, mais ces derniers temps, les livres restent alignés dans la bibliothèque. Ils lui rappellent douloureusement Mycroft et leurs après-midi passés autour d’une tasse de thé à parler littérature, à l’écouter parler de ses cours alors il préfère ne plus y toucher, ce qui ne lui donne plus grand-chose à faire mis à part se pencher davantage dans son travail car pendant ce temps là il est si concentré qu’il en oublie tout le reste - Mycroft, son mariage, la cause - même si le retour à la réalité est parfois brutal, au moins a-t-il encore quelque chose à se raccrocher pour ne pas totalement sombrer.
Que fait Mycroft à cette heure ? Il n’est pas dehors, jamais il ne sortirait Doyle sous cette pluie. Est-il occupé à lire ou à préparer ses cours pour la nouvelle année ? Peut-être est-il retourné à Londres – ce qui expliquerait pourquoi il n’est pas encore venu – ou à Oxford pour retrouver d’anciens collègues, renouer avec d’anciens amis, peut-être a-t-il même trouvé quelqu’un d’autre pour parler poésie ou théâtre, un homme qui ne lui cache pas sa véritable situation. Cette idée – presque saugrenue – provoque en lui une myriade de sentiments : détresse, culpabilité, jalousie, mais aussi résignation et consolation. Mycroft mérite quelqu’un qui puisse le rendre heureux, et il n’est pas cette personne, même si c’est là son souhait le plus cher.
Le ciel continue à déverser des trombes de pluie, il songe brièvement à rentrer, avec cette pluie personne n’est assez fou mis à part lui pour mettre le nez dehors. Il ne viendra pas rentrer chez toi. Il ferme les yeux, l’espace d’un instant, tâchant de chasser cette voix qui le nargue sans cesse. Il doit rester ici. Il sait que les chances que Mycroft ne vienne par ici sont nulles, mais il se refuse à partir avant que la nuit ne tombe. Il n’a rien d’autre à faire, mis à part se morfondre chez lui de toutes les manières.
Son cœur se serre soudainement avant de se mettre à battre frénétiquement. Il rouvre les yeux et il pense distinguer une silhouette au loin. Son imagination et la fatigue lui jouent sans doute des tours, pourtant elle semble se rapprocher. Il secoue la tête, cligne des yeux et se pince le bras pour s’assurer qu’il ne rêve pas. La silhouette se rapproche encore, il peut la distinguer désormais.
Il est là.
Il se pince de nouveau pour s’assurer que tout est réel. Il ne rêve pas. C’est bien la silhouette de Mycroft Fitzpatrick qui se rapproche de lui. Paralysé, il ne peut rien faire d’autre que le voir s’avancer vers lui à grande vitesse – lui laissant juste le temps de lever le sort de repousse-pluie – et se retrouve subjugué.
C’est bien lui. Il retrouve avec plaisir ce visage familier malgré la pluie qui y ruisselle et une barbe naissante. Il retrouve ces traits fins et anguleux, ces pommettes hautes, ces yeux clairs dans lesquels il pourrait se plonger indéfiniment et cette voix grave qu’il n’a pas entendu depuis si longtemps qui vient résonner au plus profond de ses entrailles.
« Vous… Vous avez lu… »
Parler lui est difficile tant il est bouleversé. Il s’était résigné à devoir attendre ici pour l’éternité, à ne plus jamais le revoir. Pourtant, il est bien là, ce n’est pas son imagination ou une manifestation étrange du don familial niché en lui. Son cœur bat si vite qu’il peine à entendre ce que Mycroft lui dit. Il est question d’un dictionnaire, mais il est bien trop plongé dans le regard bleu clair et le timbre de voix du professeur pour arriver à pleinement se concentrer sur ses paroles.
Moi aussi.
Cette fois-ci, son cœur manque de battre. Il n’est pas sûr de comprendre ce qu’il vient d’entendre. Quelque chose ne va pas dans cette scène. Pourquoi Mycroft n’est-il pas en train de crier, de lui adresser des reproches, pourquoi son visage semble aborder une expression heureuse, il s’attend presque à recevoir une gifle ou un coup de poing, mais rien ne vient. Il est perdu, désorienté dans ce lieu pourtant devenu si familier.
Mycroft tend la main – pas pour le frapper – il n’y a pas d’anneau – bientôt ce serra son tour – il ne bouge pas. Il ne peut pas.
« Je… si – Bon sang, arrivera-t-il à aligner plus de deux mots devant lui par Merlin ? – Il y a tout à pardonner ! Du moins si vous le voulez. Je n’ai pas été honnête avec vous, je vous ai fait souffrir. J’aurais dû vous dire la vérité dès le départ, mais j’ai été lâche. Je l’ai bien vu ce soir-là. À la distillerie. Je vous ai fait du mal. Je ne sais pas si je mérite votre pardon. Mais je sais que vous ne pouvez pas faire comme s’il n’y avait rien à pardonner, vous savez que c’est faux. J’avais pris mes distances avec vous quand je pensais que vous étiez marié, vous n’avez pas à vous excuser d’avoir fait de même en découvrant que j’étais réellement fiancé, ça n’a aucun sens ! »
Sa vision se brouille. Il ne mérite aucune gentillesse pas après ce qu’il a fait, alors pourquoi Mycroft agit-il de la sorte ?
« Je suis désolé, si vous saviez… Je voulais vous le dire, mais j’avais si peur de vous perdre. Vous comptez tellement pour moi. »
Ses yeux, ses joues sont trempés et ce n’est pas à cause de la pluie. Il baisse la tête, toujours rongé par la culpabilité. Il veut fuir alors qu’il y a quelques instants à peine il rêvait de pouvoir revoir Mycroft. Voilà qu’il n’arrive pas à accepter la main tendue ni à le regarder dans les yeux. Il veut disparaître désormais.
Il finit par relever la tête quand Mycroft s’exprime de nouveau. Cette phrase, il la reconnaît. Jane Austen et ses œuvres sont souvent revenus dans leurs conversations.
Laissez-moi vous dire l'ardeur avec laquelle je vous admire et vous aime.
Ces phrases-là, on ne les retrouve que dans les livres. Tout comme ces situations. Ces mots ne peuvent pas lui être adressés. Pourtant, quand il trouve la force de se plonger de nouveau dans le regard clair du professeur, il ne voit rien d’autre que de la sincérité.
Lentement, sa main se lève pour attraper celle de Mycroft. Ses doigts se resserrent doucement autour des siens, sa peau est chaude contre la sienne.
« Qu’attendez-vous alors ? Que je vous dise que je vous aime de la même ardeur ? Que je serais prêt à devenir l’ombre de votre ombre pour ne plus avoir à vous quitter ? »
Il murmure également. Il a cessé de pleurer, mais ses yeux sont toujours humides. Il se rapproche légèrement, il y a eu trop de distance entre eux pour en supporter davantage.
Il est venu.
MADE BY @ICEANDFIRE / IN FOR THE KILL › 2021-2022
┗ Dark Paradise ┛
Every time I close my eyes, it's like a dark paradise No one compares to you I'm scared that you won't be waiting on the other side
sang : moldu, sang trop ordinaire que pour être intéressant
myocarde : homme seul, prétendant un veuvage imaginaire pour échapper aux commérages, le coeur battant pour un autre homme - passion illégale pour son temps, émois illicites et pourtant réciproques
allegeance : il ne prête serment qu'à lui-même, à la fois trop curieux et trop égoïste pour s'engager dans une quelconque cause ou organisation
Il est trempé jusqu’aux os, éclaboussé de boue jusqu’aux genoux, ses souliers sont positivement ruinés, et rien de tout cela n’a d’importance.
« J’ai lu » halète-t-il entre deux essoufflements. « J’ai lu, mais je n’avais pas compris… » Il a lu et relu, parcouru la lettre jusqu’à ce que les mots s’en impriment dans son subconscient, jusqu’à ce qu’il puisse reproduire l’élégante calligraphie jusque dans ses rêves. Si on le lui demandait, il pourrait en fournir une copie fidèle. Mais les caractères cyrilliques, sibyllins, lui ont échappé jusqu’à ce qu’il finisse par remettre la main sur ce dictionnaire délaissé. Et c’est seulement aujourd’hui que la pleine signification de cette missive lui a été révélée, par l’un de ces coups du hasard que même les lecteurs les plus assidus trouveraient exagéré.
Mais il se fiche de l’avis des autres. Le seul qui importe désormais est celui de l’homme qu’il vient de retrouver, l’homme auquel il peut enfin dire « … je vous aime. »
Et peu importe qu’Antonin soit fiancé, peu importe le temps perdu à croire que lui-même était marié. Qu’importent les mois écoulés dans l’attente d’un regard qui signifierait davantage, dans l’espoir de ces trois mots, si enfin il peut les prononcer sans peur, avec une ferveur dont il est le premier étonné. Et non, cela n’a aucun sens mais qu’importe ! Si l’amour était rationnel, cela se saurait - et cela l’intéressait probablement beaucoup moins. Les mathématiciens en auraient étudié l’équation, les poètes s’en seraient moqués : mais ce n’est pas le cas, c’est même tout l’inverse. Les scientifiques sont tenus en respect et l’on célèbre enfin les littéraires à leur juste valeur, dès lors qu’il est question de ce sentiment élusif et pourtant si profondément ancré en chaque être.
C’est pour cela qu’il choisit de citer Austen, plutôt que de confier à ses propres mots le soin de transporter ses émotions. L’air est lourd des silences passés, lourd de l’orage qui a déjà éclaté, lourd de tous ces éclats de leurs cœurs qu’ils ont appris à ramasser sans se plaindre et sans pleurer - parce que les hommes, ça ne pleure pas, tout le monde le sait. L’air est épais et distendu, déformé par la pluie qui tombe sans discontinuer, mais ses mots le traversent comme une flèche. A-t-il atteint sa cible ?
Un dernier instant, le doute est encore permis.
Mais rapidement, tout s’efface et l’univers se réduit à leurs deux silhouettes sous le rideau gris. Leurs mains qui se frôlent puis s’étreignent enfin, sans qu’aucun métal ne vienne retarder encore ce qui n’a que trop attendu. Depuis combien de temps Antonin attend-il ainsi sous l’averse ? Sa peau est sèche et chaude contre les doigts gourds de l’instituteur, mais plus encore, c’est ce regard couleur de glace qui le réchauffe jusqu’au tréfond de son âme.
« Dites-moi tout ce que vous voulez. Dans le langage que vous voulez. Dites-moi que vous m’aimez ou que vous me détestez, dites-moi que j’ai raison ou que je me suis fourvoyé, mais par pitié, parlez-moi. »
Mycroft n’aime rien tant que s’écouter parler, on le lui a souvent répété. Il se découvre soudain assoiffé d’un autre, de ses vocalises et de ses moindres sonorités. Pas de doute, si Antonin parlait, qu’il crie ou qu’il murmure, Mycroft l’écouterait comme il n’a jamais rien écouté.
Ils se rapprochent sans même y penser, et le monde rétrécit encore. Il n’y a plus qu’eux, debout sous la pluie, et leurs mains qui se serrent, et le bras du professeur qui déjà achève de clore leur étreinte. On les croirait prêts à valser sous l’averse, prêts à plonger ensemble dans le Dragonfly Canal.
« Je n’aime rien autant que le son de votre voix » souffle encore le Britannique, avant de serrer Smirnov tout contre lui. « Ne me quittez pas, je vous en supplie. »
Les hommes, ça ne supplie pas. Mycroft le sait, mais il s’en fiche. Pour Antonin, il suppliera. Pour cet homme qu’il aime, il sera fou, il sera moine, il sera soldat. Tout ce qu’Antonin voudra, pourvu qu’il reste. Pourvu qu’il ne s’éloigne pas, qu’il ne s’éloigne plus. Ils ont déjà perdu trop de temps à se fuir.
labeur : Secrétaire pour l'ambassadeur soviétique du Royaume-Uni et traducteur pour une petite maison d'édition du côté moldu
alter ego : Antonin Smirnov, l'identité sous laquelle il est né, est arrivé en Angleterre, le nom de sa mère, une manière de ne pas l'effacer complètement.
sang : Sang-pur
don : Troisième oeil, rêves flous, visions du passé ou du futur, difficiles à cerner qui le tiennent éveillé des nuits entières
myocarde : Romantique au coeur brisé, cherchant une âme-soeur, un homme pareil aux romans gothiques qu'il affectionne tant. Cœur épris dont la relation naissante est déjà brisée par des fiançailles arrangées.
allegeance : Mangemort. Si il n'accorde pas autant d'importance à la question de la pureté du sang que d'autres, il estime que les moldus sont un danger pour le monde magique. A ne pas éradiquer mais à soumettre, à arrêter avant qu'il ne soit trop tard.
particularité physique : Une cicatrice dans le bas du dos, vestige, marque au fer rouge d'une enfance et d'un oncle trop brutal.
Peut-être que tout ceci est un rêve, que rien de cela n’est réel. A force d’attendre depuis si longtemps sous cette pluie, d’imaginer milles scénarios couplé à cette culpabilité qui le dévore depuis des semaines son esprit a finit par lui jouer des tours pour venir lui apporter cette hallucination. Seuls quelques détails lui permettent de ne pas se conforter dans cette pensée déprimante, comme le fait que l’apparence quelque peu négligée mais non dénuée de charme de Mycroft ne puisse être le fruit de son imagination – il a toujours connu le professeur tiré à quatre épingles – mais surtout le contact de sa peau contre la sienne, qu’il voit comme ultime preuve que tout ceci est réel et presque inconsciemment il vient caresser du pouce le dos de la main du britannique.
Je vous aime.
Ces mots il les a rêvés, il les a désirés, mais si peu entendus dans sa vie. Ces trois mots alignés les uns après les autres sonnent comme la plus belle des poésies à ses oreilles et il sent son cœur s’emballer dans sa poitrine.
Je vous aime aussi.
Il n’arrive pas à parler pourtant, il en est incapable, bien trop submergé par les émotions pour réussir à émettre un seul son. Il n’y arrive pas car il se perd dans le regard clair de Mycroft, ce regard qu’il sait que même le plus puissant des sorts d’amnésie ne pourra pas lui faire oublier les frissons qu’il lui procure quand il se plonge dedans, qu’il est envoûté par le visage et la voix du professeur comme au premier jour, c’est à se demander qui est le sorcier et qui est le moldu entre eux deux.
Mycroft l’enjoint à parler mais il n’y arrive toujours pas alors il se mordille la lèvre comme à son habitude, il ne sait pas par où commencer, c’est pour ça qu’il a écrit cette lettre, il a toujours été plus doué pour écrire que pour parler, c’est plus facile, les mots glissent sur le papier avec aisance entre ses mains mais entre ses lèvres c’est une autre histoire, il ne sait jamais quoi dire, par où commencer et il craint que les intonations froides de son accent ne gâchent tout ce qu’il pourrait dire et ne donnent l’envie à Mycroft de le laisser là, définitivement.
Il le supplie pourtant alors il tente de rassembler ses esprits et du courage pour prononcer les mots tant désirés et soudainement le bras du professeur vient s’enrouler sur lui en une étreinte qui le fige une nouvelle fois. Il n’a jamais aimé ce genre de contacts physiques et comme pour les mots, ne sait pas comment faire avec, il doit essayer pourtant si il ne veut pas que Mycroft ne s’éloigne de lui définitivement. Il vient maladroitement lui rendre la pareille en essayant de ne pas prêter trop d’attention à son cœur qui bat trop vite et à la chaleur qui enveloppe son corps en cet instant.
« Je vous aime. Je vous aime aussi. »
Sa voix tremble un peu, il aimerait que sa voix contienne plus de chaleur mais au moins a-t-il réussi à retrouver l’usage de la parole.
« J’aurais aimé pouvoir vous le dire plus tôt, bien avant tout cela mais je ne voulais pas vous perdre. Je n’avais jamais éprouvé ce que je ressens avec vous avant. »
Son cœur s’est déjà emballé auparavant, mais jamais à ce point là.
« Je ne partirais pas, je vous le promets. »
Le quitter ? Après l’avoir attendu si longtemps ? Si il le pouvait, il arrêterait le temps pour rester figé ici, dans les bras de Mycroft dont il s’habitue doucement à la chaleur.
« Je ne pensais pas que vous me pardonneriez un jour, je pensais que vous me détestiez pour ce que j’ai fais. »
La culpabilité le quittera-t-elle un jour ? Il n’en sait rien. Mais son poids est quelque peu allégé maintenant. Assez pour lui donner un sentiment de confiance et venir poser sa tête contre l’épaule du professeur. En cet instant il se sent plus vulnérable que jamais et la sensation n’est pas désagréable, bien au contraire, il se sent plus léger, soulagé. Après toutes ces années à s’être fermé à toute forme de relation, amicale ou sentimentale, à refuser de s’ouvrir et de se confier par peur d’être trahi ou blessé, pouvoir le faire sans honte ni crainte est une libération d’autant plus plaisante que c’est la présence de l’homme qu’il aime qui le lui permet.
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┗ Dark Paradise ┛
Every time I close my eyes, it's like a dark paradise No one compares to you I'm scared that you won't be waiting on the other side