temporalité du rp : un jour de 1955 // septembre 1935
personnages concernés : @Solène Abbott
trigger warnings : grossophobie, troubles de l’alimentation, bullying
intervention autorisée du mj : [ ] oui [x] non
autre(s) : défi hebdomadaire jeux 2024

IN FOR THE KILL - 2021-2022

Depuis son armoire soigneusement fermée, la Pensine semble t’appeler depuis de longues minutes. Tu ressens presque son attrait jusque dans ta chair, presque… Il faut dire que tu es fatiguée, en ce moment. Épuisée par les disputes constantes qui te privent de cruciales heures de sommeil - comment Thomas peut-il être aussi cruel, pourquoi t’acharnes-tu encore et toujours à lui résister sur cette question pourtant sensible, pourtant cruciale pour l’avenir de votre couple et de ce que vous finirez par appeler votre famille ? Fatiguée aussi des demandes de Pimentine, qui te surcharge de travail - si tu retrouves le fils de Doxy qui a pondu ces comptabilités sans queue ni tête avant ton arrivée, tu vas lui faire passer le goût des endives, tu te le promets un peu plus à chaque ligne qui se brouille devant tes yeux…

Non, c’est décidé, tu n’arriveras à rien de plus ce soir. Tu veux retrouver ton domicile, le confort d’un fauteuil depuis lequel tu te sers un large verre de vin - tâchant d’ignorer le regard de ton époux, qui constate que ta consommation d’alcool ne diminue pas, et qu’aucune nouvelle rondeur ne s’inscrit au creux de ton ventre. Tu veux tout oublier de cette journée, comme tu le fais chaque soir avant de regagner la demeure dans laquelle ton couple se meurt. Mélodramatique, toi ? Ja-mais.

C’est autant pour protéger les affaires de la pègre que pour te protéger, toi, que tu procèdes à ce petit rituel. La baguette pointée sur la tempe, le filin de souvenirs déjà s’éloigne de ton front, et tu te sens un rien plus légère, un rien moins sale. C’est que les activités des Bulstrode sont loin d’être aussi resplendissantes que les visages de leurs égéries, tu es bien placée pour le savoir. Une journée de travail déversée dans la Pensine : une journée à examiner les comptes de vos divers sous-traitants, une journée à imaginer les taches de sang derrière certaines lignes barrées hâtivement.  Ton regard s’attarde un instant sur la bassine gravée de runes étranges auxquelles tu ne comprends rien : est-ce un souvenir plus vieux que tu entrevois dans l’amas de filaments argentés qui se meuvent doucereusement  ?

Tu t’approches - trop.

Autour de toi, le décor de Montmartre laisse place à de hautes montagnes, aperçues depuis une fenêtre de carrosse. Cette vue t’a toujours impressionnée, et pourtant tu n’éprouves qu’une forte envie de sortir du véhicule, un besoin incompressible d’air et de liberté qui te saisit soudain et refuse de te lâcher.

« Youhou, Solveig ! Tu m’entends ? » La voix te surprend, et tu bondis du siège vacant sur lequel tu as trouvé place. À ta gauche, deux adolescentes : l’une, brune et un peu ronde, cherche désespérément à attirer l’attention de l’autre, blonde au nez aquilin. Qui visiblement n’a aucune envie de participer à la conversation qu’on lui propose - ou plutôt, qu’on lui impose, car la brune a un débit de parole aussi irrésistible que les chutes du Niagara et voilà qu’elle se lance dans un monologue. « Je disais, qu’est-ce que tu as fait de ton été ? Moi, j’ai visité Rome avec ma mère, on a goûté les meilleures glaces de l’univers, tu aurais adoré ! D’ailleurs, j’ai demandé à Mère si on pourrait partir ensemble l’été prochain, il faut absolument que tu goûtes ce qu’ils appellent une pizza, une sorte de tarte aux légumes et à la sauce tomate et parfois ils mettent du jambon ou de la viande dessus, et un fromage, la mozzarella, tu verras c’est délicieux ! Et puis, on a vu Herculanum et Pompéi, enfin, ce qu’il en reste, et c’était très impressionnant, et est-ce que j’ai déjà dit que tu avais l’air en forme ? Tu as bronzé, non ? Et qu’est-ce que tu as minci, ohlala, il faudra que tu me dises ton secret… On dirait une princesse de contes de fées, comme Cendrillon, ohlala je suis sûre qu’une robe bleu pâle t’irait à merveille, et puis si on se déguise en princesses, je pourrais être Blanche-Neige, et… »

« Qu’est-ce que c’est que ça, une maladie ?* » réplique la blonde, visiblement prête à se sentir insultée.

« Mais non, enfin, ce sont des contes… moldus. J’oubliais, tes parents sont tous les deux sorciers. Pardon… »

« Je vois pas en quoi c’est un problème. »

« J’ai pas dit que c’était un problème… Oh, regarde, on est arrivées ! » L’as-tu imaginé, ce soulagement dans la voix de l’autre enfant ? Tu t’en souviens à présent, Valérie Deauclaire, voilà son prénom. Et tu te souviens également de ce qui va suivre…

« Avant qu’on ne descende… Deux choses. De l’une, ne m’appelle plus jamais Solveig. C’est Solène, maintenant. Et de deux : j’ai commencé les compétitions d’équitation ailée, cet été. C’est pour ça que j’ai… minci. Le sport, et le grand air. Rien d’autre. »

Oh, Solveig, douce Solveig… L’enfant a disparu cet été au même rythme qu’elle ingérait la dernière création de sa cousine Pimentine, une potion amincissante aux résultats spectaculaires.

« D’accord… Solène. En tout cas, ça te réussit trop, les compètes, tu es superbe ! »

Un sourire apparaît enfin sur les lèvres pincées de la blonde. Hochement de tête, descente du chariot enchanté, murmures autour de vous alors que les autres élèves se dirigent vers la salle de banquet.

« C’est qui, la nouvelle ? »

« Eh, Florian, regarde un peu la belle plante ! »

« Elle est tellement jolie… »

« De qui est-ce qu’ils parlent ? Je ne vois aucune nouvelle tête » questionne la blonde, accrochée au bras de Valérie Deauclaire.  « C’est toi, Sol… Solène. Tu vois, je ne suis pas la seule à remarquer à quel point tu as… changé. »

Tu voudrais l’avertir, cette jeune version de toi-même. Lui dire que, peu importent les regards des autres, à l’intérieur tu resteras toujours la même. Lui dire de faire confiance à cette amie d’avant, parce que celles qui viendront après, tu ne les croiras jamais totalement. Valérie n’a jamais posé de questions, ne t’a jamais demandé de comptes, vous étiez amies avec cette simplicité des premières années de l’adolescence, amies parce que le sort vous avait rapprochées - le sort, ou plus exactement les moqueries de ces gourgandines de Vélanes. Et puisqu’on parle des démons…

« Tu as vu son nez ? »

« Comment veux-tu que je voie autre chose ? Avec une face en lame de couteau, comme ça… »

« Son uniforme la boudine un peu sur les fesses, non ? »

« Non. Non non non… »

Ces mots sortent-ils de ta bouche, ou n’ont-ils été prononcés que par ce souvenir de toi ? Tu en as déjà trop vu, il faut que tu sortes de là, que tu t’extirpes de ce souvenir dont tu connais l’issue. Le banquet sans saveurs, la nuit sans sommeil. Les repas édulcorés, rejetés aussitôt avalés, dans l’espoir vain de plaire enfin à ces filles qui ne cherchent qu’à se moquer pour masquer leurs propres insécurités. Les mois, non, les années, que tu passeras à douter de tout et surtout de toi, de cette apparence nouvelle que tu entretiendras à grands coups de philtres et de potions. Le questionnement constant -

Es-tu jolie ?
Et surtout, l’es-tu assez pour être aimée ?

MADE BY @ICEANDFIRE / IN FOR THE KILL › 2021-2022